Charles De Coster

RÉSUMÉ

À propos du livre (4e de couverture)

Les historiens contemporains des lettres françaises de Belgique tiennent avec raison que La Légende d’Ulenspiegel en est le livre fondateur. Toute fondée qu’elle soit, cette assertion a tardé à prendre forte d’évidence. Lorsque Charles De Coster fait paraître sont livre, en 1867, seuls quelques lecteurs perspicaces y prêtent attention…

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Charles-Théodore-Henri De Coster (ou Decoster, ainsi qu'il signe habituellement jusqu'en 1850) naquit à Munich le 20 août 1827. Son père, Augustin-Joseph De Coster, un Yprois, s'était marié l'année précédente, avec Anne-Marie Cartreul, de Huy. Ils étaient voisins l'un et l'autre de la quarantaine.

Comme s'il n'y avait pas assez de fantaisie dans cette courte vie de cinquante ans, on a voulu l'introduire jusque dans son origine, et faire de Charles De Coster le fils naturel du nonce apostolique et archevêque comte Charles Mercy d'Argenteau, ancien officier de cavalerie et ex-chambellan de Hollande, dont Augustin De Coster était l'intendant. Charles De Coster serait ainsi le fils de deux Wallons et ne serait devenu flamand que par l'éducation, le milieu, la volonté de «faire flamand».

L'hypothèse n'a pas de base solide; elle n'obtint d'ailleurs aucun crédit jusqu'en ces derniers temps. Car ce n'est point un argument convaincant que le parrainage du comte d'Argenteau, archevêque de Tyr, et de la marquise Henriette de la Tour Dupin, ambassadrice de France à Turin.

D'autres ont allégué une affirmation nullement péremptoire de Félicien Rops, attribuant à De Coster la même paternité. Et l'on croit cette origine nécessaire pour expliquer la nature de Charles De Coster «raffinée, rêveuse, peu préoccupée des nécessités pratiques de l'existence et volontiers éprise de chimères».

Son père a beau n'être qu'un simple intendant, De Coster n'a rien de mystérieux : c'est un romantique attardé, à qui ses lectures de Georges Sand ont fait un tort moral.
Table des matières

Préface de Raymond Trousson

Avant-propos

Chapitre I : Sa vie et son temps
Son père - Ses succès au collège - Les Joyeux - De Coster à l'Université ; ses débuts littéraires – Ses lectures – Les littératures française et allemande en Belgique à cette époque – Les occupations et les distractions de l'auteur – Son portrait – Charles et Élisa, leur malentendu – Le romantisme belge – De Coster romantique ; son caractère – Ses premières œuvres – Ses fréquentations – Sa lutte – La Légende – De Coster professeur – Sa bonté, sa combativité, sa foi – L'isolement dans la mort – Les deux Bruxelles – La gloire lente et sûre – De Coster et Pirmez

Chapitre II : Son activité littéraire et ses œuvres accessoires
Vue générale – Les genres de prédilection en Belgique entre 1830 et 1870 – De Coster suit le courant de son siècle et de son pays – Son activité dans la société des Joyeux ; trente-six inédits – À la Revue nouvelle – À la Revue trimestrielle – À l'Uylenspiegel – Quelques manuscrits inédits – Crescentius (Stéphanie) – Légendes flamandes – La langue de ces Légendes – Contes brabançons – Chroniques politiques – Projets littéraires – La Légende d'Ulenspiegel froidement accueillie – Caprice de femme – Les Bohémiens – Le Voyage de noce – Le Mariage de Toulet – De Coster critique littéraire – Conclusion

Chapitre III : La légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs
I. Les origines lointaines et la conception de l'œuvre
II. L'unité de la Légende d'Ulenspiegel
III. Les sources et la fusion de la légende et de l'histoire
IV. La psychologie des personnages
V. Le patriotisme et le surnaturel
VI. La langue et le style

