THEATRE (1954-1962)

À PROPOS DE L'AUTEUR
Paul Willems

Auteur de THEATRE (1954-1962)

Né le 4 avril 1912, Paul Willems passe son enfance dans la propriété familiale de Missembourg, à Edegem, près d'Anvers, où les automnes et les hivers merveilleusement solitaires, les journées et les mythes, la nature et les légendes mis en mots par sa mère, la romancière Marie Gevers, l'éveillent à la magie d'un lieu isolé et d'une langue qui n'est pas celle des alentours. La vie lui fait parcourir, autour du domaine enchanté, des cercles de plus en plus larges; toujours, cependant, il revient à Missembourg et à l'Escaut qui coule vers le grand large, le fascine et l'appelle. Après ses études secondaires à Anvers et un périple de deux mois dans l'Atlantique, il entreprend le droit à l'Université libre de Bruxelles et lit Joyce, Hamsun et Lawrence. Il se spécialise en droit maritime, puis il voyage en France où il rend visite à Giono, et séjourne en Bavière où il découvre le romantisme allemand qui, par le biais de la peinture — il est fasciné par l'œuvre de Caspar David Friedrich — et de l'écriture — il lit avec passion Novalis, Kleist et Brentano s'attache au mystère des choses. Revenu en Belgique après cet apprentissage majeur, il devient avocat stagiaire au barreau d'Anvers, puis il entre, pendant les années de guerre, au service du ravitaillement, et épouse Elza De Groodt. Le roman qu'il a commencé à son retour d'Allemagne est publié en 1941 : Tout est réel ici. Dans ce texte frémissant d'images, de subtiles analogies font peu à peu disparaître la frontière entre le prosaïque et le merveilleux, le quotidien et le rêve. Une même dimension féerique marque L'Herbe qui tremble (1942), une sorte de journal intime mêlé de récits, et La Chronique du cygne (1949). On la retrouve également dans le premier théâtre de Paul Willems. Devenu secrétaire général du Palais des Beaux-Arts, il rencontre Claude Étienne qui lui commande une pièce pour le Rideau de Bruxelles, Le Bon Vin de Monsieur Nuche, accompagné d'une musique d'André Souris. Il donne ensuite, de 1951 à 1962, Peau d'ours, Off et la lune, La Plage aux anguilles et Il pleut dans ma maison (sa pièce la plus célèbre, créée d'abord en langue allemande à Vienne et à Cologne, jouée à Bruxelles avant de l'être à Moscou, à Omaha et à Belfast…), autant de moments où la fantaisie le dispute à la poésie. Une inquiétude, cependant, s'y fait jour: il n'est pas de magie ou d'enchantement qui ne laisse apparaître, çà et là, une brisure ou un arrachement. «Il y a certes dans mes pièces des moments de ravissement, dit l'auteur, mais cela ne change rien à mon pessimisme fondamental.» Une noirceur s'installe, qui avait marqué de façon assez foudroyante Blessures, un roman d'une grande densité tragique mûri pendant la guerre et publié en 1945. Le rêve, petit à petit, semble ne plus être qu'un refuge en face de la vie mutilante. Désormais, et pendant plus de vingt-cinq ans, le théâtre de Paul Willems, qui ne méconnaît ni l'âpreté, ni la cruauté ni les dérives langagières, donne à voir les vertiges intérieurs et la débâcle des sentiments, dans un monde plein d'ombres menaçantes, où le temps se fige, où la mémoire est lacunaire et les mots ambigus. Warna ou le Poids de la neige, La Ville à voile (qui obtient le prix Marzotto de même que le Prix triennal du gouvernement belge), Les Miroirs d'Ostende, Nuit avec ombres et couleurs, Elle disait dormir pour mourir et La Vita breve sont des œuvres dramatiques qui mêlent, avec une éclatante maîtrise le sourire et la douleur, la platitude du réel et le rêve d'un ailleurs, l'inventivité verbale et les jeux de miroirs troublants. Elle sont publiées en plusieurs langues (notamment en anglais et en allemand) par les soins de traducteurs fidèles. Elles balisent durant ces années la vie d'un homme qui agit, se déplace et joue un rôle prépondérant dans la vie culturelle. Devenu directeur général du Palais des Beaux-Arts, il sillonne le monde à la recherche de réalisations artistiques qu'il invite le public belge à découvrir. Parmi ces voyages, ceux qui le mènent en Autriche, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Russie et en Chine le marquent profondément; il découvre, dans ces deux derniers pays en particulier, des formes de poésie, de musique, de danse et de chant dont l'étrangeté et l'intensité l'éblouissent durablement, comme en porte témoignage toute une partie de son œuvre. En 1969, retrouvant une idée qu'il avait déjà eu l'occasion de mettre en œuvre lors de l'Exposition universelle de 1958, il crée avec Franz de Voghel le festival Europalia qui, tous les deux ans, définit un pays par la diversité de ses pratiques artistiques. Un tel miroitement culturel ne l'empêche à aucun moment de retourner au texte, où se joue l'essentiel. Élu à l'Académie le 13 décembre 1975 à la succession de sa mère, il reçoit cinq ans plus tard le Prix quinquennal de littérature pour l'ensemble de son œuvre puis se retire progressivement à Missembourg. Convaincu que l'écriture est un voyage, il convoque ses souvenirs et ses notes et revient, avec La Cathédrale de brume (1984), Le Pays noyé (1990) et Le Vase de Delft (1995) à la forme narrative de ses débuts. Dans ces récits de longueur variable — qui, tous, d'une manière ou d'une autre, appartiennent à ce que l'auteur appelle la mémoire profonde et éclairent l'ensemble de son œuvre —, il tente, en une démarche proche du cheminement initiatique, de cerner d'invisibles blessures et des bonheurs ineffables, de percevoir le dédoublement du monde, d'entrevoir l'envers des choses, de saisir un instant leur autre dimension. Sur tout cela, il s'interroge en autobiographe et en sourcier de l'imaginaire qui passe imperceptiblement de la vie à la littérature, du souvenir à sa transposition poétique dans Un arrière-pays. Rêveries sur la création littéraire (1989). Ce qui se donne à lire, dans ce commentaire qu'il adresse à ses jeunes lecteurs, au cours d'une série de conférences données à Louvain-la-Neuve, est une véritable poétique de la mémoire. Paul Willems est mort le 28 novembre 1997.

