Charles Bertin, une œuvre de haute solitude

RÉSUMÉ

À propos du livre (extrait de l’Introduction)

L’irrémédiable solitude de l’être humain est le thème dominant des poèmes, des pièces et des romans de Charles Bertin. Né en 1919, à Mons, neveu et filleul de Charles Plisnier, salué dès ses débuts comme un maître dans les trois formes où il s’exprime, Charles Bertin assure à l’austère…

DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)
Lire un extrait

Mons, le 5 octobre 1919. Au 10 de la rue Chisaire, Rose Plisnier met au monde son unique fils, Charles. Elle avait épousé le 27 avril 1917 Camille Bertin, un ami de son frère Charles Plisnier.

À vingt-sept ans, Rose est une ravissante jeune femme brune, à la peau mate, aux yeux de mûre noir, à la longue chevelure patiemment disciplinée en chignon. Elle nourrit pour son frère, qui est son cadet de quatre ans, une affection qui s'accroît de l'inquiétude qu'elle éprouve devant une nature passionnée qu'elle devine promise à toutes les tempêtes de la vie. Naturellement, tous les amis de son frère sont amoureux d'elle. Il lui arrive, quand elle apporte le café dans la chambre de son frère, de participer aux discussions parfois orageuses qui animent le groupe.

Entre ces amis, c'est Camille qu'elle élit. Il est d'origine assez modeste et son mariage l'introduit dans ce milieu de bourgeoisie relativement aisé où vivent ses beaux-parents, Marie Bastien et Bernard Plisnier qui gèrent une firme de bonneterie. Parlant plus tard de Charles Bertin, Jean Tordeur évoquera cette «bourgeoisie austère et fermée… dont il pénètre très jeune les règles, dont il éprouve le poids, mais dont il ressent également la fascination» : en dépit de l'ironie souvent cruelle qui colore le récit, le lecteur du bel Âge, où la bourgeoisie montoise du début du siècle joue moins le rôle du décor que celui d'un véritable personnage, a maintes fois l'occasion de mesurer l'étendue de cette fascination.

En 1924, le jeune ménage quitte la rue Chisaire pour s'installer à Boussu, à une douzaine de kilomètres de Mons et y poursuivre la gestion de la firme commerciale. C'est dans ce village que Charles Bertin passera toute son enfance. C'est à l'école communale qu'il fera ses études primaires.

Table des matières

Introduction : Le thème de la solitude dans l'œuvre d'un écrivain français de Belgique

Chapitre I : Charles Bertin, portrait d'un «honnête homme». Profil d'une vie. Esquisse d'une œuvre

Chapitre II : Charles Bertin, une philosophie de l'existence. À la charnière de l'absurde, un humanisme démystifié

Chapitre III : L'œuvre de Charles Bertin : seul… Trio en «seul» majeur
I. Seul devant le bonheur
A. Les héros de la réussite
1. L'amour
   1° L'amour physique
   2° Les amours multiples
2. Le pouvoir
   1° Le pouvoir du conquérant
   2° Le pouvoir politique
   3° Le pouvoir de l'enfance
   4° Le pouvoir de guérir
3. L'art
   1° L'art de la magie
   2° La magie de l'art
B. Les héros de l'échec
1. Haïr d'aimer
2. Un choix impossible

II. Seul devant la vie
A. Avant la naissance
1. L'isolement
2. La circularité
3. L'obscurité
4. La liquidité
5. la femme
B. La naissance
1. L'abandon
2. La trahison
3. La souffrance
C. L'enfance
1. Le jeu
2. La spontanéité
3. Le rire
4. L'amitié
5. L'innocence
D. L'adolescence
1. La dualité
2. La révolte
3. L'orgueil
4. L'errance
E. L'âge adulte
F. La vieillesse

III. Seul devant la mort
1. Omniprésence de la mort
   1° La mort physique
   2° La mort politique et économique
2. Une double vision de la mort

Chapitre IV : Charles Bertin et son œuvre : un combat singulier. Écriture et lecture d'un travail solitaire
I. Quatre traits du style de Bertin
1. La ligne pure
2. Musique et poésie
   1° La musique
   2° La poésie
   a. La poésie de l'écriture
   b. La poésie de situation
II. La déshistoire

