Il y a quelque chose de froid dans l’œuvre scripturale de Jacques Richard. Cette impression est d’autant plus déroutante que l’auteur n’hésite jamais à nous confronter à l’intériorité de ses personnages. Dans leur intimité crûment dévernie, ces derniers nous tiennent pourtant en respect, à l’extérieur. Ils restent hors de portée. Les mécanismes d’empathie, si confortables, ne s’enclenchent donc pas ; ce n’est pas le propos. On pourrait se croire à une représentation théâtrale : il y a des protagonistes, des scènes, des mono/dialogues, mais aussi une distance entre le public plongé dans l’obscurité silencieuse et les acteurs évoluant en actes et en paroles sur les planches. Mais la comparaison ne se pousse pas plus loin car rien n’est joué…
Jacques RICHARD, Nues, ONLIT, coll. « ONLIT Mini », 2020, 80 p., 8 €, ISBN : 9782875601261« Nues, en pied et grandeur nature. De face », les yeux plongés dans ceux de l’artiste. Toiles de mêmes dimensions, supports de qualité identique, toujours de la peinture à l’huile. Pas de décor. Et un « travail d’un réalisme précis, mince et sans effets ». Voilà comment Jacques Richard a peint plusieurs femmes entrant dans la jeunesse ou la quittant, trop maigres ou trop charnues, rétives ou généreuses, inconnues ou familières, maniérées ou naturelles. De son regard parfois gêné et intransigeant, Richard les a dévisagées, contemplées sans désir, observées (face à face ou sur papier glacé) avec « l’urgence patiente d’un ours pêchant au bord de la rivière » ;…
« De l’image à la voix le chemin peut être bref, si les sens répondent. La rétine communique avec le tympan et parle à l’oreille de celui qui regarde ; et pour celui qui écrit la parole écrite est sonore : il l’entend auparavant dans sa tête. »Antonio Tabucchi, Récits avec figuresDécouvrir, parallèlement à la lecture du dernier recueil de Jacques Richard, Sur rien mes lèvres, cette phrase d’Antonio Tabucchi extraite de son dernier livre n’est pas une coïncidence. Il n’y a d’ailleurs pas de coïncidence en littérature dès lors que l’on sait, lecteurs curieux que nous sommes, que les livres subtilement, « maïeutiquement », s’appellent, se répondent et s’engendrent. Pour le poète, musicien et peintre qu’il est aussi, le décor s’affiche sur…
Il y a différents types de cimetières. Loin des Vallées des Rois et des Reines, des croix blanches militairement alignées et des nécropoles aujourd’hui virtuelles, ceux de nos contrées se ramifient souvent en allées rectilignes et sentiers tortueux, entre gravier et poussière. Le long des caveaux en floraison ou en abandon, nous percevons rapidement une organisation singulière : une partie ancienne, des tombes modernes, des lopins dévolus à telle ou telle confession, des rassemblements communautaires post-mortem, une pelouse cinéraire. Et, au fond, tout au fond, un peu cachée, parfois une fosse commune. Le carré des indigents dans lequel sont enfouies les petites misères et ensevelis les grands secrets, de ceux qui engendrent les questionnements de toute une vie, de toutes…
Scènes d’amour et autres cruautés est une expérience littéraire unique. Jacques Richard, à la manière d’un peintre sur-réaliste, fait surgir des images extra-ordinaires, pièces d’un puzzle éclaté où tout ne s’emboîte pas de soi. Le processus de familiarité qui installe classiquement le lecteur dans un univers fictionnel ne fonctionne pas ici. On est dérangé, poussé hors de notre zone de confort. On pense comprendre, puis non. On pense voir, puis non. On pense saisir, puis non. On pense… On pense beaucoup trop. L’impératif du lâcher-prise s’impose. Car, dans un mouvement d’une fluidité extrême, d’une virtuosité confondante, Richard fait glisser de consciences en voix, de sujets en objets, de vibrations intimes en distantes extériorités. Comme si…
« Tu n’en as plus ? De l’espoir, tu n’en as plus ? Tu es désespérée ? » Adeptes de la littérature feel good ou divertissante, passez votre chemin. La course, le nouveau roman de Jacques Richard, est aux antipodes de cette veine. On y entre comme dans un sable mouvant et l’on s’y empêtre, aspiré à notre esprit défendant. Comme à son habitude, un peu plus qu’à son habitude, Richard n’épargne pas le lecteur. Non par des jeux d’outrance ou de provocation faciles, cela ne siérait pas à son élégance ; plutôt par un parti pris assumé de limites inconfortablement brouillées. Avec subtilité et subversion, l’auteur aborde en effet un sujet délicat, glauque : l’inceste. Sans jamais se positionner sur le plan de la morale (ni écrire le mot en toutes lettres),…
Publié chez Onlit Éditions en février 2019, La Femme qui chante de Jacques Richard nous bouleverse par ses tableaux emplis de poésie. À travers une forme atypique, le lecteur découvre Solange, tantôt confrontée à la mort, tantôt soumise au regard des autres.
Publié chez Onlit Éditions en février 2019, La Femme qui chante de Jacques Richard nous bouleverse par ses tableaux emplis de poésie. À travers une forme atypique, le lecteur découvre Solange, tantôt confrontée à la mort, tantôt soumise au regard des autres.
La Femme qui chante raconte l’histoire de Solange, femme définie par les hommes de sa vie. En se servant tant du médium de la littérature que celui de la peinture ou du théâtre, Jacques Richard nous livre un roman constitué de tableaux juxtaposés…