Vivre sa vie : une novélisation en vers du film de Jean-Luc Godard


RÉSUMÉ

Une novellisation n’est en principe rien d’autre que l’adaptation d’un film sous forme de livre. En général, il s’agit d’un sous-produit hollywoodien que les auteurs répugnent à signer de leur vrai nom, tellement le genre est stigmatisé. Mais comme rien ne doit échapper à la poésie, surtout pas les grands films (et «Vivre sa vie» de Godard est un chef-d’œuvre absolu), il arrive qu’on essaie de faire autre chose. Non pour dissimuler le travail de Godard sur la grisaille,…




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Le Bestiaire n°III de Marcel Broodthaers, Poèmes, 1960-1963

Marcel BROODTHAERS , Le Bestiaire n°III de Marcel Broodthaers, Poèmes, 1960-1963, édition et présentations par Maria Gilissen-Broodthaers et Jean Daive, L’atelier contemporain, 2024 , 208 p., 30 € , ISBN : 9782850351433Inclassable briseur de moules, poète, artiste conceptuel qui, dans une veine postduchampienne, bouleversa les rapports entre écriture, images et objets, d’une liberté de pirate au pays des signes et de l’institution muséale, Marcel Broodthaers (1924-1976) fut un génial brouilleur de frontière entre l’écrit et le dessin, l’humain et l’animal, le concept et la matière. À l’occasion du centenaire de la naissance de Marcel Broodthaers, L’Atelier contemporain publie des poèmes-poèmes, des poèmes-objets placés sous le signe du bestiaire. Remarquablement édité et présenté par Maria Gilissen-Broodthaers et Jean Daive, Le Bestiaire n° III de Marcel Broodthaers, Poèmes, 1960-1963 nous plonge dans l’espace de création physique et mental d’un artiste qui publia des recueils de poèmes, des ouvrages — Mon livre d’Ogre , Minuit, La bête noire, Pense-bête —, qui déconstruisit la poésie en la déportant vers les arts plastiques. Interrogeant les conditions et les limites du voir, du montrer, de l’écrire, de l’exposer, marqué par Magritte, par Mallarmé, casseur des codes de l’expression, inclassable chercheur, il créa en 1968 un musée d’art imaginaire, le Musée d’art moderne, Département des Aigles, Section du XIXème siècle dont il se nomma conservateur. Détournant les Fables de La Fontaine, le Bestiaire de Broodthaers immerge l’humain et l’animal dans des récits, des moralités qui, suivant l’ordre alphabétique, auscultent dans une «  invention sans limite  » comme l’écrit Jean Daive, la comédie humaine, les mondes insoupçonnés de l’araignée, du lézard, du rhinocéros, du lion mais aussi de l’eau, du désert, du feu ou du banquier, du don juan, de l’alcoolique. Dessins, poèmes raturés, dératurés, listes, tableaux, jeux, textes manuscrits délivrent une expérience graphique, visuelle entre ready-made poétique et fable surréaliste. Tout est œuf. Le monde est œuf. Le monde est né du grand jaune, le soleil. Notre mère la lune est écailleuse. En écailles d’œufs pilés, la lune. En poussière d’œufs, les étoiles. Tout, œufs morts. Et Perdu, l’homme. En dépit de preuves, monde, soleil, lune, étoiles, de trains entiers. Vides. D’œufs vides ?  Analogies, glissements d’un plan de réalité à un autre, irrévérence aux taxonomies, au bien-dire, au penser droit, alambic poétique, caviardage de textes, piétinement des lettres par leur redoublement, défaisance et recréation de la fable du Corbeau et du renard de La Fontaine, semences d’absurde et de pataphysique révoltée, pastiche, ironie cinglante et non sense , délires typographiques, déboulonnage des régimes d’autorité… Marcel Broodthaers ne laisse aucun règne en place, il agrandit, soustrait, désœuvre la poésie, la convertit en objet visuel où, comme l’analyse Jean Daive, les ratures explosent. La mouleCette roublarde a évité le moule de la société.Elle s’est coulée dans le sien propre.D’autres, ressemblantes, partagent avec elle l’anti-mer.Elle est parfaite  Dans ses poèmes, ses peintures, ses sculptures, ses gravures, ses films, ses installations, ses photographies, Marcel Broodthaers a empoigné des questions-énigmes, celles des rapports entre coutures des mots et organicité des choses, des liens entre espace imaginaire, mental et espace réel. Dans ce bestiaire jubilatoire, d’une extravagance imaginaire sans borne, il nous livre sa boîte à outils expérimentale.  Stupéfiant.  Véronique Bergen…