Chapitre IV : Essai sur l'influence de Charles De Coster
Le problème – Un plagiat – Les renouvellements dramatiques – Poèmes, contes, romans, etc. – En Allemagne – Le succès de Goedzak – Influences moins pondérables – De Coster précurseur et nourricier des lettres bleges (caractères généraux de celles-ci)

Annexe. – Critique du texte de la Légende d'Ulenspiegel

Bibiographie

Addenda

Index alphabétique

À PROPOS DE L'AUTEUR
Joseph Hanse

Auteur de Charles De Coster



Le beau et vieux village où naît Joseph Hanse le 5 octobre 1902, c'est Floreffe, qu'il ne quitte qu'au moment d'achever ses études secondaires, puis pour entreprendre une licence en philologie romane. Le sujet de sa dissertation doctorale, il le choisit avec obstination, contre l'avis de ses maîtres de l'Université de Louvain : c'est à Charles De Coster qu'avec une passion qui ne se démentira jamais il consacre ses recherches. Celles-ci prennent notamment la forme d'une monographie magistrale éditée dès 1928 par l'Académie : y apparaissent la dimension humaine universelle de l'auteur et l'irréductible spécificité de l'œuvre.

Après avoir parcouru un itinéraire qui le mène de l'Athénée royal d'Alost à l'École normale Saint-Thomas de Bruxelles, il retrouve l'Université de Louvain où il enseigne de 1945 à 1973. Il forme des générations d'étudiants à l'histoire de la littérature et à la grammaire française et, dans ces deux domaines, il ne cesse de mener des recherches marquées par la rigueur et l'audace, la précision et le non-conformisme, tout en se révélant homme d'action, prompt à prendre les décisions et à lancer les projets.

Publiant d'abord avec Gustave Charlier une Histoire illustrée des lettres françaises de Belgique qui demeure sans égale, il donne ensuite, en 1959, l'édition définitive de La Légende d'Ulenspiegel, qu'il élève au rang d'œuvre fondatrice. Il détermine les principes et pose les premiers jalons d'une édition critique de la poésie d'Émile Verhaeren (mise en œuvre depuis 1994), qui permette d'étudier les textes dans leurs états successifs et de découvrir comment le poète a poursuivi son travail de création sans cesse renouvelé. En 1962, Joseph Hanse publie, toujours avec Gustave Charlier, un Maurice Maeterlinck à l'élaboration duquel participent, entre autres, Roland Mortier, Michel Otten, Raymond Pouilliart, Jean Rostand et Georges Sion, puis il établit, en 1965, l'édition définitive des Poésies complètes de Maurice Maeterlinck, auxquelles il applique une méthode d'explication génétique d'une exemplaire efficacité, faisant apparaître les chemins parcourus par l'auteur depuis les poèmes en vers libres jusqu'aux Chansons.

S'il multiplie – notamment dans ses communications à l'Académie, dont il est élu membre le 9 juin 1956 — les analyses consacrées aux lettres belges, Joseph Hanse œuvre aussi, de la manière la plus concrète, à la reconnaissance de ce patrimoine qu'il décrit avec ferveur, et à la création de lieux qui en rassemblent les traces : il fonde et préside les Archives et Musée de la littérature, puis l'Association pour la promotion des lettres belges de langue française.

L'étude de la langue française, il la mène sans relâche. Du Dictionnaire des difficultés grammaticales et lexicologiques publié en 1949 au Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne (première édition en 1983), on peut suivre la démarche d'un homme à la fois passionné et pondéré, accueillant et résolu attentif à aider le lecteur et à le délivrer, par des avis argumentés et nouveaux, de scrupules injustifiés.

Ainsi conçue par celui que Ferdinand Brunot a qualifié, dès 1933 – en voyant comment il s'en prenait avec virulence à la grammaire de l'Académie française – de grammairien de race, l'étude va de pair avec l'action. Et l'on retrouve Joseph Hanse en divers lieux où se joue l'avenir de la langue française, où il peut témoigner de son engagement à l'égard de la francophonie. Après avoir fondé avec Alain Guillermou la Fédération du français universel et les Biennales de la langue française, il crée et préside, à partir de 1967, le Conseil international de la langue française. Habile à la manœuvre, déterminé, multipliant les initiatives, il lance en 1972, avec Albert Doppagne, les championnats d'orthographe, réunit les linguistes et les lexicologues pour que l'on parvienne à réduire les contradictions orthographiques entre les dictionnaires, et agit au sein du Réseau international de néologie et de terminologie.

