NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

Le récit s’ouvre sur la sortie de Théa, dix-huit ans, d’un hôpital psychiatrique où elle a été internée pendant huit ans car elle entendait des voix. Sa mère est morte, son père a démissionné, elle se retrouve seule à Rochester où elle va tenter d’apprivoiser le monde tel que nous le connaissons en fuyant un maximum les ennuis et les êtres humains (les voix, ça suffit déjà).Parallèlement, nous découvrons à Clairemont l’univers de Cléa et Élias, deux amis d’enfance écorchés par une enfance difficile, mais aussi fatigués par leurs non-dits et les orages de Cléa. Élias doit réaliser un exposé sur l’histoire de Clairemont, Cléa se propose de l’aider. Les voilà partis à la recherche des mystérieuses histoires de leur village natal…D’entrée…


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Alice et les autres

En littérature, dans les arts, la matière, à savoir ce sur quoi la création…

La Belle Enceinte : Nos amours de Flandre et de Picardie

Qu’est-ce donc que cette « Belle Enceinte » qui fait le titre du dernier opus de l’œuvre foisonnante de Rose-Marie François ? Une ville mythique ? Une somptueuse parturiente ? Un bijou totémique ? Ou la narratrice elle-même d’un livre qu’il serait vain de  résumer sans en détruire la nature, si le sous-titre, lui, en éclaire l’intention : Nos amours de Flandre et de Picardie.  Un sujet qui de l’aveu même de l’autrice l’a hantée pendant trente-trois ans pour comprendre «  comment les mémoires entremêlées de mes ancêtres, tant ouest–flandriens que picards hennuyers, passent des entrailles de la terre aux feux nords du Solstice pour arriver jusqu’à nous aujourd’hui  ». Au-delà de ces « précisions », s’ouvre l’univers fantasmagorique dont la démiurge, avant de s’envoler magnifiquement dans les épiphanies d’une mémoire enchantée, présente les différents « acteurs ». Précaution à la fois utile et  proche d’un défi peut-être parfumé d’ironie  légère tant leur réalité se partage entre les affleurements d’une histoire personnelle et l’onirisme symbolique des  comportements.Ainsi, Rose-Marie François, belle enceinte elle aussi, après ces trente années de gestation, offre-t-elle à ses ancêtres le fruit transcendé et longuement mûri de la semence dont ils l’ont fertilisée.L’athanor de cette alchimie d’une mémoire réinventée, c’est Quargneries – la Belle Enceinte, ville mythique (qui semble fondre en un seul les noms de deux localités boraines). Quatre portes lui donnent accès. Celle de l’Ouest (dite des Pluies), celle du Nord (dite la porte Neige), celle de l’Est (dite des initiés) et la porte Sud (dite de la Mémoire). «  Du livre, de la ville, de la vie, –nous dit-on – l’art consisterait à trouver la bonne entrée…  »Au cœur de ce lieu géométrique de la fabulation signifiante, trois personnages emblématiques parmi d’autres : Jan Frans van der Weyden, le Thiois devenu houilleur en Picardie pour fuir la famine et qui, sur le chemin du retour, découvre Quargneries – la Belle Enceinte, ses rites étranges et ses habitants dont la belle Victorine, artiste porcelainière qui deviendra son épouse. En « scène » aussi, le professeur Jean-François del Pasture – sorte de contretype inversé mais évident de Jan Frans – toujours en recherche de sagesse et enfin victime de la haine meurtrière de l’ancien mineur qui  abat son pic à charbon sur lui et sur Victorine, devenus couple d’amants extasiés. Pourtant, au forcené qui « a dans la tête des chaînes de slogans, un drapeau qui flotte sur des hordes qui réclament vengeance – de quoi ? Ils seraient bien en peine de le dire  », une voix a chuchoté: « Tu vas détruire ton frère. Il est encore temps de te raviser.» Mais cette voix, il la fait taire. Il tue son jumeau, son semblable, son frère. Et dans sa rage, il n’entend pas voler les éclats de verre, il ne sent pas le sang qui sourd du poing qu’il a lancé dans son miroir. Dans son propre miroir ».    Toutefois, ces étincelles projetées par le brasier grandiose qu’attise le souffle de l’Histoire et d’une aventure personnelle cherchant son chemin dans le labyrinthe des symboles, ne doivent pas occulter l’élément central de cette « féerie » : la danse de l’écriture. Chorégraphie envoûtante  dont on pourrait dire comme de la voix du père de Jean-François : « … si mélodieuse qu’elle enfonçait la logique du discours  », et que les lycéens «  l’écoutaient comme un agréable bruit de source, un chant sans paroles, un message passé sans texte  ».  Mais que plus tard «  on comprendrait » . À l’instar du service de table en porcelaine de Victorine, fruit d’un travail de plusieurs années, clairement emblématique de celui dont Rose-Marie François est elle-même la belle enceinte : «  Plaisante à l’œil, cette vaisselle est surtout une périlleuse construction géométrique. Sur la table dressée, on suivit, d’un couvert à l’autre, l’itinéraire dédalesque de divers personnages peints en arborescences. On croirait voir représenté là le destin d’une famille, de plusieurs familles, alliées, avec leurs espérances, leurs querelles, leurs passions, leurs ruptures . » En précisant toutefois que «  Si l’on écartait l’idée de repas, de nourriture, on pouvait très bien arranger les pièces (…) comme autant d’éléments d’un puzzle, jusqu’à créer un édifice, une sculpture fascinante : lisse et nacrée au soleil, chaotique et sombrement multicolore à la lueur des bougies . »Et c’est bien la magie de ce livre flamboyant que de gratifier celle qui s’acquitte ainsi d’un devoir impérieux, tout en offrant au lecteur la fête d’une langue aérienne, libérée, inventive, convulsivement poétique… Et dans le crescendo du ballet d’images d’une sensualité à la fois puissante et enluminée, la montreuse ne manque pas d’évoquer, en arrière plan, des menaces d’aujourd’hui. Celle qu’une certaine vulgarité  fait peser sur une époque par ailleurs en proie à de dangereux écarts, mais surtout celle qui pèse sur une terre où s’avère bien difficile, comme il en est pour toute richesse, de préserver les cadeaux du métissage.…

