[Traduit du néerlandais par Christian Marcipont.] Le sort du réfugié est devenu un thème de la littérature contemporaine, y compris des lettres de langue néerlandaise. quels sont les auteurs qui, dans les plats pays, ont eu le courage d’aborder le thème du réfugié, montrant chacun à leur manière que la littérature peut apporter une plus-value parce qu’elle sait observer ce sujet sensible sous une multitude d’angles différents?
*
De nos jours , il est un thème – avec le climat et le terrorisme – qui domine et détermine l’actualité: celui de la migration. C’est surtout depuis les années 1990, qui voient le déclenchement de la guerre civile en ex-Yougoslavie, que la question des « réfugiés » en Europe est devenue un sujet aux nombreuses implications éthiques, politiques et sociales, et que les brasiers en Syrie et au Moyen-Orient ont rendu plus prégnant encore.
Il est devenu l’enjeu de campagnes électorales virulentes…
Les langues en indonésie. Pas de néerlandisation, mais une anglicisation
[ Traduit du néerlandais par Marcel Harmignies.] Les indonésiens sont extrêmement susceptibles quand il s’agit de leur territoire, mais n’ont jamais éprouvé le besoin de se battre pour leur propre langue. néanmoins, le néerlandais n’a jamais réussi à s’imposer dans les anciennes indes néerlandaises. * * * Une évolution de la langue indonésienne me chiffonne et me met mal à l’aise, il s’agit du mélange avec l’anglais. Au cours des quarante dernières années, de plus en plus de mots et d’expressions anglais ont été introduits, mais on éprouve moins le besoin de les transposer en indonésien. Les personnes que je qualifie d’anglicisées (keminggris en javanais) sont de plus en plus nombreuses. Comme si tous ces emprunts étaient généralement acceptés et compris par tout un chacun. Pourquoi les Indonésiens font-ils un tel méli-mélo de leur langue et sont-ils à ce point dépourvus de nationalisme linguistique? Pourtant, les Indonésiens ne sont-ils pas réputés pour le nationalisme qui les a délivrés du colonialisme néerlandais? Les réponses à ce genre de questions, on ne les obtient qu’en analysant plus de trois cents ans d’histoire coloniale. Colonisés par une entreprise Qui connaît l’histoire de l’Indonésie supposera peut-être que l’indonésien est plus proche du néerlandais que de l’anglais. Les Néerlandais ont quand même régné sur l’archipel trois siècles durant. Alors pourquoi les Indonésiens ne parlent-ils donc plus le néerlandais, tandis que dans le Timor oriental, petit pays voisin, le portugais est toujours utilisé ? Quand on appelait encore «malais» la langue indonésienne, elle cohabitait bien avec les langues locales et le néerlandais. J’ai été élevé par mes grands-parents à Malang, Est de Java, dans les années 60 et 70 du siècle dernier, et je baignais dans trois langues: le néerlandais, le javanais et l’indonésien. Mes grands-parents parlaient néerlandais entre eux car ils avaient fréquenté des écoles néerlandaises, et ils m’apprirent à le parler et à l’écrire. Mes premiers petits mots furent peut-être du néerlandais et non du javanais. Le javanais, je l’ai appris dans la rue, et il me fut ensuite enseigné à l’école, avec l’indonésien. J’ai appris cependant aussi à ne pas mélanger ces langues. Ma grand-mère soulignait que beaucoup de ceux qui parlaient javanais et indonésien ne comprenaient pas du tout le néerlandais. Plus tard, j’ai appris également à l’école l’anglais et l’allemand, mais les professeurs veillaient à nous éviter que nous mélangions les langues. Le faire était pécher par insuffisance linguistique. Je suis convaincu que ma maîtrise du néerlandais est une exception. Les gens de ma génération et de celle de mes professeurs ne le parlent guère. Seule la petite communauté des Indos, métis ayant choisi de rester en Indonésie après l’indépendance, l’utilise encore. Je parlais aussi néerlandais avec mes trois camarades de classe indos quand nous étions entre nous. Quand je suis parti en 1980 à l’université de Salatiga, Java central, j’ai pu continuer à le pratiquer avec les Indos et les enseignants néerlandais qui travaillaient là. Mais j’ai déjà remarqué alors que le nombre d’Indonésiens parlant encore le néerlandais diminuait rapidement, tandis que l’usage de l’anglais était précisément en plein essor. Lorsqu’en 1987 je me suis installé aux Pays-Bas pour travailler au département indonésien de Radio Pays-Bas internationale, je n’ai eu aucune peine à pratiquer le néerlandais. Il m’a suffi de deux semaines de cours chez les chanoinesses