Ripple-marks (1976) est peut-être le plus grave des livres de Muno. C’est sans doute pour cela qu’il est le plus « farce ». Son narrateur fétiche s’y retrouve, un petit homme effacé et triste, si proche des chapeaux melons de Magritte ou des longs manteaux de Folon, un monsieur qui prend tout naturellement la couleur grisaille, même face à une plage ensoleillée. C’est que le « je » de Ripple-marks (l’auteur s’identifie à lui sans mystère, le désignant ironiquement par « Muno ou l’aventure ») est en vacances et, par la même occasion, en vacance de tout. Il est face à la mer, c’est-à-dire, comme chacun de nous, face à la mort, mais se garde bien de faire un pas de plus. Il reste aux confins, sur la terrasse d’un appartement de villégiature et, de là-haut, en posture de guetteur, observe la plage, où se tracent les rides dans le sable, comme ses propres lignes sur le papier.
Auteur de Ripple-Marks
S’il y a bien un événement dont on peut se réjouir en cette année littéraire, c’est la réédition de Ripple-marks de Jean Muno. Bien sûr, c’est à l’Académie royale de langue et de littérature françaises, en collaboration avec les éditions Samsa, que l’on doit cette remise au jour – puisque Jean Muno, aka Robert Burniaux, fut, en son temps, académicien (mais sinon, il était aussi prof et, surtout, écrivain). La première édition de Ripple-Marks datant de 1976, chez Jacques Antoine, et la deuxième parue dix ans plus tard à L’Âge d’Homme, on avait tout le loisir de passer à côté, ce qui est une véritable erreur, un absolu ratage, une affreuse maldone dont nous voilà aujourd’hui épargné.e.s, et heureux-ses de l’être. Ripple-marks…
Monsieur Satie : L'homme qui avait un petit piano dans la tête
Pour découvrir l'oeuvre d'Erik Satie à travers une histoire et des extraits des plus célèbres pièces du compositeur. Mélancolique et triste à souhait, cet album-CD n’en est pas moins magnifique. Parler d’Erik Satie - le solitaire, le marginal, l’excentrique souvent incompris -impliquait un ton décalé, gentiment moqueur et grinçant, que rend très bien la voix du récitant François Morel (qui doit sa célébrité, rappelons-le, à l’émission télévisée des Deschiens sur Canal +). Ce n’est pas une araignée au plafond mais juste un petit piano que Monsieur Satie a dans la tête. Les notes de musique y trottent, y vagabondent sans relâche. Il est audacieux, anticonformiste, se moque du wagnérisme et des vaniteux. De son cœur s’échappent des mélodies simples pour rêveurs et poètes, un public qui lui ressemble. « Monsieur Satie parle parfois à la lune. » Et parfois aussi, « Monsieur Satie met son smoking pour écrire une partition. » Il compose, explore, mélange les genres au risque d’être méprisé. Certains l’admirent cependant, comme Cocteau ou Picasso. L’illustratrice Elodie Nouhen évoque bien l’esprit des surréalistes et la solitude du petit monsieur perdu dans le tourbillon des notes. Touches de piano, métronome, partitions…sont surdimensionnés par rapport au musicien qui ne semble pas plus haut que trois chapeaux. Ce que Raymond Lulle appelait « la tristesse par surabondance de pensée » s’applique…
"Sachez que je serai le plus heureux des hommes lorsque je verrai cette lueur toute particulière…