Babelio a lancé la deuxième édition de ses prix littéraires avec la publication de ses sélections couvrant dix catégories différentes. Deux auteurs belges figurent parmi les 100 titres sélectionnés.
Les prix Babelio
Réseau social francophone dédié au livre, Babelio a créé ses propres prix littéraires en 2019. Ils couvrent dix catégories : littérature française, littérature étrangère (en traduction), polar et thriller, jeunesse, bande dessinée, manga, jeune adulte, imaginaire, roman d’amour et non-fiction. La désignation des lauréats s’établit en deux tours. Tout d’abord, dix livres sont sélectionnés dans chacune des catégories. Ces sélections sont constituées des 10 livres les plus populaires sur le site de Babelio, c’est à dire ceux qui ont été les plus ajoutés dans les bibliothèques des lecteurs et qui ont été les plus appréciés/les mieux notés. Cette première sélection une fois établie, les membres de la communauté sont invités à voter pour leur livre favori dans chacune des catégories. En 2019, ils étaient 6.000 votants.
Les sélections dans la catégorie Polar et thriller
Dans la catégorie Polar et thriller, le dernier roman de Barbara Abel, Et les vivants autour (éditions Belfond), est l’un des dix titres retenus. Il raconte l’histoire d’une famille qui se déchire autour de Jeanne, une jeune femme allongée depuis quatre ans dans un hopital, en état végétatif.
Le préfixe verbal dè dans le vocabulaire d’un village du Sud gaumais (Ethe-Belmont, Vi 33)
Comme en français , mais sous la seule forme dè, ce préfixe verbal marque le plus souvent la séparation, la privation, l’opposition comme dans dèpaviner « enlever la pavine, c.-à-d. le chiendent », dèboûoner « enlever les bornes », dècouver « empêcher de couver », dèfèssi « enlever les éclisses », dèbôrer « ouvrir », s’ dèmarier, « divorcer », dèfirnower « défaire un nœud compliqué », dèbrâyi « desserrer le brâyûœ, c.-à-d. le dispositif de serrage (du chariot de culture) », dèhaler, antonyme de ahaler « embarrasser ». Ce dè à valeur d’opposition concerne bien entendu beaucoup de verbes, mais en moins grand nombre qu’on pourrait le croire. Ne rentrent pas dans cette catégorie majoritaire des verbes où on distingue sans peine le verbe simple sur lequel ils sont formés, mais sans qu’il s’agisse d’une action simplement contraire. Ainsi dèwâti ne signifie pas « ne pas regarder », mais « regarder de travers », dèbèni non pas « retirer une bénédiction », mais « vitupérer », dèbatiji (au part. passé) non pas « débaptisé », mais « remis d’une bonne cuite ». D’autres verbes, pour lesquels on pourrait s’attendre à ce qu’ils aient valeur d’opposition, n’ont pas d’autre sens que le verbe simple : ainsi dèguîter (dèguîder) comme guîter (guîder) signifie « tirer au sort », dèpicoter n’ajoute (apparemment) rien à picoter, dèlibèrer signifie « délivrer » comme le verbe simple et il en va de même pour dèmôdi, « maudire ». Citons à l’inverse le cas de dètchanter qui, lorsqu’il est transitif, a le sens d’« annuler le caractère favorable de la chanson » (dans la quête des petites filles au mois de mai) et le même sens qu’en français « déchanter » quand il est intransitif. À la jonction du dè à valeur d’opposition, de privation, etc. et du dè à valeur intensive dont il va être question, on trouve un certain nombre de verbes qu’on ne peut clairement classer dans l’une ou l’autre catégorie : ainsi en va-t-il, semble-t-il, de dèbrôler « démantibuler », s’ dèwayiner « perdre ses plumes », dèparpîr « répartir », dègrôbouyi « démêler, débrouiller ». Dans une seconde catégorie, où la notion d’opposition est absente, dè a valeur intensive. Moins nombreux, ces verbes expriment la répétition, la multiplicité ou d’autres nuances souvent difficiles à préciser lorsqu’il s’agit de les traduire, mais dans la plupart des cas, leur force