Autrice de Par des sentiers d’intime profondeur
« La marche est une parenthèse enchantée pour nombre de nos contemporains. Dans le monde de la vitesse, du rendement, de la performance, c’et une échappée belle » nous dit David Le Breton, sociologue et anthropologue l’université de Strasbourg (Le monde de la Bible, n°240).Dans son dernier livre, Colette Nys-Mazure partage son amour et sa pratique de la marche en chapitres courts et plus ou moins thématiques : les promenades en solitaire, en compagnie, à travers la campagne, dans les rues de villes, à l’étranger ou près de chez elle, vers l’église paroissiale, au rythme des saisons, …La recette de Colette, – « Marcher commence derrière la maison » –, c’est de marcher chaque jour, de…
Il faut tuer TINA. 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde
Première ministre britannique de 1979 à 1990, Margaret Thatcher a beaucoup contribué à l’instauration de l’ordre néo-libéral qui mène aujourd’hui le monde. Son mot d’ordre : « There Is No Alternative », en acronyme TINA, signifiait que le capitalisme néo-libéral constituait le seul horizon possible pour le monde occidental. Et que, dès lors, il n’y avait rien d’autre à faire que démanteler les syndicats, privatiser les services publics (santé, transports, éducation), baisser les impôts, défaire le droit du travail, raboter les salaires, s’attaquer au système de protection sociale, favoriser les profits industriels et financiers en précipitant une partie sans cesse croissante de la population laborieuse dans la précarité et la misère. En somme : privatiser, déréglementer et appauvrir les moins nantis. Olivier Bonfond est un économiste progressiste, notamment spécialisé dans l’analyse de la dette publique [1] . Il ne partage pas cette vision fataliste. Il fait partie des économistes et des chercheurs de plus en plus nombreux qui considèrent que le capitalisme ultra-libéral épuise les ressources de la planète à court terme et, si rien ne change, mène l’humanité à sa perte. Dès lors, au prix d’un impressionnant travail de documentation, étalé sur plusieurs années et ayant bénéficié de beaucoup de soutiens amicaux, il a entrepris la rédaction d’un ouvrage monumental et ambitieux : Il faut tuer TINA. 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde. Que faire quand les inégalités explosent ? Son livre est divisé en quatre parties. La première énumère les défis à relever et met en perspective la notion d’alternative. Les trois autres s’attaquent en une quinzaine de chapitres à quelques grandes questions : « Mettre l’économie au service des peuples » (économie et finance), « Prendre soin des humains et de la planète » (conditions de vie et protection de l’environnement) et « Construire une démocratie réelle » (les conditions d’une citoyenneté active et critique).Un objectif fédère les propositions innovantes illustrées dans l’ouvrage : « Notre projet doit viser l’émancipation économique, politique et sociale des peuples, c’est-à-dire la possibilité pour l’humanité de se libérer de toutes les formes d’oppression », précise Olivier Bonfond.Pour l’auteur, la situation est « catastrophique » : « Non seulement les déficits sociaux, écologiques et démocratiques sont gigantesques, mais en plus ils vont grandissant ». Car « la grande majorité de l’humanité vit dans des conditions inacceptables. Et n’oublions pas que 70 % des personnes vivant sous le seuil de l’extrême pauvreté dans le monde sont des femmes ». Quelques exemples : la faim tue 9 millions de personnes chaque année, 11% de la population humaine n’a pas accès à l’eau potable et 19% à l’électricité, 774 millions d’humains (dont deux tiers de femmes) sont analphabètes, deux milliards de personnes ne disposent pas d’un logement décent, la moitié des 3 milliards d’humains qui travaillent doit vivre avec moins de deux dollars par jour et plus d’un cinquième vit sous le seuil de l’extrême pauvreté.Une partie de la population des pays riches n’échappe pas à ces problèmes, car « Ces vingt-cinq dernières années, les inégalités ont explosé (…) Les mesures néo-libérales, en particulier la dérégulation financière, mises en œuvre pendant deux décennies et demi expliquent cette évolution terrifiante (…) En janvier 2016, un rapport d’Oxfam International concluait que les soixante-deux personnes les plus riches du monde possèdent la même richesse que la moitié la moins riche de la population mondiale ». Une démonstration rigoureuse La démarche est efficace : des faits étayés, des informations précises, des chiffres éloquents, des conclusions logiques et une attention particulière pour la situation des pays du Sud, particulièrement celle des femmes. La visée quasi encyclopédique du livre en rend la synthèse difficile, mais rares sont les domaines qui ne sont pas abordés (l’UE en tant que telle, peut-être). On observe cependant le souci constant de considérer les choses d’un autre point de vue : mettre en évidence la solidarité entre les peuples et les continents au lieu de constater l’exploitation des ressources et des êtres humains au profit de la minorité des 1% de rentiers, de cadres de haut vol, d’actionnaires et de spéculateurs.L’auteur multiplie les exemples de solutions alternatives inventées de par le monde pour tenter de faire pièce au néo-libéralisme : abolition des dettes odieuses ou illégitimes, observation de l’échec généralisé de la privatisation des ressources et des énergies, mise en évidence de l’effet désastreux du capitalisme sur l’environnement, inefficacité criante des politiques d’aide au développement, valorisation des initiatives populaires, des coopératives et des entreprises contrôlées par les travailleurs.Si l’ouvrage est ambitieux, il est également engagé : Olivier Bonfond défend avec conviction le projet d’un socialisme du XXIe siècle, solidaire et rationnel, mais dégagé des dérives totalitaires, opposé au néo-libéralisme destructeur, mais partiellement compatible avec l’économie de marché et, surtout, prioritairement soucieux du bien commun, de l’intérêt général, d’une démocratie renouvelée et de la survie de la planète. Des enjeux où se rejoignent à leur manière bon nombre d’économistes hétérodoxes et de penseurs qui réfléchissent aujourd’hui à l’avenir du monde dans une optique progressiste, comme les Économistes Atterrés, Jean Ziegler, Susan George, Naomi Klein, Chantal Mouffe, Paul Jorion, et bien d’autres. René Begon [1] Olivier BONFOND , Et si on arrêtait de payer ? 10 questions/réponses sur la dette publique belge et les alternatives…
Un art en expansion : Dix chefs-d’œuvre de la bande dessinée moderne
Le 9e art explore sans cesse de nouveaux territoires. Il apparaît en constante évolution, ou plutôt en expansion, selon le terme choisi par Thierry Groensteen, l’un des spécialistes les plus renommés de la bande dessinée. Ses potentialités graphiques et narratives semblent s’étendre à l’infini et il génère des ouvrages de plus en plus amples. Si l’album standard de 44 pages cartonné reste dominant sur le marché, on trouve en effet aujourd’hui des nombreuses œuvres qui tant au niveau de la forme que du sujet se démarquent des conventions. Publié aux Impressions Nouvelles, de même que quelques-uns des nombreux ouvrages de Groensteen, comme La Bande dessinée mode d’emploi (2008), Un art en expansion analyse dix albums phares, dix points de rupture, dix œuvres dont les auteurs ont pris des libertés avec les contraintes habituellement en vigueur dans la bande dessinée, avant de permettre à d’autres d’emprunter les nouvelles voies ainsi créées.Si le premier album traité, La ballade de la mer salée , ne paraît plus si audacieux aujourd’hui, il l’était incontestablement lors de sa parution dans les années soixante. Avec cet album en noir et blanc de 160 pages, premier véritable roman graphique, Hugo Pratt s’affranchit de bien des conventions. A contrario, Building Stories de Chris Ware ou Alpha… Directions et Beta… civilisations de Jens Harder, les albums les plus récents étudiés par Groensteen, semblent les plus novateurs et déroutent encore le lecteur.Les albums choisis appartiennent à la bande dessinée dite d’auteur, car Groensteen étudie le 9e art en tant que littérature graphique. Au fil de ses lectures captivantes, il passe d’une macro-lecture, inscrivant les albums dans l’histoire de la bande dessinée et tissant des liens entre les différents ouvrages, à une micro-lecture, analysant une planche, une case, un détail qu’il met en perspective avec un brio certain.Thierry Groensteen livre un ouvrage dense, foisonnant, dont le propos clair et précis convainc et ne donne qu’une envie : (re)lire les dix albums traités. Outre ceux cités plus haut, on y trouve Le Garage hermétique de Jerry Cornelius de Moebius, Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, L’Ascension du Haut Mal de David B., Fun Home d’Alison Bechdel, Faire semblant c’est mentir de Dominique Goblet, Là où vont nos pères de Shaun Tan et Habibi de Craig Thompson. Il n’est pas nécessaire de les connaitre pour en comprendre les analyses. Toutefois il serait dommage de passer à côté de ces livres, essentiels selon Groensteen, et qui font désormais figure de classiques. Fanny DESCHAMPS ♦ Lire un extrait de Un art en expansion , proposé par les Impressions nouvelles Un Art en expansion propose un retour sur un demi-siècle de création en bandes