de Vught, dans le Brabant-Septentrional. Dans le cadre de mon travail, je n’avais pas à écrire en néerlandais. Je devais seulement être capable de traduire des dépêches du néerlandais en indonésien. Mon expression écrite en néerlandais s’en est trouvée négligée. Si je l’avais aussi appris à l’école, il en aurait sans doute été autrement. Aux Pays-Bas, je me suis consacré de plus en plus à l’histoire, surtout à ce que nous appelons l’époque néerlandaise (zaman Belanda). J’ai découvert que l’Indonésie est le seul pays où l’on ne parle plus la langue de l’ancien colonisateur. Dans les anciennes colonies britanniques de Malaisie et Singapour, on continue à parler l’anglais et beaucoup d’auteurs locaux écrivent dans cette langue. Aux Philippines aussi, qui furent cédées au XIXe siècle par les Espagnols aux Américains, de nombreux auteurs publient en anglais. Le Timor oriental, à la fin de l’occupation indonésienne, a choisi le portugais comme première langue nationale. De même, dans les anciennes colonies françaises du Maghreb, l’enseignement supérieur est toujours bilingue: arabe et français. L’auteur marocain Bensalem Himmich écrit ses romans en français et en arabe. En Indonésie, il n’est plus un seul auteur qui écrive en néerlandais. C’était déjà un peu ce qui se produisait durant l’époque néerlandaise. En néerlandais ne publièrent guère que Raden Adjeng Kartini (1879-1904), Noto Soeroto (1888-1951) et Soewarsih Djojopoespito (1912-1977). Leurs livres furent reconnus aux Pays-Bas aussi comme des œuvres littéraires, mais on peut les considérer comme des accidents de l’histoire. Je croyais initialement, conformément au fanatisme historique que j’avais apporté d’Indonésie, que le nationalisme indonésien avait évacué tout ce qui évoquait les Néerlandais. Le Soempah Pemoeda (Serment de la jeunesse), prêté en 1928 par les jeunes nationalistes, joua un rôle majeur en la circonstance. Il exhortait à: une terre, une nation et une langue. Mais peu à peu cette conviction disparut qui, à mon avis, est dépourvue de tout fondement historique. Ainsi je découvris que Soewarsih Djojopoespito publia son roman Buiten het gareel (Au-delà du harnais) en 1940, douze ans après le Serment de la jeunesse. Soewarsih aurait-elle dû l’écrire en indonésien pour rester fidèle à ce serment? Pourquoi a-t-elle pourtant rédigé son roman nationaliste dans la langue de l’oppresseur? Je me rendis compte alors aussi que mes grands-parents avaient continué de parler néerlandais jusqu’à leur décès. Par conséquent je suis convaincu que le Soempah Pemoeda n’est pas une raison suffisante pour expliquer la disparition du néerlandais en Indonésie. Au beau milieu de cette recherche, j’ai vu une interview de Benedict Anderson* à la télévision néerlandaise. Cette spécialiste réputée du nationalisme relevait que l’Indonésie est la seule colonie à avoir été administrée sans utiliser une langue européenne. Par ailleurs, l’Indonésie avait été colonisée non par un État, mais par une entreprise, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (Vereenigde Oost-Indische Compagnie ou VOC). Cette interview m’ouvrit les yeux. Pour la VOC, l’optimisation des profits était importante et les charges de la colonie devaient être contenues à un bas niveau. Naturellement, la VOC possédait aussi d’autres moyens pour générer des profits, comme le monopole des épices. Diffuser la langue néerlandaise aurait cependant aussi coûté de l’argent. Il revenait moins cher d’enseigner le malais, embryon de la langue indonésienne, aux proches collaborateurs que le néerlandais à toute la population. Quand la VOC fit faillite vers 1800, l’État néerlandais prit le relais, mais la politique linguistique de la compagnie fut poursuivie. Les Européens parlaient bien le néerlandais dans la capitale Batavia, et le portugais se trouva relégué derrière le malais en position de seconde langue utilisée, mais l’usage du néerlandais ne fut pas encouragé. On invoquait comme prétexte le fait que les Indes néerlandaises possédaient déjà…
Le commencement de quelque chose (in Littérature - Literatur)