Les dernières années sont toutes de méditation active. À l'Université de Bologne, où il est nommé docteur honoris causa, Joseph Hanse se réfère une fois encore à l'impérieuse liberté et à l'indomptable vitalité de Thyl Ulenspiegel. En divers lieux où l'on se réjouit de voir se manifester sa conscience critique et sa sagesse, il pose d'attentives questions et suggère de stimulantes réponses; il guide et conseille; il dit en quoi des réflexions en matière de langue ou des essais consacrés à l'histoire des lettres belges lui semblent pertinents; il met en garde aussi, et dans tous les débats auxquels il participe (bien qu'il ne les ait pas tous engagés) la part qu'il prend est primordiale.

Dans sa retraite de Watermael-Boitsfort, il continue à rassembler des notes pour la troisième édition de son Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne, intégrant certains particularismes sans jamais oublier la logique de la langue, faisant accéder le lecteur aux variations les plus subtiles du langage, renouvelant les exemples littéraires sur lesquels il s'appuie, donnant à ses remarques toujours plus de netteté et de concision. Il assiste à la publication de l'édition critique qu'il a établie de ces Légendes flamandes de Charles De Coster qu'il considère comme le portail de La Légende d'Ulenspiegel, qui ont été longtemps laissées dans l'oubli et dont la poésie l'a toujours enchanté. Il découvre, le jour de ses nonante ans, un mois avant son décès, survenu le 7 novembre 1992, le rassemblement en un volume intitulé Naissance d'une littérature, d'une vingtaine d'articles qu'il a consacrés à quelques moments et à quelques figures de la littérature belge de langue française entre 1830 et 1890. Il y a là, au-delà de l'originalité des analyses, un ultime témoignage de rigueur, de probité et de fidélité.


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Le fantastique dans l’oeuvre en prose de Marcel Thiry