Conclusion : Quoi ? L'éternité

Annexes

Bibliographie


AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:œuvre poésie pouvoir frère ami - "Charles Bertin, une œuvre de haute solitude"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9174 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Edmond Vandercammen ou l'architecture du caché (essai d'analyse sémantique)

À propos du livre (texte de l'Avant-propos) Edmond Vandercammen a publié 22 recueils poétiques entre 1924 et 1977, et une quinzaine d'études critiques; il traduisait depuis les années trente les poètes de langue espagnole; il entretenait des contacts personnels et épistolaires avec de nombreuses personnalités du monde culturel et littéraire, était membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Plusieurs revues lui ont rendu hommage par un numéro spécial et la célèbre collection «Poètes d'aujourd'hui», aux éditions Pierre Seghers, lui a consacré le tome 124. D'autre part, ses œuvres, reçues lors de leur parution avec un enthousiasme sincère, comme la presse et sa correspondance en témoignent, n'ont guère trouvé de lecteurs hors du milieu proche de la vie littéraire et n'ont plus été réédités. Les enquêtes réalisées auprès des libraires de Bruxelles nous ont prouvé que ses livres, dans la mesure où ils se trouvent en librairie, n'ont plus d'acheteurs. S'agit-il simplement d'un phénomène général lié à la situation sociale de la poésie d'aujourd'hui, ou bien la poésie d'Edmond Vandercammen fait-elle objet d'un paradoxe, d'une contradiction qui demande une explication? Son œuvre, est-elle liée trop étroitement à son temps, et donc périssable, ou bien le dépasse-t-elle au point que seuls quelques initiés et ceux qui étaient proches de lui ont pu mesurer son importance? Jouissait-elle d'une conjoncture littéraire exceptionnelle des années trente ou des années cinquante, conjoncture dont a largement profité la génération née autour de 1900? Toutes ces questions nous ramènent à une constatation et à une réponse d'ordre général : surestimé ou sous-estimé en même temps, Edmond Vandercammen, s'il n'est pas méconnu, est certainement mal connu. Entouré d'amis, de poètes et d'admirateurs, vivant dans un monde paisible et apparemment hors des conflits et des difficultés que connaît notre société, il a pu s'affirmer, s'assurer une estime et une reconnaissance par-fois trop généreuses pour qu'elles puissent comporter aussi un jugement critique. Excepté quelques analyses approfondies. les articles qui lui sont consacrés témoignent avant tout d'une admiration sincère certes, mais qui n'aboutit pas toujours à une appréciation juste de l'œuvre. Si notre but est donc de rendre justice à ce poète mal connu. nous devons tenter un jugement objectif. Et ce n'est pas lui faire une faveur spéciale que de souligner avec lui que juge-ment objectif ne veut pas dire jugement froid, «raisonné», contre lequel, pris à la lettre. il s'est clairement prononcé. Cependant, il nous paraît essentiel de tenter ce jugement objectif à travers ses textes poétiques et de montrer ainsi les correspondances entre l'homme et son univers, entre le poète et son oeuvre, entre la poésie et…

