Le beau et vieux village où naît Joseph Hanse le 5 octobre 1902, c'est Floreffe, qu'il ne quitte qu'au moment d'achever ses études secondaires, puis pour entreprendre une licence en philologie romane. Le sujet de sa dissertation doctorale, il le choisit avec obstination, contre l'avis de ses maîtres de l'Université de Louvain : c'est à Charles De Coster qu'avec une passion qui ne se démentira jamais il consacre ses recherches. Celles-ci prennent notamment la forme d'une monographie magistrale éditée dès 1928 par l'Académie : y apparaissent la dimension humaine universelle de l'auteur et l'irréductible spécificité de l'uvre.
Après avoir parcouru un itinéraire qui le mène de l'Athénée royal d'Alost à l'École normale Saint-Thomas de Bruxelles, il retrouve l'Université de Louvain où il enseigne de 1945 à 1973. Il forme des générations d'étudiants à l'histoire de la littérature et à la grammaire française et, dans ces deux domaines, il ne cesse de mener des recherches marquées par la rigueur et l'audace, la précision et le non-conformisme, tout en se révélant homme d'action, prompt à prendre les décisions et à lancer les projets.
Publiant d'abord avec Gustave Charlier une
Histoire illustrée des lettres françaises de Belgique qui demeure sans égale, il donne ensuite, en 1959, l'édition définitive de
La Légende d'Ulenspiegel, qu'il élève au rang d'uvre fondatrice. Il détermine les principes et pose les premiers jalons d'une édition critique de la poésie d'Émile Verhaeren (mise en uvre depuis 1994), qui permette d'étudier les textes dans leurs états successifs et de découvrir comment le poète a poursuivi son travail de création sans cesse renouvelé. En 1962, Joseph Hanse publie, toujours avec Gustave Charlier, un
Maurice Maeterlinck à l'élaboration duquel participent, entre autres, Roland Mortier, Michel Otten, Raymond Pouilliart, Jean Rostand et Georges Sion, puis il établit, en 1965, l'édition définitive des
Poésies complètes de Maurice Maeterlinck, auxquelles il applique une méthode d'explication génétique d'une exemplaire efficacité, faisant apparaître les chemins parcourus par l'auteur depuis les poèmes en vers libres jusqu'aux Chansons.
S'il multiplie notamment dans ses communications à l'Académie, dont il est élu membre le 9 juin 1956 les analyses consacrées aux lettres belges, Joseph Hanse uvre aussi, de la manière la plus concrète, à la reconnaissance de ce patrimoine qu'il décrit avec ferveur, et à la création de lieux qui en rassemblent les traces : il fonde et préside les Archives et Musée de la littérature, puis l'Association pour la promotion des lettres belges de langue française.
L'étude de la langue française, il la mène sans relâche. Du
Dictionnaire des difficultés grammaticales et lexicologiques publié en 1949 au
Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne (première édition en 1983), on peut suivre la démarche d'un homme à la fois passionné et pondéré, accueillant et résolu attentif à aider le lecteur et à le délivrer, par des avis argumentés et nouveaux, de scrupules injustifiés.
Ainsi conçue par celui que Ferdinand Brunot a qualifié, dès 1933 en voyant comment il s'en prenait avec virulence à la grammaire de l'Académie française de grammairien de race, l'étude va de pair avec l'action. Et l'on retrouve Joseph Hanse en divers lieux où se joue l'avenir de la langue française, où il peut témoigner de son engagement à l'égard de la francophonie. Après avoir fondé avec Alain Guillermou la Fédération du français universel et les Biennales de la langue française, il crée et préside, à partir de 1967, le Conseil international de la langue française. Habile à la manuvre, déterminé, multipliant les initiatives, il lance en 1972, avec Albert Doppagne, les championnats d'orthographe, réunit les linguistes et les lexicologues pour que l'on parvienne à réduire les contradictions orthographiques entre les dictionnaires, et agit au sein du Réseau international de néologie et de terminologie.
Les dernières années sont toutes de méditation active. À l'Université de Bologne, où il est nommé docteur honoris causa, Joseph Hanse se réfère une fois encore à l'impérieuse liberté et à l'indomptable vitalité de
Thyl Ulenspiegel. En divers lieux où l'on se réjouit de voir se manifester sa conscience critique et sa sagesse, il pose d'attentives questions et suggère de stimulantes réponses; il guide et conseille; il dit en quoi des réflexions en matière de langue ou des essais consacrés à l'histoire des lettres belges lui semblent pertinents; il met en garde aussi, et dans tous les débats auxquels il participe (bien qu'il ne les ait pas tous engagés) la part qu'il prend est primordiale.
Dans sa retraite de Watermael-Boitsfort, il continue à rassembler des notes pour la troisième édition de son
Nouveau Dictionnaire des difficultés du français moderne, intégrant certains particularismes sans jamais oublier la logique de la langue, faisant accéder le lecteur aux variations les plus subtiles du langage, renouvelant les exemples littéraires sur lesquels il s'appuie, donnant à ses remarques toujours plus de netteté et de concision. Il assiste à la publication de l'édition critique qu'il a établie de ces
Légendes flamandes de Charles De Coster qu'il considère comme le portail de
La Légende d'Ulenspiegel, qui ont été longtemps laissées dans l'oubli et dont la poésie l'a toujours enchanté. Il découvre, le jour de ses nonante ans, un mois avant son décès, survenu le 7 novembre 1992, le rassemblement en un volume intitulé
Naissance d'une littérature, d'une vingtaine d'articles qu'il a consacrés à quelques moments et à quelques figures de la littérature belge de langue française entre 1830 et 1890. Il y a là, au-delà de l'originalité des analyses, un ultime témoignage de rigueur, de probité et de fidélité.