À propos du livre Il est toujours périlleux d'aborder l'oeuvre d'un grand écrivain en isolant un des aspects de sa personnalité et une des faces de son talent. À force d'examiner l'arbre à la loupe, l'analyste risque de perdre de vue la forêt qui l'entoure et le justifie. Je ne me dissimule nullement que le sujet de cette étude m'expose ainsi à un double danger : étudier l'oeuvre — et encore uniquement l'oeuvre en prose de fiction — d'un homme que la renommée range d'abord parmi les poètes et, dans cette oeuvre, tenter de mettre en lumière l'élément fantastique de préférence à tout autre, peut apparaître comme un propos qui ne rend pas à l'un de nos plus grands écrivains une justice suffisante. À l'issue de cette étude ces craintes se sont quelque peu effacées. La vérité est que, en prose aussi bien qu'en vers, Marcel Thiry ne cesse pas un instant d'être poète, et que le regard posé sur le monde par le romancier et le nouvelliste a la même acuité, les mêmes qualités d'invention que celui de l'auteur des poèmes. C'est presque simultanément que se sont amorcées, vers les années vingt, les voies multiples qu'allait emprunter l'oeuvre littéraire de M. Thiry pendant plus de cinquante années : la voie de la poésie avec, en 1919, Le Coeur et les Sens mais surtout avec Toi qui pâlis au nom de Vancouver en 1924; la voie très diverse de l'écriture en prose avec, en 1922, un roman intitulé Le Goût du Malheur , un récit autobiographique paru en 1919, Soldats belges à l'armée russe , ou encore, en 1921, un court essai politique, Voir Grand. Quelques idées sur l'alliance française . Cet opuscule relève de cette branche très féconde de son activité littéraire que je n'étudierai pas mais qui témoigne que M. Thiry a participé aux événements de son temps aussi bien sur le plan de l'écriture que sur celui de l'action. On verra que j'ai tenté, aussi fréquemment que je l'ai pu, de situer en concordance les vers et la prose qui, à travers toute l'oeuvre, s'interpellent et se répondent. Le dialogue devient parfois à ce point étroit qu'il tend à l'unisson comme dans les Attouchements des sonnets de Shakespeare où commentaires critiques, traductions, transpositions poétiques participent d'une même rêverie qui prend conscience d'elle-même tantôt en prose, tantôt en vers, ou encore comme dans Marchands qui propose une alternance de poèmes et de nouvelles qui, groupés par deux, sont comme le double signifiant d'un même signifié. Il n'est pas rare de trouver ainsi de véritables doublets qui révèlent une source d'inspiration identique. Outre l'exemple de Marchands , on pourrait encore évoquer la nouvelle Simul qui apparaît comme une certaine occurrence de cette vérité générale et abstraite dont le poème de Vie Poésie qui porte le même titre recèle tous les possibles. Citons aussi le roman Voie-Lactée dont le dénouement rappelle un événement réel qui a aussi inspiré à M. Thiry la Prose des cellules He La. Je n'ai donc eu que l'embarras du choix pour placer en épigraphe à chaque chapitre quelques vers qui exprimaient ou confirmaient ce que l'analyse des oeuvres tentait de dégager. Bien sûr, la forme n'est pas indifférente, et même s'il y a concordance entre les thèmes et identité entre les motifs d'inspiration, il n'y a jamais équivalence : le recours à l'écriture en prose est une nécessité que la chose à dire, à la recherche d'un langage propre, impose pour son accession à l'existence. C'est précisément aux «rapports qui peuvent être décelés entre ces deux aspects» de l'activité littéraire de Marcel Thiry que Robert Vivier a consacré son Introduction aux récits en prose d'un poète qui préface l'édition originale des Nouvelles du Grand Possible . Cette étude d'une dizaine de pages constitue sans doute ce que l'on a écrit de plus fin et de plus éclairant sur les caractères spécifiques de l'oeuvre en prose; elle en arrive à formuler la proposition suivante : «Aussi ne doit-on pas s'étonner que, tout en gardant le vers pour l'examen immédiat et comme privé des émotions, il se soit décidé à en confier l'examen différé et public à la prose, avec tous les développements persuasifs et les détours didactiques dont elle offre la possibilité. Et sa narration accueillera dans la clarté de l'aventure signifiante plus d'un thème et d'une obsession dont son lyrisme s'était sourdement nourri.» Car, sans pour autant adopter la position extrême que défend, par exemple, Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique, et qui consiste à affirmer que la poésie ne renvoie pas à un monde extérieur à elle-même, n'est pas représentative du monde sensible (et d'en déduire — j'y reviendrai dans la quatrième partie — que poésie et fantastique sont, pour cette raison, incompatibles), on peut cependant accepter comme relativement sûr que la traduction en termes de réalité ne s'opère pas de la même façon lors de la lecture d'un texte en prose ou d'un poème. C'est donc tout naturellement qu'un écrivain recourra à la prose, dont l'effet de réel est plus assuré, dont le caractère de vraisemblance est plus certain, chaque fois qu'il s'agira pour lui, essentiellement, d'interroger la réalité pour en solliciter les failles, d'analyser la condition humaine pour en déceler les contraintes ou en tester les latitudes. Le développement dans la durée permet l'épanouissement d'une idée, la mise à l'épreuve d'une hypothèse que la poésie aurait tendance à suspendre hors du réel et à cristalliser en objet de langage, pour les porter, en quelque sorte, à un degré supérieur d'existence, celui de la non-contingence. Il n'est sans doute pas sans intérêt de rappeler que, dans un discours académique dont l'objet était de définir la fonction du poème, M. Thiry n'a pas craint de reprendre à son compte, avec ce mélange d'audace et d'ironie envers lui-même qui caractérise nombre de ses communications, cette proposition de G. Benn et de T. S. 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