Les grandes choses. Anthologie poétique 1940-1979

Sur cet iceberg nommé Christian Dotremont , croisant dans les mers polaires, se laissant dériver vers les paysages d’une Laponie fantasmatique et pourtant toujours à portée du regard, voyageur incessant chargé de valises débordantes de manuscrits, de tracts, de livres, de courriers, d’idées et de polémiques, plutôt que de linge, on a déjà beaucoup dit, écrit, et vu. Et ce n’est qu’une juste reconnaissance pour l’un des grands inventeurs (belge de surcroit) de l’art et la littérature européenne du 20e siècle, poète, romancier, co-fondateur de CoBrA, et créateur des « logogrammes ». Sa mort prématurée en 1979, à l’âge de 56 ans, ne lui a cependant pas permis de mesurer lui-même l’envergure de ce massif détaché de la banquise qu’il avait gardé accrochée à ses basques, depuis ses débuts précoces. En 1940, il envoyait ses premiers poèmes à Magritte, Scutenaire et Ubac, qui l’adoubèrent aussitôt au sein du surréalisme bruxellois, avant qu’il n’emprunte, non sans épreuves, d’autres courants plus personnels. Ces premiers poèmes sont ceux d’ Ancienne éternité , écrits et autoédités à 17 ans, et dédiés à une jeune femme, Doris. Le sentiment amoureux, chez Dotremont, déploiera jusqu’à la fin de ses jours les vertus – et les désastres – d’un puissant philtre magique : la « beauté convulsive » et ses effets seront peut-être le seul point fondamental d’entente entre Dotremont et Breton. « L’été d’un cil / bal d’un feu que j’aime »    Deux livres viennent de paraitre, et déterminent les formes, la taille et l’ampleur poétique de ce qui, sous la surface des eaux, a pu se dérober à des yeux peu ou mal orientés. Le premier ouvrage est, enfin peut-on écrire, une édition en poche – donc accessible à un public potentiellement élargi –, dans la collection « Poésie » chez Gallimard, d’une très large sélection, en ordre chronologique, des poèmes jetés comme des bouteilles à la mer par Dotremont dès 1940. Une anthologie poétique est souvent délicate à composer. Le travail est ici mené de main de maitre par Michel Sicard , érudit familier de l’œuvre et du poète, à qui l’on devait déjà, entre nombreuses publications autour d’Alechinsky et de CoBrA, l’édition en 1998 et 2004, d’un fort volume des Œuvres poétique complètes de Dotremont.Vingt années ont passé. De nombreux recueils épuisés ont été réédités, des œuvres restées inédites (notamment conservées par Alechinsky, quelques autres amis, son frère Guy) sont sorties de l’ombre, d’autres proses poétiques publiées en revues ou en catalogues d’expositions se trouvent ici également rassemblées, en témoigne une bibliographie rigoureuse de précisions. L’édition de cet ensemble est un réel événement, aussi brûlant d’émotions que d’émerveillements. Il donne à voir les parts cachées ou méconnues de l’iceberg, et la totale liberté d’écriture qui s’en échappe. Dotremont poète peut apparaitre naïf, idéaliste, changeant, obsessionnel, d’une endurance à tout va, épuisé, rageur, ou encore désespéré : à chaque page, c’est une même sincérité d’écriture qui se révèle, qu’il s’agisse de pasticher une chansonnette, de détourner un poème célèbre, de s’inspirer de quelques-uns de ses maitres (après l’éclat rimbaldien, le lyrisme charnel d’Eluard ne compta pas pour peu), d’incorporer des éléments lexicaux ou syntaxiques venus des langues et des paysages nordiques, de secouer la prose, voire de scinder et redistribuer des phonèmes en mots nouveaux, créant ainsi une lecture moins linéaire, parfois proche du haïku. « Le dessin de mon voyage / ne voyait plus que du langage » À chacun de suivre à son gré les déambulations et errances de ce solitaire contraint, toujours en quête de relations amoureuses ou amicales, autant que de découvertes plastiques : sa connivence avec les peintres et les « œuvres partagées » est depuis CoBrA un acquis essentiel. Dans cette