Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures


RÉSUMÉ

« La mémoire de la clé – de l’origyne – s’est perdue, car au nom
du Père, sa langue fut coupée, interdite de transmission. […] Je ne cherche plus la clé, je l’ai trouvée. Je la connaissais pour en avoir été la matière même mais maintenant qu’elle a été nommée, il me faut écrire à partir d’elle. Donner la clé pour entrer dans ma maison. »

Le point de vue de Claire Lejeune est celui des origines, et plus particulièrement, de l’origyne, c’est-à-dire de la féminité au commencement de toute chose, de toute création, de la Vie – qu’elle aimait écrire avec une majuscule. Ce qui nous semble une évidence est cependant une prise de conscience à l’encontre de tous les détournements d’une civilisation qui s’est savamment construite sur la servitude des Femmes et sur leur effacement dans les coulisses de l’Histoire.


À PROPOS DE L'AUTRICE
Claire Lejeune
Autrice de Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures
À seize ans, Claire Lejeune se trouve, par la mort précoce de sa mère, tenue de se vouer à ses trois sœurs cadettes, et d'interrompre ses études. Mariée, la voilà à son tour mère de trois enfants. La Montoise semble destinée à demeurer femme au foyer. C'est mal la connaître. Elle a trente-trois ans lorsque, le 9 janvier 1960 très précisément, elle entre en littérature, par une sorte de coup de foudre, «origine«, lui dira Liliane Wouters en l'accueillant à l'Académie, «de votre démarche d'écrivain, je dirais plutôt, de votre itinéraire spirituel». Le coup d'envoi est donné d'une «poésie qui pense», qui suppose aussi une «citoyenneté poétique». Elle s'exprime d'abord, entre 1963 et 1972, par des recueils poétiques dont la maîtrise va croissant. Une pensée qui se dit athéologique y trouve des accents mystiques. On y sent aussi peu à peu poindre l'essai sous le poème. Le passage par le Quebec, au milieu des années septante, va être une étape déterminante. Le colloque «La femme et l'écriture», perçu par certains comme un rassemblement de sorcières («Les Laurentides, dira Liliane Wouters, ne sont pas si loin de Salem»), est le déclencheur, ensuite l'invitation à animer un atelier d'écriture à l'Université du Québec à Montréal (UQAM). Un livre en surgira, L'Atelier, qui réunit quelques propositions-clés de la pensée de Lejeune : introduction du tiers que la raison duelle exclut, altérité du «je», rejet non seulement du patriarcat autocrate mais du matriarcat abusif, remplacement de la patrie-matrie par la fratrie. Et surtout, comme le résume Wouters, «refus de l'esprit de chapelle au nom de l'esprit d'atelier». Ces notions seront développées dans les livres suivants : L'Issue (1980), L'œil de la lettre (1984), Le livre de la sœur (1992), Le livre de la mère (1998). Comme pour contredire la réputation d'hermétisme qui accompagne abusivement ses livres, elle aborde dans ces années nonante le théâtre, langage de la communication immédiate s'il en est, en écrivant Ariane et Don Juan (créé par le Magasin d'Écriture Théâtrale avec, dans le rôle de Don Juan, Jacques De Decker qui par la suite préfacera l'édition du texte à l'Ambedui et le mettra en scène au Théâtre Poème), puis Le chant du dragon et Les mutants. Cette œuvre s'élabore parallèlement à un vaste travail d'animation. En 1962, elle fonde Les Cahiers du symbolisme, en 1965 Réseaux, deux revues de grande exigence qui deviennent en 1971 les publications du Centre interdisciplinaire d' études philosophiques de l'Université de Mons (CIEPHUM), dont elle assume désormais le secrétariat permanent. Une autre activité artistique a longtemps été le contrepoint de l'écriture chez Lejeune : la photographie, mais perçue, par un patient et inventif travail en laboratoire, comme une révélation de l'invisible, à l'image de tout ce qu'elle entreprend. Claire Lejeune est morte le 6 septembre 2008.


NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

La prose poétique, les essais de Claire Lejeune (1926-2008) sont placés sous le signe de la fulgurance, d’une poétique radicalement novatrice qui entend décloisonner les savoirs, les expériences afin de traverser les chapes du pouvoir, de la domination et de recontacter les promesses à venir des origines. Dans les années 1960, La gangue et le feu, Le pourpre, La geste, Le dernier testament, Elle signent l’avènement d’une parole qui noue indissolublement naissance à soi hors des rets du patriarcat, expérience mystique d’un verbe politique et poétique, subversion des piliers d’une civilisation qui a muselé les femmes. De se dire, les sans-voix montent à l’existence, gagnent un processus de subjectivation que Claire Lejeune place sous le signe de l’ouverture…


Karoo

Pour trouver la clé, il fallut perdre la mémoire des serrures : énigmatique, cette formule éclate rapidement et se déploie, limpide et forte, sous la plume de l’autrice belge Claire Lejeune (1926-2008) dans ce chatoyant recueil de textes inédits publié à L’arbre de Diane.

Porte d’entrée sur une production clairvoyante et polymorphe, ce recueil, aux îlots poétiques (jusque-là logés au creux d’un carnet conservé par une amie), relationnels (qu’une intense correspondance avec Maurice Blanchot ou René Char a longuement redessinés) ou essayistes côtoie de temps à autre de curieuses et hypnotiques photographies. Il forme un singulier archipel qui se fait continent dans la poursuite d’un même objectif : celui de déterrer différentes mémoires – organique,…


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