Verhaeren, biographie d'une œuvre | Objectif plumes

Verhaeren, biographie d'une œuvre

RÉSUMÉ

À propos du livre (4e de couverture)

Le présent travail est un essai de biographie critique dont le propos tente de reconstituer l’itinéraire intellectuel d’un écrivain et d’un artiste exceptionnel : par sa singularité créatrice (au point de friser l’anomie); par le rôle qu’il a joué dans la renaissance jeune belge à la fin du XIXe siècle et au début du XXe…

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Dans la revue moderniste 7 Arts, parut en 1926 un article rarement cité dans lequel le poète Pierre Bourgeois évoque le tombeau d'Émile Verhaeren, encore à l'état de maquette à l'époque, et qu'on peut admirer aujourd'hui dans l'imposante boucle que fait l'Escaut, à Saint-Amand :

«L'Escaut décrivant une courbe majestueuse devant les quais du village, l'axe longitudinal du monument se prolonge en celui du cours vers l'aval, de telle sorte que, vue de l'exèdre le dominant de quelques degrés, l'ensemble du monument qui paraît émaner de la rive s'encadre dans la perspective du fleuve vers l'infini.»

La description, scientifique et précise, mais sous-tendue par une discrète émotion, met parfaitement en évidence la pensée profonde, hautement symbolique, qui inspira l'auteur de l'étude d'implantation, vraisemblablement Henry van de Velde. Elle traduit de manière saisissante les impressions qu'éprouve, aujourd'hui encore, le visiteur d'un site faisant figure pour les lettres belges de lieu inspiré. L'Escaut, à cet endroit, est large de deux cents mètres environ. Grossi par ses affluents, il décrit un large méandre qui prend l'aspect d'un bras de mer. À près de cent kilomètres du large, les marées peuvent se montrer encore menaçantes, comme s'en souviennent les victimes des grandes inondations de 1953. Au centre, une île, comme un dessus de carène d'aspect peu engageant : des bancs de vase se découvrent au gré des reflux. Un paysage un peu brouillé, aux contours indécis. Malgré les aménagements de la rive droite et les cars de tourisme dégorgeant leurs flots de visiteurs au pied du tombeau, le site a conservé tout son pouvoir de séduction. Le cimetière marin, où reposent le poète et sa compagne, ne peut laisser le visiteur indifférent. Le lieu est incontestablement parlant. Mais l'est-il au point de justifier la saturation du discours critique?
Table des matières

Introduction

Abréviations

Aux sources du mythe : La Flandre rêvée
Ardeurs flamandes
À l'école des Vieux Maîtres
Combats pour l'Art
Crise ou décadentisme?
En Symbole, vers l'Idéal
La conquête de la Vie
Le Chant du monde
Le pèlerin de l'enthousiasme
Le rêve fracassé

Bibliographie

Index des noms de personnes

Index des titres de Verhaeren

À PROPOS DE L'AUTEUR
Jacques Marx

Auteur de Verhaeren, biographie d'une œuvre

BIOGRAPHIE

Élève de Roland Mortier à l'Université libre de Bruxelles, Jacques Marx a abordé, avec une compétence exceptionnelle, l'ensemble des domaines de recherche abordés par son maître. Son premier intérêt a concerné le siècle des Lumières : il a consacré sa thèse, publiée par l'Université d'Oxford, au philosophe genevois Charles Bonnet, théoricien de la parthénogenèse. Par cette recherche d'ordre historique sur la pensée philosophique, il a abordé
avec un très grand succès le domaine particulier de l'histoire des sciences, où ses travaux ont suscité un vif intérêt, tout spécialement dans le monde scientifique anglo-saxon. Poursuivant ses investigations dans la littérature du temps de Voltaire, il rédige un essai très original intitulé Tiphaigne de La Roche, modèles de l'imaginaire au XVIIIe siècle : cet ouvrage a été salué
comme une contribution essentielle à la connaissance des prémices de la science-fiction en littérature. Titulaire à l'U.L.B. d'un cours consacré aux écrivains français hors de France, il a publié de très nombreux articles sur des auteurs libanais et africains et s'est tout spécialement consacré à promouvoir les lettres françaises de Belgique. Sa monumentale biographie du poète Émile Verhaeren, éditée par notre Académie, fait autorité et retrace avec une minutie captivante le parcours des poètes symbolistes dans notre pays à la charnière des XIXe et XXe siècles.