expressive est évidente : s’ dèbaver, c’est « baver en se souillant », s’ dèbagni, c’est « s’éclabousser ». Ce dernier a un correspondant non pronominal et transitif, dèbruchi, formé sur bruche « brosse » qui outre le sens de « brosser à grande eau » peut aussi signifier « éclabousser » (comme on le fait p. ex. en manipulant vigoureusement une brosse de rue sur une surface humide). De dècahoter (comme de sa variante dèclahoter), qui semble ne rien ajouter à la forme simple cahoter, ne peut-on dire qu’il a bien un pouvoir expressif dans son idée de répétition, de durée : on s’ fayout dècahoter su la tcharète (sous-entendu tout le long du chemin) ? On peut à ce stade opérer une distinction entre le dè qui a bien sa valeur intensive, et souvent expressive, et le dè qui n’ajoute rien à la forme simple. C’est ainsi que campoûssi et dècampoûssi ont tous les deux le sens de « bousculer, houspiller », sans qu’on puisse distinguer quelle nuance pourrait les séparer. Chalmarder et dèchalmarder signifient sans distinction de sens « couper sans soin, déchirer ». S’ dèlamanter n’ajoute rien à s’ lamanter et dègatîr ou dègatouyi rien à gatîr, gatouyi « chatouiller ». Par contre, dè a bien sa valeur intensive dans les verbes qui suivent : dèssoyi, ce n’est pas simplement ‘scier’, mais ‘scier un ensemble’ (fôrè fâre dèssoyi l’ bos). Et il en va de même s’il s’agit, ce tas de bois, de le dèfade, de le « fendre ». Dèguèrnouyi, ce n’est pas seulement « gaspiller », mais « gaspiller tout son avoir » (il è dèguèrnouyi tout ç’ qu’il avout). Un des sens de dèhatchi, c’est « enlever complètement, faire le vide », alors que hatchi signifie simplement « tirer ». Dans le registre du peu ragoûtant, dèchiter, c’est « couvrir de chiures », dècratchi « postillonner » et dèpichi « compisser ». Dans celui de la déchirure et de la lacération, on peut recenser dègaler « gratter » (avec l’idée de dégâts), dèmougni « grignoter, ronger », dèbètchi « piquer de coups de bec », dètrower « trouer à de multiples endroits », dègrimer « griffer en utilisant plusieurs doigts ». Ajoutons, pour faire bonne mesure et en terminer avec le dè intensif, dèhoper « appeler avec insistance », dèpoûssi « pousser de manière répétée », dèmazeurer « abattre un vieux mur ». Un certain nombre de verbes enfin, à première vue du moins (mon propos n’étant pas de pousser l’analyse plus loin), sont difficiles à classer dans la catégorie des dè "oppositifs" ou des dè intensifs. Ce sont tout d’abord des verbes dans lesquels on ne discerne pas a priori de quoi ils sont composés : dèhantiver « humilier », s’ dèhambrer, « se remuer, se dépêcher », dènorter « décourager », s’ dèlôner « se défaire d’un vêtement ». Ce sont ensuite des verbes où le dè semble être le résultat d’une agglutination avec un verbe dont l’initiale est è, que le verbe "simple" existe avec le même sens, répertorié sous e (dècloûore « éclore », s’ dèchiner « s’échiner », dègrîéner « égrener », dèfacer « effacer », dètriper « étriper », dèganler « ouvrir » [dans dèganler l’ lit] ou « éparpiller » [dans dèganler l’ fûœ]) ou qu’il ne le soit pas (dèbôchi « ébaucher », dèfilotchi « effilocher », dèssoliner « aller sans but et solitaire »). En conclusion : classer les verbes formés à l’aide du préfixe verbal dè (ou dont la première syllabe est dè) n’a rien d’aisé. Peut-être y avait-il quelque prétention à le tenter ? Ce travail peut avoir, au moins, le mérite de montrer la complexité de l’entreprise. À preuve, peut-être, ce dernier exemple : dans quel "tiroir" ranger dècugni dont le sens pourrait être « heurter de manière répétée », mais qui signifie « heurter du coude » ? © Jean-Louis Laurent (Ce texte…
Sciences et littérature: de la confrontation au rapprochement – et inversement
