Paul Willems   1912 - 1997

PRÉSENTATION
Le monde de Paul Willems (cette expression sert de titre à un livre remarquable consacré à l'auteur et publié chez Labor en 1984), c'est d'abord Missembourg, une propriété presque autarcique où il naît en 1912. Il ne la quitte même pas pour fréquenter l'école primaire. Sa grand-mère lui enseigne le français dans le Télémaque, le jardinier l'initie aux secrets de la nature et du braconnage, son père, qui peint des aquarelles, lui apprend à cueillir l'instant.Dans sa chambre, il connaît l'angoisse des crises d'asthme surmontées grâce à la présence silencieuse de sa grand-mère et il entend au loin, portés par le vent du nord, les bateaux qui, du port d'Anvers tout proche, lui lancent leur profond appel : celui de tous les départs. En 1923, il entame ses humanités au Lycée d'Anvers. A dix-sept ans, la nuit, il s'échappe de la maison pour gagner la ville. A la même époque, il traverse l'Escaut à la nage, descend le fleuve, flâne souvent en kayak pendant des semaines dans l'estuaire et pousse jusqu'à Bredene. Il s'engage aussi comme aide-stewart sur un pétrolier et gagne l'Amérique: aventures, défis à lui-même, avant de commencer des études de droit à l'Université Libre de Bruxelles.Il apprend alors quels conflits politiques et sociaux agitent le monde des années trente. Ses études achevées, il séjourne en Allemagne, chez l'écrivain Hausenstein. Ensuite, il fait son stage d'avocat, à Anvers, dont il connaît bien la bourgeoisie d'affaires.La campagne des dix-huit jours révèle à l'artilleur Willems l'absurdité et la contingence de la vie. Prisonnier, tôt libéré, il travaille au ravitaillement du pays, il se marie à Elza De Groodt, il écrit. Il reconstruit un Missembourg mythique dans Tout est réel ici et une Campine d'avant-guerre, forte, truculente et dramatique dans Blessures. La Chronique du Cygne, parue en 1946, traduit la même nostalgie d'un monde perdu. Cette année, Paul Willems est engagé comme secrétaire général du Palais des Beaux-Arts. Il s'installe avec sa femme à Missembourg. En 1948, il rencontre Claude Etienne qui lui commande une pièce. Ainsi se crée Le bon vin de Monsieur Nuche, satire sociale et début d'une oeuvre dramatique importante. La comédie sera jouée à New-York «Off Broadway» trois ans plus tard.Entre-temps, deux enfants lui sont nés : Jean et Suzanne.S'ouvre alors une période de longs voyages, en particulier en Chine et en Russie. Initié à l'attention dès son enfance, il sympathise avec les paysages et les êtres qui peupleront de leurs «ombres en couleurs» l'oeuvre qui s'épanouit d'année en année.En 1984, Paul Willems met un terme à ses activités au Palais des Beaux-Arts et, dans le domaine de Missembourg, parmi les arbres, les livres et ceux qu'il aime, il poursuit son patient travail d'écrivain.Paul Willems veille à la diffusion d'une oeuvre qui continue à être représentée sur des scènes importantes, comme celle du Rideau de Bruxelles, et qui fait l'objet de nombreuses traductions. Ainsi, Elle disait dormir pour mourir vient d'être reprise dans une mise en scène complètement différente, qui pose sur le texte une autre lumière et montre à quel point le théâtre de Paul Willems, par sa richesse et ses possibilités de suggestion, est susceptible de servir la créativité des comédiens.Garland, l'éditeur new-yorkais bien connu, vient de publier 4 pièces en anglais. Celles-ci ont été traduites par quatre jeunes universitaires. Il s'agit de Il pleut dans ma maison devenu It's raining in my house, de Warna devenu Warna, the weight of the Snow, de La ville à Voile, devenu The sailing City, et Elle disait dormir pour mourir devenu She confused Sleeping and Dying.Ces succès n'ôtent rien à l'attitude de sympathie distanciée, pleine de respect et de sagesse, que l'auteur adopte à l'égard du monde et de ses frères humains. Il reste celui qui «a réalisé son oeuvre théâtrale à l'écart de tout mouvement littéraire, estimant que le bien le plus précieux de l'homme est la liberté totale de pensée.» - Prix quinquennal de Littérature 1980

BIBLIOGRAPHIE


PRIX


NOS EXPERTS EN PARLENT
Le Carnet et les Instants

Restons ces éternels errants des frontières pour qui le monde n’est pas une apparence qui cache une autre réalité, mais le spectacle immense, cruel et merveilleux de l’instant. Continuons à essayer de le chanter sans jamais y arriver : ces mots sont la conclusion d’une communication de Paul Willems à la séance du 12 décembre 1981 de l’Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Elle éclaire l’art d’écrire d’un écrivain majeur de l’après-guerre en Belgique francophone, d’un prosateur et d’un dramaturge dont la langue aérienne, poétique, parfois ironique, semble constamment chercher une issue positive aux conflits implacables qui font l’histoire humaine. Bien entendu, quand je parle de l’instant, il ne s’agit pas du fait divers…


Le Carnet et les Instants

« Le théâtre est le conservatoire de la langue », écrivait Antoine Vitez et, en ce qui concerne la langue de Paul Willems, on pourrait, sans hésiter, évoquer les grands fonds, les abysses qui font échos aux affrontements, aux troubles et aux violences de la surface.Cette langue est inouïe et il faut prêter l’oreille pour être sûr que c’est bien de cela, de ce drame tragi-comique qui est notre matière,  qu’il s’agit car, chez Paul Willems, « la vie est un songe » (Pedro Calderon de la Barca) traversé des violences de la résurgence des souvenirs et des sursauts de vérité. Paul Willems est un des écrivains les plus étranges et les plus somptueux de la littérature belge.  La réédition dans la collection « Espace Nord », de La ville à voile suivi de La…