La curiosité intellectuelle de Jacques Marx ne s'impose aucune limite. L'anthropologie culturelle du catholicisme a également retenu son attention savante : parmi ses travaux les plus importants sur le sujet, on relève la somme intitulée Le Péché de la France, qui analyse avec une finesse inégalée l'évolution intellectuelle du catholicisme français au XIXe siècle et le rôle majeur du culte marial dans l'évolution des esprits.

Appelé par notre confrère Raymond Trousson à éditer les écrits de Jean-Baptiste de Boyer, marquis d'Argens, il a publié successivement aux éditions Champion à Paris, les Lettres cabalistiques, les Lettres juives et les Lettres chinoises du familier de Frédéric II. En élaborant ce dernier ouvrage, il s'est acquis une compétence tout à fait particulière dans la connaissance de la langue chinoise et a contribué de manière érudite à anaiyser les contacts interculturels entre l'Occident et l'Extrême-Orient. Sa maîtrise dans cette matière l'a appelé à dispenser, en 2009, un enseignement très remarqué au département de français de la National Central University de Taiwan.

Auteur d'une vingtaine de livres et de près de deux cents articles, Jacques Marx est un auteur prolifique, doué d'une puissance de travail extraordinaire et mû par des intérêts intellectuels très éclectiques. À cet égard, il rappelle par sa science et par son talent les figures de nos regrettés confrères Roland Mortier et Raymond Trousson, dont il fut très proche. C'est aussi un érudit apprécié, qui a été appelé à participer à de très nombreux colloques internationaux (dont il serait fastidieux de donner ici la liste) et à faire partie de diverses sociétés savantes (comme l'Institut des Hautes Études chinoises de Belgique, la Société d'étude des littératures de l'ère coloniale ou l'Association Victor Segalen) où il a pu apporter une expertise unanimement
reconnue.

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Le fantastique dans l’oeuvre en prose de Marcel Thiry