Il y a la littérature et il y a les sciences : voilà bien ce que, dès avant l’université, l’enseignement consacre. Entre ces deux options, il faut choisir. Tel élève est réputé doué pour les études littéraires, et tel autre pour les études scientifiques, et l’on célèbre celui ou celle qui excelle tout à la fois dans les unes et dans les autres. Ces deux domaines bien différenciés du savoir ne l’ont pourtant pas toujours été. Il fut un temps où les connaissances humaines étaient beaucoup plus homogènes, nettement moins fragmentées. Ainsi Aristote, savant philosophe à l’esprit encyclopédique qu’aucun domaine de la connaissance humaine ne laissait indifférent, a-t-il creusé bien des questions dans de multiples domaines – phénomènes naturels, éthique, métaphysique, politique. Plus près de nous, il y a cinq siècles, la Renaissance, qui a pourtant vu les connaissances commencer à se spécialiser, en offre encore quelques beaux exemples comme Léonard de Vinci. À ces époques, il aurait été absurde de tenter une confrontation entre disciplines, tout simplement parce que ces disciplines n’existaient pas : la constitution des champs disciplinaires auxquels nos préjugés attribuent parfois un parfum d’éternité, cette constitution date pour l’essentiel du XIXe siècle comme Bourdieu l’a bien montré, et elle va de pair avec l’approfondissement de la division du travail, même si elle a été amorcée plus tôt. On dit souvent – à juste titre, à nos yeux – que Galilée a fondé la physique. Non pas que personne avant lui ne se serait intéressé à la nature et n’aurait tiré de conclusions plus ou moins globalisantes des observations effectuées, mais bien au sens où il invente la pratique de l’expérimentation (pas seulement l’observation), et où il fait appel aux mathématiques pour traiter et interpréter ses résultats : un couplage dont l’épistémologie moderne a fait la pierre de touche d’une discipline nouvelle, la physique. Il est hautement significatif que son œuvre majeure, le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, publié en 1632, soit une œuvre qu’on qualifierait aujourd’hui de littéraire, puisqu’elle se présente sous la forme d’une fiction qui met en scène trois personnages imaginaires débattant avec acharnement. Quelques décennies plus tard, la forme des Principia de Newton (plus précisément, Philosophiæ naturalis principia mathematica) n’a plus rien à voir avec la légèreté et la vivacité du Dialogue galiléen : la discipline est constituée, son exposition codifiée, et les règles de fonctionnement de l’institution scientifique s’imposent à ceux qui entendent en faire partie. Ce découpage en catégories, qui n’a fait que se renforcer depuis lors, n’interdit cependant pas que des créateurs entreprenants placent un pied de chaque côté de la frontière – montrant ainsi que se consacrer à la recherche scientifique n’est pas renoncer à la littérature ou, si l’on préfère le prendre par l’autre bout, que se consacrer à l’œuvre littéraire n’exclut pas de chercher à comprendre rationnellement les mécanismes qui régissent notre univers : grand écart encore relativement fréquent au siècle des Lumières – que l’on pense notamment à Voltaire et à Diderot –, mais beaucoup moins pratiqué par la suite. Et pourtant, ces différents champs de l’activité créatrice s’interpénètrent, se nourrissant l’un l’autre, l’un de l’autre, et l’un par l’autre. Ces domaines du savoir et de la pensée humaines paraissent donc aujourd’hui bien éclatés, et la philosophie qui y jouait le rôle de ciment en interrogeant le monde et la vie semble bien s’être autonomisée et s’être distinguée elle-même en différentes branches qui en reflètent le clivage, philosophie des sciences, philosophie morale, logique, esthétique, etc. La complexification des savoirs scientifiques et des techniques artistiques va de pair avec leur spécialisation, séparant entre autres ce qui est du domaine de