[Traduit du néerlandais par Christian Marcipont.] Le sort du réfugié est devenu un thème de la littérature contemporaine, y compris des lettres de langue néerlandaise. quels sont les auteurs qui, dans les plats pays, ont eu le courage d’aborder le thème du réfugié, montrant chacun à leur manière que la littérature peut apporter une plus-value parce qu’elle sait observer ce sujet sensible sous une multitude d’angles différents?
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De nos jours , il est un thème – avec le climat et le terrorisme – qui domine et détermine l’actualité: celui de la migration. C’est surtout depuis les années 1990, qui voient le déclenchement de la guerre civile en ex-Yougoslavie, que la question des « réfugiés » en Europe est devenue un sujet aux nombreuses implications éthiques, politiques et sociales, et que les brasiers en Syrie et au Moyen-Orient ont rendu plus prégnant encore.
Il est devenu l’enjeu de campagnes électorales virulentes…
Un prix unique du livre en Belgique francophone
Le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FW-B) a voté le 18 octobre 2017 le décret relatif à la protection culturelle du livre proposé par la Ministre de la Culture, Madame Greoli. Ce décret ouvre une nouvelle page de l’histoire du livre en Belgique francophone. Il vise à supprimer progressivement tout mécanisme apparenté à l’ex-tabelle et à réguler le prix du livre dès le 1er janvier 2018 en limitant à 5% durant deux ans (un an pour les bandes dessinées) les possibilités de variation par rapport au prix fixé par l’éditeur. Alda Greoli : «C’est un moment fondateur que l’adoption du décret relatif à la protection culturelle du livre, une manifestation concrète de ce qu’est l’exception culturelle. Un tel projet était attendu depuis trente-cinq ans. Le livre, c’est la manifestation la plus concrète de la culture. Le livre est aussi souvent la première rencontre de l’enfant avec la matérialisation de sa culture. Le prix unique du livre jouera en faveur du maintien d’un nombre élevé et varié de points de vente et d’une offre qualitative et diversifiée.» Le livre est la seconde activité culturelle des Européens et des Belges. C’est un marché qui représente un chiffre d’affaires annuel de près de 245 millions d’euros et un secteur de création majeur, avec notamment la littérature, la bande dessinée et le livre jeunesse. C’est aussi le vecteur de la connaissance scientifique et technique, le support pédagogique principal et un élément clé du débat démocratique. Alda Greoli : «De nombreux pays européens dont nos voisins directs, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, ont légiféré sur le "prix du livre". Tous les exemples étrangers démontrent qu’une protection culturelle du livre permet une distribution et une création de meilleure qualité. À l’inverse, les pays qui ne pratiquent pas de régulation ou qui l’ont abandonnée, se trouvent confrontés à des phénomènes de concentration de distribution et de création préjudiciables à la diversité culturelle.» Le décret est le fruit d’une concertation réussie avec l’ensemble du secteur du livre depuis plus de deux ans. Il entend répondre au mieux aux demandes légitimes de celui-ci : ➢ une plus juste concurrence entre les librairies indépendantes, les grandes surfaces et les sociétés de ventes en ligne en limitant les possibilités de remises ; ➢ la reconnaissance de l’imbrication culturelle et économique des marchés du livre belge francophone et du livre français ; ➢ la maîtrise du prix du livre rendue à l’éditeur ; ➢ la suppression progressive de la « tabelle » appliquée sur un certain nombre de livres venant de France et, par conséquent, la diminution du prix payé par les consommateurs belges pour l’achat de ces livres ; ➢ les spécificités de la production des éditeurs francophones belges, comme celles de la bande dessinées ou des livres juridiques ; ➢ l’accessibilité de la lecture dans les écoles ; ➢ le respect des spécificités du marché du livre numérique, selon des modalités compatibles avec la législation européenne. Principaux éléments du décret / À partir du 1er janvier 2018 ➢ Durant les vingt-quatre premiers mois de vie d’un livre, son prix sera fixe et correspondra à celui déterminé par l’éditeur ou l’importateur. Le détaillant ne pourra appliquer qu’une remise maximale de 5%. ➢ Ce délai est ramené à douze mois pour les bandes dessinées. ➢ Au-delà de ces délais, le prix du livre sera libre. ➢ La vente en ligne est également concernée par le contenu du décret. ➢ Le livre numérique est présent dans le projet de décret avec des mesures propres à ce marché toujours en développement. ➢ Des dérogations sont prévues : une remise de 15% maximum peut être accordée par les détaillants, sur tous les livres, mais uniquement aux établissements scolaires, aux bibliothèques publiques et autres asbl ayant des missions d’éducation, d’alphabétisation ou de promotion de la lecture ; une remise maximale de 25% est autorisée uniquement pour l’achat de manuels scolaires (au sens strict) par les écoles. Le Gouvernement pourra décider de réduire dans un second temps cette remise eu égard à l’évolution du marché. ➢ Un organisme sera désigné par le Gouvernement pour récolter et rendre public gratuitement les informations indispensables au bon fonctionnement du marché du livre : date de mise en vente, prix, identification de