Poids plumes

Qu’allait écrire Nicole Malinconi, après avoir donné voix à Theresa Stangl, la veuve de Franz Stangl, ex-commandant du camp d’extermination de Treblinka ( Un grand amour , 2015 ) et entrepris sa première fresque historique ( De fer et de verre . La Maison du Peuple de Victor Horta , 2017 ) ? Où son écriture allait-elle la mener ? Elle qui n’œuvre jamais dans la compétition, le calcul, le bruit et la fureur du temps présent n’a pas surenchéri ; elle est revenue à nu, sans documentation, au départ ; elle a retrouvé son fidèle regard, l’a ouvert sur l’alentour, le pas très loin ; elle est retournée vers ces vies minuscules à qui elle a toujours accordé une place de choix dans ses livres, vers les plus minuscules des minuscules, ces/ses oiseaux qu’elle aime tant. Ces oiseaux qui s’avèrent, aussi, une épreuve pour son écriture. Lire aussi : Nicole Malinconi, brève histoire d’une écriture (C.I. n° 197) ***Je ne devrais peut-être pas, cela pourrait sembler simpliste, et pourtant je me l’autorise. À rapprocher Nicole Malinconi des oiseaux qu’elle écrit, et dire : Elle n’est pas telle le ramier posé sur le faîte du toit avec sa posture de grand placide, sa «  manière de regarder passer la vie comme qui regarderait le dehors, de sa fenêtre, tranquille  » ; elle est plutôt comme les oiseaux de petit format qui ne prennent pas «  des airs de philosophe  » et sont faits «  pour l’intranquillité  ».*** Intranquille est aussi son écriture. De ne pouvoir dire l’oiseau dans tout son être, son paraitre, son attitude, sa gestuelle, ses déplacements, ses agissements – dans tout son réel (pour employer un mot que l’autrice lie à sa démarche littéraire depuis son premier livre, Hôpital silence ). De devoir rester dans l’à-peu-près ou les balbutiements (les termes sont d’elle). Souvent sa phrase doit se corriger. Doit s’y reprendre à deux fois («  Une pie plonge du haut de l’immeuble. Disons plutôt qu’elle tombe comme une pierre. » [je souligne]) Et encore tout ne sera pas dit pour autant. L’écriture ne dit jamais tout. De cela elle a déjà parlé souvent.***Si intranquille est son écriture que dans un autre de ses livres paru aux Editions de l’Esperluète, Les oiseaux de Messiaen (2005), à peine commençait-elle à écrire les oiseaux qu’elle se laissait entraîner dans une réflexion sur l’écriture et ses contraintes, ses impossibilités. Son essence.***Intranquille et pourtant un calme, une quiétude, une sérénité nous gagnent à la lecture de ce livre sur les oiseaux.***Tout au long de Poids plumes , elle qui regarde les oiseaux plus qu’elle ne les écoute (elle n’est pas Messiaen et son écriture n’est pas musicale), pour se pro nommer – et afin de donner tout l’être aux oiseaux – elle se neutralise, s’efface tant que faire se peut et dit « on ». Comme le rappelle Laurent Demoulin dans son article paru dans le numéro 55 de la revue Textyles , « Nicole Malinconi, le style ou l’écriture ? À propos de De fer et de verre  », le « on » est «  comme une marque stylistique qui colle à la plume de Nicole Malinconi  » et «  s’adapte aux besoins de la cause  ». Dans De fer et de verre , le « on » pouvait être, entre autre, la voix du peuple. Ici, il n’est plus qu’une personne, à peine quelqu’un, qui regarde le peuple des tout petits dans l’immensité du monde brutal.