anthologie, les thématiques récurrentes de Dotremont apparaissent sans frein : l’amour, la maladie, le tragique, le voyage, les paysages des Fagnes belges comme ceux de Laponie, le jeu avec les mots et la ponctuation, l’humour farceur, la colère, jusqu’aux émois d’une petite enfance déjà nourrie de la blancheur nordique par le biais de gouvernantes scandinaves – et là, parfois on songe à Scutenaire disant préférer sa légende écrite (par ses soins) à son histoire (réellement vécue).Autre apport de qualité dans ce volume paru chez Gallimard : la reprise en postface, du texte lumineux rédigé par Yves Bonnefoy pour l’édition 1998 des Œuvres poétiques complètes au Mercure de France. Ce dernier avait partagé avec Dotremont, de 1946 à 1952, un très modeste hôtel parisien, et bouillonnait tout autant de projets, d’idées, de revues, de rencontres, et de post-surréalisme : les prémices de CoBrA. Bonnefoy livre sur l’homme, son univers personnel, son attrait pour les signes, écrits et dessinés, ses élans créateurs de « peintures-mots », son attitude ambivalente entre appréhension et plénitude du vide, des pages à la fois éclairantes, sans complaisances, et amicales.    « Je brise donc je crée » Le second ouvrage publié correspondra davantage, lui, aux attentes des lecteurs qui, déjà familiers de l’œuvre et de Dotremont, universitaires, chercheurs, ou observateurs de l’histoire des avant-gardes, souhaitent entrer dans l’exploration approfondie des ressources du créateur des logogrammes. Dans le cadre de l’exposition « Christian Dotremont, peintre de l’écriture », présentée à Bruxelles en 2022 pour le centenaire de sa naissance , les Archives et Musée de la Littérature et les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique avaient organisé une journée d’études. Le volume édité – dans une nouvelle présentation graphique de la collection Archives du Futur, qu’il faut saluer – comporte une dizaine d’études de chercheurs qui, déjà, prennent des voies moins familières. Ainsi, la question du son et de la musique chez un poète qui se présentait comme affublé de «  surdité  » ou «  quasi amusique  »… quand son père, l’écrivain Stanislas Dotremont ne manquait pas de talent musical. Art d’attitude (rebelle) ? Dotremont eut pourtant des rapports avec une série de musiciens, des jazzmen de Liège notamment, mais aussi des artistes de CoBrA, comme le compositeur Jacques Calonne ou l’écrivain Michel Butor. Autre chemin, celui du cinéma expérimental d’après-guerre, essentiellement présenté au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, soit un lieu stratégique d’implantation artistique pour un nouveau venu, et un terrain sur lequel Dotremont tenta d’intervenir, en vain, comme créateur après la Seconde Guerre (et malgré ses chroniques de cinéma). Et si la spontanéité revendiquée dans leurs pratiques par Dotremont et ses compagnons de CoBrA n’avait pas été si proche de cette liberté totale, presque automatique, qu’ils revendiquaient ? Une variante plastique de l’écriture chère aux premiers surréalistes, mais battue en brèche par la réalité des faits… De même Dotremont n’hésite pas non plus à se créer une «posture » d’artiste-créateur, dans les représentations photographiques qu’il donne de sa personne, telles qu’on peut le voir sur les images soigneusement composées de Serge Vandercam, Georges Thiry ou Christian Carez. Ces études permettent de prendre quelques distances avec les possibles mystifications personnelles. Elles sont accompagnées d’un inventaire très instructif du fonds des Archives Dotremont, déposées aux AML par la Fondation Roi Baudouin. Enfin, un choix de lettres (à Alechinsky, au moment de la mort d’Asger Jorn, ou avec le poète Paul Colinet), accompagné de textes restés inédits (encore), donne des angles d’approche qui affinent le portrait du poète et de ses œuvres protéiformes.    Alain Delaunois Plus d’information…