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Qu’est-ce qu’un magneû d’ blanc ? Qu’est-ce qu’un « mangeur de blanc » ?

Lors du décès de Michel Galabru , en ce 4 janvier 2016, la télévision a rediffusé la version théâtrale de La femme du boulanger de Marcel Pagnol, dans laquelle l’acteur tient le rôle du protagoniste, Aimable Castanier. Aimable est un prénom tragiquement prédestiné pour celui qui devra camper un personnage de cocu, sinon content, du moins résigné... et pathétique. Et ceci n’a rien à voir avec le Bruno psychopathe, – d’une jalousie maladive, qui n’a de cesse de pousser sa femme à l’infidélité pour justifier ses propres soupçons – Le Cocu magnifique de Fernand Crommelynck, ni avec le Sganarelle, cocu imaginaire de Molière. Ces deux derniers sont des personnages de comédie, de farce, des personnages caricaturaux qui prêtent plutôt à rire (ou à faire grincer des dents). Aimable Castanier, lui, est pitoyable, parce qu’il est humain, profondément humain. M’est revenue en mémoire, à cette occasion, une expression qu’on utilisait dans ma jeunesse (et qu’on utilise peut-être encore), au pays de Herve, pour désigner ce type de personnage qu’on rencontre quelquefois dans notre entourage : un mari complaisant, un cocu qui s’ignore ou qui feint de s’ignorer, est qualifié de magneû d’ blanc, de « mangeur de blanc ». Et l’expression n’était utilisée que dans cette acception-là. Ayant consulté mes dictionnaires de référence – le Petit et le Grand Larousse, le Petit et le Grand Robert, le Littré... – sans rien y trouver, j’en avais conclu un peu vite que cette expression était dialectale. Et j’avais même imaginé que ce blanc-là dont il est question dans l’expression n’était autre que le blanc d’œuf, de l’œuf qu’on fait gober cru, entier, et d’une traite, comme on peut faire prendre à tout gobeur naïf des vessies pour des lanternes XX . Les dictionnaires dialectaux Les lexicographes en langue régionale qui répertorient cette expression sont souvent peu explicites. Je n’ai trouvé le « mangeur de blanc » qu’en ces endroits : – Jean WISIMUS, dans son Dictionnaire populaire wallon-français en dialecte verviétois (1947), se contente de citer l’expression magneû d’ blanc, sub v° blanc, p. 50a, sans la traduire. – Anne-Marie FOSSOUL-RISSELIN, Le vocabulaire de la vie familiale à Saint-Vaast (1890-1914), Mémoire de la CTD (Commission de Toponymie et de Dialectologie), n° 12, p. 115 : « Un homme se fait-il entretenir par une femme ? On dira de lui : C’è-st-in manjeùr [sic pour l’accent] dè blanc (influence française). » [JL, lire Jean Lechanteur] – Léon MAES (1898-1956), dont Le Patois mouscronnois a été édité en 1979, écrit : « Minjeû d’ blanc, entremetteur. » (p. 33). [JL] – Joseph COPPENS, dans son Dictionnaire aclot wallon-français, du parler populaire de Nivelles (1950), sub v° mindjeû, cite « In mindjeû d’ blanc (souteneur). » (p. 259a). Et dans son Dictionnaire aclot français-wallon (1962), sub v° souteneur, il traduit « mindjeû d’ blanc », expression qu’il illustre de l’exemple suivant : « in mindjeû d’ blanc qui vike su l’ dos dès couméres ». – Michel FRANCARD, dans son Dictionnaire des parlers wallons du pays de Bastogne (1994), sub v° blanc, écrit : « C’è-st-ou mindjeû d’ blanc, litt. ‘c’est un mangeur de blanc’, c’est un proxénète. » (p. 173a). – P. MAHIEU, dans son Lexique picard, « meots a moute el’ bahut a meots, choix de textes », (1994) écrit : « minjeu d’ blanc : litt. mangeur de blanc, homme entretenu par une femme. » (p.158b) – Dans le BTD (Bulletin de toponymie et de dialectologie) XXVIII (1953), Élisée Legros fait un compte rendu très sévère – et sans appel – du Lexique liégeois (Dinant, Bourdeaux-Capelle, 1952) de Dominique Beaufort, dont voici un extrait : « Les temps ont bien changé depuis que Haust devait se défendre pour avoir admis trop de mots français ! De-ci de-là seulement, un mot à relever, du langage plus ou moins vulgaire d’aujourd’hui souvent : caca « jeune fat », mèyus´ « ivrogne », çoula n’ vout nin dîre tchèrète (que l’auteur n’est pas le premier à enregistrer)... Notons encore magneû d’ blanc [= franç. popul. bouffeur de blanc] « souteneur », omis volontairement par Haust, et aler so l’ bate à gauche « aller chez les femmes [sic] y demeurant [y, c’est so l’ bate, traduit « quai de Maestricht (à Liège) » : n’est-ce pas plutôt d’abord « quai de la Batte » ?... XX ] (p. 160). Dans son Dictionnaire populaire liégeois (2004), Simon Stasse recopie la même définition, sub v° blanc « magneû d’ blanc, souteneur » (p. 53) et sub v° magneû « Magneû d’ blanc, marlou, souteneur ; syn. mêsse dogueû. → makeû, maquero. » (p. 250a) De Mouscron à Verviers, de Nivelles à Bastogne... toute la partie francophone de notre pays connaît l’expression. On est passé de « mari complaisant » à « souteneur » ou à « proxénète ». Ou l’inverse. Rien ne permet vraiment d’assurer le sens dans lequel s’est faite cette évolution sémantique. Dans ce cas, le blanc d’œuf pourrait devenir un beau morceau, du blanc de poulet, par exemple. Dictionnaire de belgicismes De tous les dictionnaires de belgicismes, seul le dictionnaire des Belgicismes (Duculot, 1994), de W. Bal et alii, sub v° mangeur, cite « Un mangeur de blanc. Un souteneur. » (p. 87). Toutefois, le FEW (Französisches Etymologisches Wörterbuch), 6/1, 174b, désormais consultable sur Internet, écrit ceci sub v° manducare : « nfr. mangeur de blanc ‘homme qui se laisse entretenir par des femmes’ BL 1808, argot ‘souteneur’ (Michel 1856-SandryC 1953), ‘argot belge’ Lc, ‘bluffeur’ Lc. XX » Notons l’expression « argot belge ». Quelques enquêtes orales Il y a quelques années, faisant une petite enquête orale auprès de quelques amis et connaissances, j’ai reçu les modestes informations que voici : – Un ami borain m’écrivait ceci : « Je ne peux pas répondre pour toute la Picardie, mais le borain connaît minjeû d’ blanc dans le sens général de ‘profiteur’, celui qui vit aux dépens d’autrui, des femmes, de sa femme, sans qu’il y ait forcément connotation sexuelle ». – Dans le Condroz-Famenne, sans faire référence à un ‘pauvre type’ dont la femme (épouse, concubine) userait vénalement de « son cul » (comme m’a dit rabelaisiennement un Wallon du coin), on emploie aussi cette expression pour désigner tout profiteur. – Un témoin de Chênée (périphérie liégeoise) donne de magneû d’ blanc, dans un premier temps, la traduction « souteneur, maquereau », puis, dans un second temps, il traduit « un homme qui vit aux crochets de sa femme ». – Un ami verviétois, médecin, m’a fait le récit suivant : « Pendant ma 2e candidature, j’ai travaillé occasionnellement comme garçon de café en Outre-Meuse, l’établissement étant assez proche de la Batte et de son quartier chaud, maintenant un désert après le départ des prostituées. 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