***Nicole Malinconi est particulièrement attentive à la transformation du monde et à ses conséquences. À ce qui disparaît. À ce que cela induit. Pour l’être humain, ailleurs dans son œuvre. Pour les oiseaux, dans ce livre-ci. Comme, par exemple, l’enfouissement des fils électriques qui ne permet plus les rassemblements préparatoires aux grandes migrations.***Dans le cadre de son regard ou de ses souvenirs, les oiseaux sont en colonie ou en solitaire.***Pour illustrer le texte, Kikie Crêvecoeur pose aussi un cadre (au trait noir) à ses dessins (gommes). Des vignettes, on dirait. Parfois les oiseaux y sont en bande, dessinés, parfois ils y sont esseulés. Jacques Dubois parle également de vignette à propos de certaines formes brèves de Nicole Malinconi. «  Même littéraire, une vignette sera du côté de la modestie et de l’impromptu, dût-elle pourtant avoir exigé du travail et mis en œuvre tout un art.  » ***Les oiseaux de Nicole Malinconi ne sont pas sans relation avec l’être humain, même si le plus souvent ils l’ignorent. Ils lui renvoient ce qu’il est : un être de mots (un parlêtre), un être à qui est réservé « l’impuissance, le désespoir ou l’angoisse  » qu’il ait, ou non, «  vu mourir un canard  ».***Dans leurs interactions avec les êtres humains, souvent les oiseaux se tiennent à carreau pendant que ceux-ci sont debout derrière leurs carreaux, à les observer. Peut-être même à espérer les attirer.***Les êtres humains restent là, démunis, face aux oiseaux. Avec toutes leurs questions, sur le pourquoi et le comment de leur comportement, de leur déplacement, de leurs criaillements, ils sont là, et les oiseaux ne leur répondent pas. Déjà qu’ils savent si peu de choses sur eux-mêmes.***Il y a les oiseaux qu’elle a vus, ceux qui lui en rappellent d’autres, dont elle se souvient, il y a les oiseaux qu’elle imagine, ceux qui ont été soignés, il y a aussi ce chardonneret sur la toile de Carel Fabritius, il y a les oiseaux en liberté, d’autres avec le fil à la patte, il y a aussi l’oiseau qui se tient au bord de, celui qui est dans le cadre de la fenêtre. Il y a ceux dessinés par Kikie Crêvecœur, de gommes et de trait, ils s’accordent si bien à ceux d’encre et de mots de Nicole Malinconi.***Pour le vol, il n’y a pas mieux que les oiseaux…***Pour finir, on voudrait en revenir au début, à la dédicace qu’elle fait à une nuée d’oiseaux, en les citant un à un, par leur nom d’espèce. «  À la Perdrix grise, à la Perdrix rouge, à la Grive musicienne, au Bruant jaune, au Guillemot, etc.  » ; elle en cite ainsi plus de septante. Elle les ramasse sur deux pages avant de leur donner la liberté dans la suite du livre. Jusqu’à ce qu’ils disparaissent complètement. Dans la dernière vignette, il n’y a plus que leur présence absente, «  Ils se cachent. / Ils se taisent. / Ils…