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Délicat, drôle et sincère en diable au corps, voici un…

Extraction de la peur

Tout au long des cinq parties qui composent son dernier recueil, Véronique Daine se garde bien de reprendre son souffle. Ici, aucun signe de ponctuation permettant au lecteur de lever la tête. L’écriture cursive, parfois acérée, coule et se déverse telle une fugue de Bach jouée en staccato. Un débit verbal qui irrigue, comme le flux sanguin, tous les recoins du corps. C’est que les mots de l’auteure s’infiltrent justement dans ces zones d’ombre pour traquer nos angoisses les plus profondes. Celles tapies dans les replis d’une chair flétrie ou dans la pénombre d’une (veine) cave. Ces peurs viscérales qui nous rappellent que les tripes sont bien logées au cœur du ventre, quand la boule d’angoisse fait chavirer l’âme. Allitérative, métaphorique, souvent hallucinée, la langue est percutante, dit le monde et les êtres tels qu’ils sont, c’est-à-dire souvent terrifiants. Les images dès lors s’entrechoquent, font craquer le reste de vernis lyrique auquel on pensait pouvoir se raccrocher.   deux nuits de petite pluie pour emporter le merveilleux grand bel été sans fin d’une vie dans les zones     du corps sans exception deux pluies de petite nuit pour que la nigredo le règne nègre le craillement     aigre s’installe à cran d’arrêt dans le cloud des jardins cois deux nuits deux pluies petites petites petites  pour la peur prospère paradant comme toujours depuis l’os ancien accepté jusqu’à la veine cave et   retour à l’iliaque sans y croire plus que ça Consciente que le poème habite ce monde, Véronique Daine ne perd pas de vue la réalité qui s’offre nue au langage et que celui-ci se doit en quelque sorte de faire rendre gorge. Faits divers sordides par exemple que l’auteure épingle pour questionner, interpeller notre sournoise attirance vers la faille que le quotidien ne cesse de dévoiler. On le sait, l’histoire, la petite comme la grande, n’est pas avare de ces entreprises de dévastation des corps, corps brisés, anéantis par l’autre ou simplement par soi-même.Si le constat lucide semble plutôt sombre, une lueur subsiste néanmoins qui est peut-être à chercher dans l’acte créateur, dans sa capacité à renouveler sans cesse le questionnement métaphysique. Témoins les notes qu’égraine, en fin de volume, l’auteure renvoyant à ces références culturelles qui balisent le texte comme autant de moments d’échappement. Ce sont peut-être celles-là, un extrait de Bach, une image du film Tango libre de Frédéric Fonteyne, un poème de Darwich chanté par Bashung, qui remplacent en quelque sorte la ponctuation manquante – virgules d’espoir – et qui permettront à terme d’extirper du corps, cette peur ancestrale, cette arythmie séculaire. Quant aux peintures à l’encre ou à l’huile d’Alain Dulac qui épousent à merveille le texte, elles agissent comme les traits d’union entre les différentes parties du livre.Récitatif contre la peur, le recueil de Véronique Daine se lit d’une traite car pour devancer la peur aux trousses, il est préférable de ne pas s’arrêter! Rony DEMAESENEER…