Le monde est une drôle de chose. Il est aussi plein d’objets, qu’on peut collectionner, quitte à les transformer en autre chose encore – un texte, un film, une illusion, un mensonge. On trouvera dans ce livre, ni répertoire ni catalogue raisonné, quelques exemples de pareil passage, par collections interposées, du monde à son double. Dresser des listes, inventorier le monde à la manière de Georges Perec ou de Thomas Clerc, ou le dupliquer à la manière de Kenneth Goldsmith, est-ce une manière de le collectionner ? Comment concilier le double impératif du choix et de l’ordonnancement ? Une série est-elle une collection ? Existe-t-il des collectionneurs heureux ? Peut-on se débarrasser d’une collection ? Est-il possible d’enseigner une collection ? À quoi bon la montrer, et à qui ? Telles sont quelques-unes des questions agitées en ces pages où le motif de la collection est envisagé sous divers angles : comme thème ou principe organisateur d’un certain nombre d’œuvres, artistiques ou littéraires ; comme objet éditorial ; comme manière d’être au monde chez ces personnes qu’on dit collectionneurs (plutôt les modestes amateurs que les « grands collectionneurs »). En s’interrogeant sur le devenir-collection du monde, cet essai suggère que le plaisir de la collection est celui d’inventer des rapports qui sans elle n’existeraient pas ; et que « le vrai collectionneur est celui qui s’autorise le droit à l’erreur, sans craindre les faux pas. Sans ratés de collectionneur, une collection n’est rien d’autre qu’une forme d’héritage ». Jan Baetens est l’auteur d’une vingtaine de livres de poésie. Il a également publié deux essais sur la poésie contemporaine : Pour en finir avec la poésie dite minimaliste et À voix haute. Poésie et lecture publique (Les Impressions Nouvelles). Son intérêt pour les rapports entre texte et images l’a conduit par ailleurs à consacrer de nombreuses études au livre illustré, à la bande dessinée, au roman-photo et à la novellisation.
Auteur de Un monde à collectionner
Jan BAETENS, Un monde à collectionner, Herbe qui tremble, coll. « D’autre part », 2024, 216 p., 18 €, ISBN : 978-2-491462-77-2Une fois n’est pas coutume, commençons par l’excipit : « Les collections, comme le monde, sont faites pour aboutir à des livres ». Ce n’est pas spoiler Un monde à collectionner, le dernier essai de Jan Baetens, que d’en citer d’emblée la conclusion ; c’est au contraire annoncer que la promesse suggérée par sa couverture et son titre est parfaitement tenue.Deux cents pages, et encore, avec des images de ci de là, on pourrait croire que c’est bien peu pour aborder un sujet d’une telle ampleur. La manie de rassembler, de conserver, de posséder,…
Le panache de l’escargot. Philosophie vagabonde sur l’humeur du monde
Dans ce troisième recueil de chroniques qui recense des textes courts philosophiques chapeautés par des titres parfois surprenants, Pascale Seys nous emmène dans ses réflexions sur des thèmes classiques tels la vieillesse, le bonheur ou la gentillesse, mais aussi des thèmes plus inattendus comme les distributeurs de savon automatiques. En recourant souvent à l’étymologie des mots et en faisant régulièrement référence à des philosophes de toutes les époques, l’autrice nous offre des textes tantôt doux et drôles, tantôt profonds et inspirants, et nous pousse à repenser le monde d’une façon nouvelle. Sans jamais y porter aucun jugement, elle aborde avec un regard authentique et juste les parts obscures de l’homme et du monde, tentant de les appréhender, de les comprendre, loin des certitudes et des réponses toutes faites. Deux mouvements contraires, le désir de faire société d’une part et la monotonie de leur vie intérieure d’autre part, poussent les hommes à se tourner les uns vers les autres. Mais les défauts de chacun, qui inévitablement apparaissent, les dispersent aussitôt : tel est le paradoxe de la vie en commun. Excessivement proche en mode fusion ou trop éloigné d’autrui en mode fission, les risques sont, en réalité, exactement les mêmes pour les hérissons que nous sommes : ceux de la solitude, de la déception conjugale, amicale ou sociale mais avec toujours, au milieu du gué, un corps qui tremble de froid ou qui, s’il se réchauffe, finit par suffoquer. Dans Le panache de l’escargot , Pascale Seys a pris le parti de rédiger ses textes selon un trajet non rectiligne : elle sautille d’une anecdote à l’autre, d’une référence à l’autre, sans perdre le fil de sa pensée, emmenant son lecteur de découverte en découverte, à travers sa propre quête. Car au fond, il n’est question que de cela : tenter d’appréhender la part secrète et mystérieuse de la vie, l’envisager comme une aventure vaste et joyeuse, afin de cheminer vers une meilleure connaissance de soi, pour être plus libre.À l’heure où nous sommes toujours confinés et où nous souffrons de ne plus pouvoir voyager à notre guise, Pascale Seys nous invite à faire un des voyages les plus magnifiques : partir en quête de soi. Cette quête est certes « difficile, périlleuse, pleine d’écueils, indocile », mais ne serait-il pas intéressant d’envisager cette maison confinée où certains d’entre nous étouffent, comme un lieu d’exploration joyeuse, où l’on échappe à « l’ivresse de la vitesse » et la dictature de la rentabilité, pour trouver chacun à son rythme le beau et le bon, là où ils sont invisibles à l’œil nu (« il faut sans doute imaginer qu’il appartient à notre regard de faire en sorte que le monde, pourtant si laid à certains égards, puisse apparaître soudainement outrageusement beau et digne d’admiration »).Quelle belle invitation ! Envisager le panache de l’escargot que nous sommes… Séverine Radoux Un regard philosophique intelligent, décomplexé et décomplexant sur notre vie quotidienne « Regarder loin, humer de près, sentir en profondeur et explorer une dimension supérieure » : c’est ce voyage-là, exactement, que cette diablesse de la philosophie nous fait faire, nous menant à nous et aux autres sous couvert de papillons, de homards, de scorpions et de grenouilles, étrangement et délicieusement accouplés à Dostoïevski, Platon, Socrate ou Thoreau, savoureusement pimentés par Tarantino, Brian De Palma, David Hockney ou Louise Bourgeois, le tout savamment enrobé…