dessinées, une période qui a vu le « neuvième art » se diversifier considérablement, aborder de nouveaux domaines, inventer de nouvelles formes, se métisser avec d’autres arts et s’émanciper du format de l’album traditionnel. Dix œuvres-phares de la modernité sont passées au crible d’une relecture attentive qui en détaille les enjeux et en fait ressortir le caractère novateur. Dix jalons essentiels dans l’expansion d’un art qui a progressivement pris conscience de lui-même et de ses potentialités. Dans l’ordre chronologique de parution, ce sont La Ballade de la mer salée de Hugo Pratt, Le Garage hermétique de Jerry Cornelius de Moebius, Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, L’Ascension du Haut Mal de David B., Fun Home d’Alison Bechdel, Faire semblant c’est mentir de Dominique Goblet, Là où vont nos pères de Shaun Tan, Habibi de Craig Thompson, Building Stories de Chris Ware, Alpha… directions et Beta… civilisations de Jens Harder. S’appuyant sur sa connaissance intime de la bande dessinée, Thierry Groensteen les décortique avec gourmandise, cueillant les détails significatifs et les mettant en réseau pour déployer tout l’éventail…
Accents toniques. Journal de théâtre (1973 – 2017)
Le théâtre vu, regardé, lu, écrit, analysé, raconté par Jean-Marie Piemme en trois tranches temporelles permettrait de lire le presque demi-siècle qu’il nous donne à revisiter sur les scènes du monde et en Belgique francophone en particulier.Le public, l’intelligence du jeu, Brecht, le peuple (ce qu’on appelait il y a peu la « classe ouvrière »…), les systèmes de productions théâtrales dans tous leurs détours, les explorations répétées de certains auteurs de prédilections, la mise en scène qui résiste aux exigences du plateau et le transforme, les conflits idéologiques et esthétique majeurs qui ont marqué l’histoire de notre théâtre depuis ce que l’on a appelé le « jeune théâtre » (les années septante), le corps à l’opéra, l’École,…voilà la matière de ce livre capital pour la mémoire d’un art vivant, souvent séduit par les sirènes du succès confortable. Jean-Marie Piemme, né en Wallonie en 1944, entame le sujet en rappelant d’emblée ses origines liégeoises de famille ouvrière, l’université, la découverte d’un explorateur de génie, Marc Liebens, puis peu à peu les familles qui se forment, l’auteur Louvet, le metteur en scène Sireuil, le Théâtre du Parvis (Saint-Gilles), La Monnaie (de Gérard Mortier) et ses déploiements de talents nouveaux, ses embardées dans de nouvelles formes dramatiques…Une phrase résume la dynamique que confie Piemme au théâtre…. « Le théâtre laïcise le monde. Le « comme si » du théâtre, c’est la vérité qui doute, la vérité qui ne colle pas, qui ne veut pas vous étrangler pour vous convaincre, qui ne vous crève pas les tympans pour avoir raison. En des temps marqués par la morsure du religieux, la simple existence du théâtre est son premier mérite. »1973-1986, découvertes, initiations, expériences. Gérard Mortier en 1984 invite Piemme à le rejoindre et ce sera la grande révolution d’un opéra que l’auteur considère comme un art d’un autre temps et, en ce sens, un art extrêmement éclairant sur notre mémoire en dérive. L’auteur y développe un travail de dramaturgie si récent sur nos scènes et le poursuit avec Philippe Sireuil dans nombre de spectacles.1987-2000 : « Avant d’être un réel, contenu, le réel est un contact, un impact. Écrire, c’est boxer (…) » . Écriture et représentations des premières pièces Sans mentir , Neige en décembre (une cinquantaine aujourd’hui), le travail avec le Groupov de Liège. « Je m’intéresse d’abord aux frontières intérieures des gens, à nos frontières intérieures. Moyen de le faire : approcher par les contradictions. (…) ».2001-2017 : la domination de la diffusion sur la création. Le marché, le rendement des tournées, la prolifération des co-productions que nécessitent les nouvelles créations, engendre une glissade jusqu’à aujourd’hui dans le fragile équilibre de la rentabilité d’un spectacle et de sa rage d’indépendance. Écriture de pièces ( Bruxelles printemps noir , autour des attentats, Jours radieux sur la tentation extrémiste…)L’écriture de Piemme, tout au long de cet ouvrage majeur, est fluide, nette, précise. Un pédagogue joyeux l’habite et tout devient plus clair pour comprendre dans la « jungle des villes » les affrontements de genres, de déclarations et de pratiques du théâtre, vivant, encore, toujours vivant. Daniel Simon Alternatives théâtrales, témoin fidèle du parcours artistique de Jean-Marie Piemme, inaugure avec Accents toniques une nouvelle collection de textes théoriques bimedia (papier et numérique) sur les arts de la scène, Alth. …