l’éditeur, de l’auteur, ISBN… ➢ Une commission indépendante de règlement extrajudiciaire des litiges sera créée, auprès de l’administration, par le Gouvernement au terme d’un appel public à candidatures. ➢ Un comité d’accompagnement sera instauré pour accompagner la mise en œuvre du décret, répondre aux questions des associations professionnelles et proposer au Gouvernement des recommandations. ➢ Dans les trois ans après l’entrée en vigueur du présent décret et ensuite tous les trois ans, le Gouvernement évaluera les mesures d’encadrement du prix du livre. À partir du 1er janvier 2019 : mort annoncée de la tabelle Actuellement, dans les librairies francophones belges, un livre importé de France sur deux porte une petite étiquette masquant le prix imprimé sur la quatrième de couverture. Si vous la décollez, vous découvrirez que le prix initial fixé par l’éditeur a été augmenté de 10 à 17% en passant la frontière ! Cette différence s’explique par une majoration du prix appelée «tabelle» ou « mark up » pratiquée principalement par les deux plus importants distributeurs de livres. Elle était autrefois utilisée pour couvrir les frais de douane et les risques de change entre les francs belges et les francs français. Dans une même communauté linguistique, dans un même marché, dans une même zone monétaire, les arguments pour justifier cette majoration du prix du livre sont devenus anachroniques et difficilement défendables aux yeux du consommateur qui n’hésite pas, du coup, à acheter ses livres sur des sites de vente en ligne gérés par des librairies françaises ou des opérateurs internationaux qui, eux, ne pratiquent pas la tabelle. Grâce au décret, la majoration des prix pratiquée par les distributeurs de livres importés de France sera progressivement supprimée. De manière à permettre l’adaptation des acteurs du marché et éviter une dévalorisation brutale des stocks des livres tabellisés (tant chez les détaillants que chez les distributeurs), une période transitoire est instaurée : du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019, une tabelle maximale 8 % pourra être appliquée et du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020, ce taux sera réduit à 4 %. Les livres imprimés à partir du 1er janvier 2021 ne pourront plus être tabellisés du tout. Dernière étape L’État fédéral ayant gardé les compétences résiduaires pour les matières biculturelles et les institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-capitale (qui, en raison de leurs activités, ne peuvent pas être considérées comme appartenant exclusivement à l’une ou l’autre Communauté), le décret régulant le prix du livre en Communauté française et celui régulant la même matière en Communauté flamande ne couvrent pas tous les points de ventes de livres dans la Région bruxelloise. Un accord de coopération entre ces différentes entités est donc indispensable pour éviter toute distorsion de concurrence entre des détaillants situés…
Sciences et littérature: de la confrontation au rapprochement – et inversement
Il y a la littérature et il y a les sciences : voilà bien ce que, dès avant l’université, l’enseignement consacre. Entre ces deux options, il faut choisir. Tel élève est réputé doué pour les études littéraires, et tel autre pour les études scientifiques, et l’on célèbre celui ou celle qui excelle tout à la fois dans les unes et dans les autres. Ces deux domaines bien différenciés du savoir ne l’ont pourtant pas toujours été. Il fut un temps où les connaissances humaines étaient beaucoup plus homogènes, nettement moins fragmentées. Ainsi Aristote, savant philosophe à l’esprit encyclopédique qu’aucun domaine de la connaissance humaine ne laissait indifférent, a-t-il creusé bien des questions dans de multiples domaines – phénomènes naturels, éthique, métaphysique, politique. Plus près de nous, il y a cinq siècles, la Renaissance, qui a pourtant vu les connaissances commencer à se spécialiser, en offre encore quelques beaux exemples comme Léonard de Vinci. À ces époques, il aurait été absurde de tenter une confrontation entre disciplines, tout simplement parce que ces disciplines n’existaient pas : la constitution des champs disciplinaires auxquels nos préjugés attribuent parfois un parfum d’éternité, cette constitution date pour l’essentiel du XIXe siècle comme Bourdieu l’a bien montré, et elle va de pair avec l’approfondissement de la division du travail, même si elle a été amorcée plus tôt. On dit souvent – à juste titre, à nos yeux – que Galilée a fondé la physique. Non pas que personne avant lui ne se serait intéressé à la nature et n’aurait tiré de conclusions plus ou moins globalisantes des observations effectuées, mais bien au sens où il invente la pratique de l’expérimentation (pas seulement l’observation), et où il fait appel aux mathématiques pour traiter et interpréter ses résultats : un couplage dont l’épistémologie moderne a fait la pierre de touche d’une discipline nouvelle, la physique. Il est hautement significatif que son œuvre majeure, le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, publié en 1632, soit une œuvre qu’on qualifierait aujourd’hui de littéraire, puisqu’elle se présente sous la forme d’une fiction qui met en scène trois personnages imaginaires débattant avec acharnement. Quelques décennies plus tard, la forme des Principia de Newton (plus précisément, Philosophiæ naturalis principia mathematica) n’a plus rien à voir avec la légèreté et la vivacité du Dialogue galiléen : la discipline est constituée, son exposition codifiée, et les règles de fonctionnement de l’institution scientifique s’imposent à ceux qui entendent en faire partie. Ce découpage en catégories, qui n’a fait que se renforcer depuis lors, n’interdit cependant pas que des créateurs entreprenants placent un pied de chaque côté de la frontière – montrant ainsi que se consacrer à la recherche scientifique n’est pas renoncer à la littérature ou, si l’on préfère le prendre par l’autre bout, que se consacrer à l’œuvre littéraire n’exclut pas de chercher à comprendre rationnellement les mécanismes qui régissent notre univers : grand écart encore relativement fréquent au siècle des Lumières – que l’on pense notamment à Voltaire et à Diderot –, mais beaucoup moins pratiqué par la suite. Et pourtant, ces différents champs de l’activité créatrice s’interpénètrent, se nourrissant l’un l’autre, l’un de l’autre, et l’un par l’autre. Ces domaines du savoir et de la pensée humaines paraissent donc aujourd’hui bien éclatés, et la philosophie qui y jouait le rôle de ciment en interrogeant le monde et la vie semble bien s’être autonomisée et s’être distinguée elle-même en différentes branches qui en reflètent le clivage, philosophie des sciences, philosophie morale, logique, esthétique, etc. La complexification des savoirs scientifiques et des techniques artistiques va de pair avec leur spécialisation, séparant entre autres ce qui est du domaine de la rationalité de ce qui relève de celui de la créativité. Des intersections subsistent pourtant, dont celle de l’intuition, qui n’est pas la moindre. Essentielle dans la littérature, elle contribue à sa manière, de loin en loin, conjoncturellement, à débloquer bien des impasses dans lesquelles la rationalité, creusant sans cesse, pouvait se retrouver embourbée ou bloquée : quelle extraordinaire audace intuitive ne fallut-il pas aux explorateurs de la relativité et aux laboureurs des champs quantiques pour s’extraire des impasses où le classicisme newtonien, poussé dans ses derniers retranchements, avait confiné la physique de la fin du XIXe siècle ! Des points de rencontre subsistent donc toujours qui, à défaut d’être obligés, permettent à la littérature et à la science de se retrouver, voire, à défaut de mélanger les genres, ce dont il ne peut être question (cela ferait pour le moins… mauvais genre !), de se comparer, de se jauger, et, pourquoi pas, de s’acoquiner. Cette confrontation des sciences et de la littérature, de la littérature et des sciences, est bien dans l’esprit de l’interdisciplinarité perdue au milieu du sigle de l’association qui édite notre revue ! Elle est aussi une manière de rappeler que le neuf peut surgir d’alliages imprévus avec ces mots cernant des concepts, avec ces images enchantant notre langage – à moins que les mots soient ceux qui tissent les fictions, et les images celles qui sous-tendent les modèles scientifiques : les interactions ne sont décidément pas à sens unique. Encore nous fallait-il, dans cette perspective, éviter un écueil, celui sur lequel bute une certaine littérature qui se contente de cultiver paradoxes et énoncés déconcertants, sans arriver à s’emparer de la substance des idées réellement nouvelles que les sciences contemporaines ont engendrées, de sorte que le croisement est raté. La mécanique quantique fait l’objet d’une exploitation privilégiée dans cette veine spécieuse, sur base d’un sophisme qu’un logicien plus que débutant déconstruirait sans aucune difficulté : « les physiciens nous disent que la mécanique quantique est incapable de nous apprendre quoi que ce soit sur la réalité du monde (notamment parce qu’elle ne nous permet même pas de dire où se trouve une particule à un instant donné) ; or, je suis tout autant incapable d’expliquer tel phénomène difficile à comprendre (au choix, le désir sexuel, la liberté de conscience, la capacité de résister à la maladie, l’efficacité de telle thérapie…, biffez la mention inutile) ; c’est donc que le phénomène en question est quantique » – emballez, c’est pesé ! Cet enchaînement vertigineux n’a même pas besoin d’exporter là où ils n’ont pas cours, à l’échelle macroscopique, celle du monde sensible, les paradoxes dont la physique quantique est incontestablement riche au niveau subatomique : le monde est appréhendé à travers une vision (est-ce celle d’un certain post-modernisme ?) dont la seule cohérence repose sur l’affirmation de l’incapacité à le comprendre – tout est ou peut être son contraire, tout ce qui est matériel peut être ou devenir immatériel, et inversement. Il n’en reste pas moins, ce piège évité, que certains artistes sont fascinés par l’avancée des sciences, qui inspire leur démarche. Parfois très consciemment, lorsque ces avancées accompagnent le processus de création, en amont de l’accouchement, allant même jusqu’à le motiver. D’autres fois ces rapprochements sont le fait d’analystes, qui les découvrent a posteriori, en aval, en repérant des parallèles entre une œuvre et les idées scientifiques qui baignent son époque. La fascination qu’exerce la science sur les artistes s’exprime elle-même de façon polymorphe : elle nourrit les ouvrages de science-fiction, par définition et donc sans surprise, mais aussi l’exploration épistémologique des…