Dire et (contre)faire. Jean de Boschère, imagier rebelle des

Figure quelque peu oubliée de nos lettres, Jean de Boschère (1878-1953) fut poète, romancier, essayiste, critique d’art, mais aussi dessinateur, graveur, peintre, sculpteur.Personnage singulier, solitaire, révolté, s’inscrivant en marge des courants littéraires de son temps qu’il traversa sans y adhérer vraiment, il mena longtemps une existence itinérante.Né à Uccle, vivant dès l’enfance en Flandre, il quittait la Belgique occupée en 1915 pour Londres où il se liait aux imagistes anglo-américains groupés autour d’Ezra Pound et de T.S. Eliot ; habiterait quelques années en Italie, «  le Pays du Merle bleu  » ; s’établirait en 1926 à Paris, où il côtoierait les surréalistes ; et achèverait sa route vagabonde à La Châtre, petite ville de l’Indre où il s’éteindrait en 1953. Laissant une œuvre aux accents très personnels, aux registres variés, admirée par Valéry et par Antonin Artaud, portée par la recherche d’un absolu spirituel. Dans son essai Dire et (contre)faire. Jean de Boschère, imagier rebelle des années vingt , Véronique Jago-Antoine a entrepris de «  ré-arpenter les chemins méandreux de cet univers de mots et d’images  ». Son étude très dense et approfondie, abusant parfois de termes savants, qui paraît aujourd’hui aux AML dans la collection Archives du Futur, rend toute sa place à un écrivain-plasticien complexe, difficile, tourmenté, dont l’œuvre  dès les débuts n’a cessé d’exercer une «  incommode fascination  ». Des débuts d’inspiration symboliste : les poèmes en prose Béâle-Gryne (1909), et, deux ans plus tard, Dolorine et les Ombres où il prend déjà ses distances avec la tentation de fuir dans le rêve.Suivait la trilogie des métiers, qui ravive, rajeunit une tradition ancienne. Trois petits recueils illustrés – Métiers divins (1913), 12 Occupations (1916), Le Bourg (1922) – souvent négligés, que l’auteur explore avec acuité, soulignant le dialogue textes-images ; nous faisant vivre la mue de l’écrivain, dès son exil Outre-Manche, entre le premier recueil, où percent encore les afféteries de la Décadence, et ceux qui suivront, toujours plus incisifs, dépouillés jusqu’à l’épure.Au cours du séjour londonien paraissent, en édition bilingue, deux recueils : The Closed Door (1917) et Job le Pauvre (1922), livre majeur, que Véronique Jago-Antoine scrute avec une attention passionnée. Un recueil âpre, véhément, douloureux («  Ces pages d’extrême détresse  », écrivait Jean de Boschère à un ami, et, dans sa dédicace à Robert Guiette, «  ce livre noir, sans ciel, sans oiseaux, sans fleurs ; mais malgré l’enfer ouvert, non sans espoir  »). C’est celui dans lequel il reconnaissait un accomplissement : «  J’atteignais à peu près mon but dans Job le Pauvre ». Commençant par ces deux vers intenses que Liliane Wouters citait comme la plus belle, la plus éclairante évocation de la poésie : «  Et puis, enfin, un midi et à jeun, / La pensée se fend et s’ouvre  ».L’auteur nous entraîne dans une analyse pénétrante, minutieuse, presque vertigineuse, des poèmes mais aussi des gravures, des collages qui les accompagnent et les prolongent. «  Il me semble que ce livre ne concerne pas la littérature, et qu’il est difficile à classer. On n’en parlera pas, et tout sera parfait. C’est probablement le dernier que je publierai : ce qui me reste dans l’âme ne peut pas se dire  », confiait le poète à André Suarès, un de ses amis les plus proches, avec Max Elskamp, René Daumal ou Audiberti…Véronique Jago-Antoine épingle certaines années, correspondant à des étapes. Telle 1913 où Jean de Boschère signe les proses poétiques des Métiers divins, mais aussi deux textes remarquables sur Bruegel l’Ancien, qui enthousiasmèrent Max Elskamp : «  Sais-tu, mon cher Jean, que ces pages sont, selon moi, les plus belles que tu aies écrites…  ». Ou encore 1927, quand paraît le roman largement autobiographique Marthe et l’Enragé , écho de son adolescence solitaire et rebelle en Flandre, à Lier, marquée par le sort tragique de sa sœur. Dans cette veine s’inscriront Satan l’Obscur (1933) et Véronique de Sienne . C’est également à partir de 1927 que les mots et les images, jusque là indissociables dans sa quête poétique, prennent des voies séparées. En témoigne l’absence de toute illustration lors de la réédition en 1929, dans Ulysse bâtit son lit , de The Closed Door et de Job le Pauvre .Véronique Jago-Antoine achève son étude par l’examen d’une facette méconnue de l’écrivain-artiste : ses écrits sur l’art. Des textes sur Bruegel, «  élu comme un frère d’armes  », aux monographies consacrées à Jérôme Bosch et à Léonard de Vinci.Et conclut son voyage au plus près de celui qui s’était dépeint un jour comme «  un ouvrier solitaire et fiévreux, dont les mains seules ont réponse à la vie  », par une certitude : «  Nous pouvons nous sentir loin de ses formes, parfois. Son enjeu – oserions-nous dire sa brûlure – demeure…