À propos du livre Il est toujours périlleux d'aborder l'oeuvre d'un grand écrivain en isolant un des aspects de sa personnalité et une des faces de son talent. À force d'examiner l'arbre à la loupe, l'analyste risque de perdre de vue la forêt qui l'entoure et le justifie. Je ne me dissimule nullement que le sujet de cette étude m'expose ainsi à un double danger : étudier l'oeuvre — et encore uniquement l'oeuvre en prose de fiction — d'un homme que la renommée range d'abord parmi les poètes et, dans cette oeuvre, tenter de mettre en lumière l'élément fantastique de préférence à tout autre, peut apparaître comme un propos qui ne rend pas à l'un de nos plus grands écrivains une justice suffisante. À l'issue de cette étude ces craintes se sont quelque peu effacées. La vérité est que, en prose aussi bien qu'en vers, Marcel Thiry ne cesse pas un instant d'être poète, et que le regard posé sur le monde par le romancier et le nouvelliste a la même acuité, les mêmes qualités d'invention que celui de l'auteur des poèmes. C'est presque simultanément que se sont amorcées, vers les années vingt, les voies multiples qu'allait emprunter l'oeuvre littéraire de M. Thiry pendant plus de cinquante années : la voie de la poésie avec, en 1919, Le Coeur et les Sens mais surtout avec Toi qui pâlis au nom de Vancouver en 1924; la voie très diverse de l'écriture en prose avec, en 1922, un roman intitulé Le Goût du Malheur , un récit autobiographique paru en 1919, Soldats belges à l'armée russe , ou encore, en 1921, un court essai politique, Voir Grand. Quelques idées sur l'alliance française . Cet opuscule relève de cette branche très féconde de son activité littéraire que je n'étudierai pas mais qui témoigne que M. Thiry a participé aux événements de son temps aussi bien sur le plan de l'écriture que sur celui de l'action. On verra que j'ai tenté, aussi fréquemment que je l'ai pu, de situer en concordance les vers et la prose qui, à travers toute l'oeuvre, s'interpellent et se répondent. Le dialogue devient parfois à ce point étroit qu'il tend à l'unisson comme dans les Attouchements des sonnets de Shakespeare où commentaires critiques, traductions, transpositions poétiques participent d'une même rêverie qui prend conscience d'elle-même tantôt en prose, tantôt en vers, ou encore comme dans Marchands qui propose une alternance de poèmes et de nouvelles qui, groupés par deux, sont comme le double signifiant d'un même signifié. Il n'est pas rare de trouver ainsi de véritables doublets qui révèlent une source d'inspiration identique. Outre l'exemple de Marchands , on pourrait encore évoquer la nouvelle Simul qui apparaît comme une certaine occurrence de cette vérité générale et abstraite dont le poème de Vie Poésie qui porte le même titre recèle tous les possibles. Citons aussi le roman Voie-Lactée dont le dénouement rappelle un événement réel qui a aussi inspiré à M. Thiry la Prose des cellules He La. Je n'ai donc eu que l'embarras du choix pour placer en épigraphe à chaque chapitre quelques vers qui exprimaient ou confirmaient ce que l'analyse des oeuvres tentait de dégager. Bien sûr, la forme n'est pas indifférente, et même s'il y a concordance entre les thèmes et identité entre les motifs d'inspiration, il n'y a jamais équivalence : le recours à l'écriture en prose est une nécessité que la chose à dire, à la recherche d'un langage propre, impose pour son accession à l'existence. C'est précisément aux «rapports qui peuvent être décelés entre ces deux aspects» de l'activité littéraire de Marcel Thiry que Robert Vivier a consacré son Introduction aux récits en prose d'un poète qui préface l'édition originale des Nouvelles du Grand Possible . Cette étude d'une dizaine de pages constitue sans doute ce que l'on a écrit de plus fin et de plus éclairant sur les caractères spécifiques de l'oeuvre en prose; elle en arrive à formuler la proposition suivante : «Aussi ne doit-on pas s'étonner que, tout en gardant le vers pour l'examen immédiat et comme privé des émotions, il se soit décidé à en confier l'examen différé et public à la prose, avec tous les développements persuasifs et les détours didactiques dont elle offre la possibilité. Et sa narration accueillera dans la clarté de l'aventure signifiante plus d'un thème et d'une obsession dont son lyrisme s'était sourdement nourri.» Car, sans pour autant adopter la position extrême que défend, par exemple, Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique, et qui consiste à affirmer que la poésie ne renvoie pas à un monde extérieur à elle-même, n'est pas représentative du monde sensible (et d'en déduire — j'y reviendrai dans la quatrième partie — que poésie et fantastique sont, pour cette raison, incompatibles), on peut cependant accepter comme relativement sûr que la traduction en termes de réalité ne s'opère pas de la même façon lors de la lecture d'un texte en prose ou d'un poème. C'est donc tout naturellement qu'un écrivain recourra à la prose, dont l'effet de réel est plus assuré, dont le caractère de vraisemblance est plus certain, chaque fois qu'il s'agira pour lui, essentiellement, d'interroger la réalité pour en solliciter les failles, d'analyser la condition humaine pour en déceler les contraintes ou en tester les latitudes. Le développement dans la durée permet l'épanouissement d'une idée, la mise à l'épreuve d'une hypothèse que la poésie aurait tendance à suspendre hors du réel et à cristalliser en objet de langage, pour les porter, en quelque sorte, à un degré supérieur d'existence, celui de la non-contingence. Il n'est sans doute pas sans intérêt de rappeler que, dans un discours académique dont l'objet était de définir la fonction du poème, M. Thiry n'a pas craint de reprendre à son compte, avec ce mélange d'audace et d'ironie envers lui-même qui caractérise nombre de ses communications, cette proposition de G. Benn et de T. S. 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