la rationalité de ce qui relève de celui de la créativité. Des intersections subsistent pourtant, dont celle de l’intuition, qui n’est pas la moindre. Essentielle dans la littérature, elle contribue à sa manière, de loin en loin, conjoncturellement, à débloquer bien des impasses dans lesquelles la rationalité, creusant sans cesse, pouvait se retrouver embourbée ou bloquée : quelle extraordinaire audace intuitive ne fallut-il pas aux explorateurs de la relativité et aux laboureurs des champs quantiques pour s’extraire des impasses où le classicisme newtonien, poussé dans ses derniers retranchements, avait confiné la physique de la fin du XIXe siècle ! Des points de rencontre subsistent donc toujours qui, à défaut d’être obligés, permettent à la littérature et à la science de se retrouver, voire, à défaut de mélanger les genres, ce dont il ne peut être question (cela ferait pour le moins… mauvais genre !), de se comparer, de se jauger, et, pourquoi pas, de s’acoquiner. Cette confrontation des sciences et de la littérature, de la littérature et des sciences, est bien dans l’esprit de l’interdisciplinarité perdue au milieu du sigle de l’association qui édite notre revue ! Elle est aussi une manière de rappeler que le neuf peut surgir d’alliages imprévus avec ces mots cernant des concepts, avec ces images enchantant notre langage – à moins que les mots soient ceux qui tissent les fictions, et les images celles qui sous-tendent les modèles scientifiques : les interactions ne sont décidément pas à sens unique. Encore nous fallait-il, dans cette perspective, éviter un écueil, celui sur lequel bute une certaine littérature qui se contente de cultiver paradoxes et énoncés déconcertants, sans arriver à s’emparer de la substance des idées réellement nouvelles que les sciences contemporaines ont engendrées, de sorte que le croisement est raté. La mécanique quantique fait l’objet d’une exploitation privilégiée dans cette veine spécieuse, sur base d’un sophisme qu’un logicien plus que débutant déconstruirait sans aucune difficulté : « les physiciens nous disent que la mécanique quantique est incapable de nous apprendre quoi que ce soit sur la réalité du monde (notamment parce qu’elle ne nous permet même pas de dire où se trouve une particule à un instant donné) ; or, je suis tout autant incapable d’expliquer tel phénomène difficile à comprendre (au choix, le désir sexuel, la liberté de conscience, la capacité de résister à la maladie, l’efficacité de telle thérapie…, biffez la mention inutile) ; c’est donc que le phénomène en question est quantique » – emballez, c’est pesé ! Cet enchaînement vertigineux n’a même pas besoin d’exporter là où ils n’ont pas cours, à l’échelle macroscopique, celle du monde sensible, les paradoxes dont la physique quantique est incontestablement riche au niveau subatomique : le monde est appréhendé à travers une vision (est-ce celle d’un certain post-modernisme ?) dont la seule cohérence repose sur l’affirmation de l’incapacité à le comprendre – tout est ou peut être son contraire, tout ce qui est matériel peut être ou devenir immatériel, et inversement. Il n’en reste pas moins, ce piège évité, que certains artistes sont fascinés par l’avancée des sciences, qui inspire leur démarche. Parfois très consciemment, lorsque ces avancées accompagnent le processus de création, en amont de l’accouchement, allant même jusqu’à le motiver. D’autres fois ces rapprochements sont le fait d’analystes, qui les découvrent a posteriori, en aval, en repérant des parallèles entre une œuvre et les idées scientifiques qui baignent son époque. La fascination qu’exerce la science sur les artistes s’exprime elle-même de façon polymorphe : elle nourrit les ouvrages de science-fiction, par définition et donc sans surprise, mais aussi l’exploration épistémologique des…