L’ambition de ce livre, et elle est grande, est de faire vivre à son lecteur, qu’il soit ou non philosophe, le trajet fulgurant qui, en quelques années, a transformé le mathématicien Alfred North Whitehead en philosophe spéculatif.
De la pierre grise que je vois là jusqu’à la création du Dieu qu’exige la cohérence spéculative, il s’agit bel et bien de cette “libre et sauvage création de concepts” associée à la philosophie anglaise par Deleuze et Guattari dans Qu’est-ce que la philosophie?…
Auteur de Penser avec Whitehead. Une libre et sauvage création de concepts
Suite aux rencontres avec des acteurs citoyens, autour de l'ironique "Club de…
Les travers des hommes vus par deux oies ! Ce recueil rassemble 45 histoires courtes, des histoires animalières et philosophiques pour jeunes adolescents. Les récits ont pour cadre une ferme appartenant à une paysanne, où l’oie et son frère mènent une vie tranquille en compagnie de moutons, de dindons et d’un chien. Contrairement aux autres animaux qui prennent plutôt la vie comme elle vientLire la suite Comme Laurel et Hardy ou Sancho et Don Quichotte, Oie et son frère perpétuent la tradition du duo de choc et de charme. Ils raisonnent sur tout – la vie, la mort, les autres, le langage – et cela résonne en nous très joyeusement. Le chapitre inaugural de ce roman constitué de courtes saynètes commence par un dilemme. Quand on est une oie faut-il partir ou non à Vila do Bispo, au Portugal ? Pour quoi faire ? Ou plutôt rester à la ferme ? L’alternative illustrée par la perspective d’un « oignon dans le derrière » mérite d’y réfléchir. Le mouton, « petit tonneau poilu » « au goût de menthe » pourrait-il aider à trouver la réponse ? Car partir c’est être fidèle à sa famille, celle des oies migratrices ; rester, c’est être fidèle à ses amis, le dindon, le mouton, le chien. Finalement, ils vont partir, mais pas trop loin, dans le froid et l’inconfort. « Mourir c’est être couché à la dure », proclame l’un des chapitres mais à deux, on fait société et on se tient chaud ! Solidarité est un des mots-clés de ces histoires accompagnées de jeux sur la langue. L’oie blanche, la sœur, l’innocente, est angoissée, elle regarde le ciel, et se pose des questions sur « fini, plein, entier » ; elle s’interroge sur la forme des vols d’oies ; elle « claudique d’une pensée à l’autre » et on la voit se dandiner jusqu’à la souffrance. Il arrive aussi que son cœur « bamboume » par amour pour la fermière. Est-ce raisonnable ? Elle peut encore parler d’une voix « raboteuse » qui fait mal. Toute question d’identité lui est douloureuse, comme « pourquoi on mange de l’herbe ? ». L’auteur joue avec les expressions, registres de langage : « Si le clignement de ses yeux émettait un son, ça l’arrangerait. Sa sœur comprendrait tout de suite que sa question l’enquiquine. » Le silence lui-même engendre une comédie du langage : entre les deux oiseaux, aucune parole, et cela dure, dure, dure ! Les animaux s’inquiètent, le silence est insupportable, la tension enfle et s’achève en éclat de rire. Le lecteur doit décrypter des mystères. Par exemple, le rat est mort, tous se sentent un peu coupables. Ils anticipent la peine de la fermière. C’est elle qui lui a tendrement donné des bonbons roses en disant « viens mon petit rat, viens ! ». Doubles sens, sous-entendus, non-dits font tout le sel de la conversation entre animaux. Ils se rient des humains représentés par la fermière à petit chignon, croquée par Gerda Dendooven. Cette philosophie existentielle est désopilante et l’humour froid, volontaire ou non, des deux volatiles nous renvoie aux échanges de Vlad et Estragon dans En attendant Godot. Les adultes liront toutes les saynètes de Bart Moeyaert comme des préliminaires à d’autres lectures savantes. 45 historiettes et autant de raisons de réfléchir, rire, sourire, s’interroger, tour à tour ou tout ensemble grâce au pouvoir de l’écriture, un rire ou « un soupir de rien qui change le monde » (p.156). De supers moments de lecture pour…
Jamais content ! 15 nouvelles pas comme les autres
Geert de Kockere poursuit sa lancée en nous offrant un second album composé de quinze histoires pas comme les autres. Et c'est vrai que c'est un genre à part, ces petites histoires à caractère philosophique sorties de la bouche d'animaux qui avec un point de vue décalé réfléchissent sur la vie ou l' illustrent à grands traits. De petits animaux jamais contents de ce qu'ils sont et de ce qu'ils ont. Que ce soit une poule qui se met en tête de pondre des œufs carrés, un mouton qui veut devenir chèvre, un renard angoissé par des poules qui le surveillent, le voyage intérieur d'un poisson dans son bocal, une grenouille qui a le vertige, tous ces animaux donnent à penser au sort de la vie, pas toujours comme on voudrait qu'il soit. C'est le rapport à la réalité qui est ici décliné avec ceux qui ne veulent pas la voir, ceux qui la déforment, ceux qui la subissent, ceux qui la sublime, ceux qui l'angoisse….On retrouve les mêmes ingrédients ( une dose absurde, des fins inattendues, des silences, des perspectives peu communes, des rencontres, de la finesse, des questions sur la vie) que le premier album " tête-à-tête" qui nous avait ébloui mais ce sont davantage des moments introspectifs un pouce plus sombre. Pour la réplique du premier, l'auteur belge s'est associé à Johan Devrome qui, après des études d'art plastiques à Bruges puis d'arts graphiques à Anvers, travaille comme créateur graphique pour la télévision flamande VTM et illustre des livres et magazines destinés à la jeunesse. Ce sont des animaux comme posant sur des décors de tapisserie, à la fois tendres, variés et merveilleusement traversés par des sentiments tels que le doute, la naïveté, la déprime, la colère. Voilà un recueil d'histoires à réfléchir, peut-être…