Basculer. Comme une terre retournée. La vie au fond, la mort dessus. Je le sais. Jadis, on retournait la terre au plus abyssal. On appelait des herbes « mauvaises ». On fabriquait du fétide. On était debout sur le tracteur, conquérant, face au vent, la main levée. Le sens, c’était le sillon. Droit, profond, droit. Toute la main de l’Homme mise sur la nature, en cloche bruyante de Corybantes. Toute la nature dépullulée, juste pulée par manie de l’Homme, depuis tête de l’Homme, en copié-collé d’image dans tête de l’Homme, purement, totalement Homme. C’était le pur de la nature, c’est-à-dire la nature pure produit de la main, de la tête de l’Homme. Avec l’intelligence de l’Homme, s’essayant à l’intouchabilité du label « Pur Esprit », Pur, Pur, Pur, s’extirpant en rêve de son appartenance au grouillant dégoûtant, tentant de couper le cordon, de s’affranchir, de se déconnecter, avec force nucléairesque, de son corps et de son socle terrestre – de ses cohabitants, animaux, végétaux, minéraux. Avec sa science microlorgnique, avec sa machine macromordeuse. Avec sa vitesse, efficiente, effarante, effaceuse. C’était Pure Maîtrise de Homme. C’était tout de go l’arasement de la vie. Et bientôt même celle de Homme. Mais Homme, il ne le savait pas. Peut-être oubliait de le savoir. Homme a fait de même avec toutes les cultures, avec toutes les sortes de cultures. Homme a fait de même avec les langues, avec les langages. Homme a fait de même avec les façons multiples des gens. Homme a fait de même avec la sculpture, avec la peinture, et le dessin, et le théâtre et la musique et la poésie. Homme a fait encore de même avec ceux qui exposent gratuitement les arts. Homme est tout seul. Parfois Homme est quelques uns, tout juste quelques uns. Les gens se demandent où vont les choses. Les gens se demandent si ce n’est pas la fin. La fin des cultures ou même la fin des gens. Homme n’entend pas les gens. Ne veut pas. N’en a cure. Sait. Homme sait. N’a pas besoin des gens. Homme, docte, dicte. Homme tranche, taille, élague, écarte, épure. Homme ne conserve que quelques tableaux, que quelques poèmes, que quelques langues. Homme s’en fout. Il dit que Dieu lui a dit. Ou se dit que, sans dieux, ce serait alors Lui-Même qui dit. Lui le Dieu. En confortable monothée. Beaucoup de gens savent ceci : « Quand le barrage n’abreuve plus l’oued, l’oued n’est pas fini. » Beaucoup de gens savent cette histoire : « Un jour des gens ont planté des arbres. Beaucoup de gens. Beaucoup d’arbres. Beaucoup de petits arrosoirs. Peut-être était-ce des gens, peut-être d’autres créatures. Un fourmillement a sculpté la forêt. Et les arbres ont séduit les nuages. Et la pluie est venue. » Basculer. Comme bousculer les habitudes. Comme on mit un terme un jour au labour abyssal. La mort au fond, la vie dessus. Comme laisser pousser les herbes. Sans les qualifier : ni de « bonnes », ni de mauvaises. Post Scriptum La fin d’une œuvre, la fin d’un œuf ? La fin de l’œuf n’est pas la fin de la poule. La fin de la poule n’est pas la fin de l’œuf. Il y a beaucoup de poules cachées. Il y a toujours une poule qu’on n’a pas débusquée. Il y a toujours un microbe qui fabriquera un jour une descendance qui s’en ira vers un œuf qui s’en ira vers une poule qui s’en ira vers un œuf. Dominique Massaut, 5 septembre 2016 * DER ANFANG VON ETWAS (traduction allemande par Bruno Kartheuser) Umkippen. Wie umgegrabene Erde. Das Leben unten, der Tod drüber. Ich weiß es. Früher grub man die Erde unendlich tief um. Die Gräser nannte man „Unkraut“. Man stellte Übelriechendes her. Man stand auf seinem Traktor, als Eroberer, dem Wind zugewandt, mit erhobener Hand. Der Sinn war die Furche. Gerade, tief, gerade. Die ganze Hand des Menschen legte sich auf die Natur, wie eine lärmende Glocke von Korybanten. Die ganze Natur entvölkert, eben mal durch Menschenhand manipuliert, ausgehend vom Kopf des Menschen, als Kopie des Bildes im Kopf des Menschen, nur Mensch, vollständig Mensch. Es war die reine Substanz der Natur, die reine Natur von Hand gefertigt, aus dem Kopf des Menschen. Mit der Intelligenz des Menschen, sich messend an der Unberührbarkeit des Labels „Reiner Geist“. Rein, rein, rein, sich im Traum befreiend aus seiner Zugehörigkeit zum abstoßenden Gewimmel, bemüht, die Nabelschnur zu durchtrennen, sich zu befreien, sich mit nuklearesker Kraft abzukoppeln von seinem Körper und seinem irdenen Sockel, von seinen Mitbewohnern, den Tieren, Pflanzen, Mineralen. Mit seiner mikroschielenden Wissenschaft, seiner makrofressenden Maschine. Mit seiner wirkungsvollen, verstörenden, auslöschenden Geschwindigkeit. Es war die reine Herrschaft des Menschen. Es war das radikale Schleifen des Lebens. Und bald sogar des Menschen. Aber Mensch wusste es nicht. Vielleicht vergaß er, es zu wissen. Mensch hat dasselbe mit allen Kulturen, mit allen Arten von Kulturen gemacht. Mensch hat dasselbe mit den Sprachen, den Ausdruckformen gemacht. Mensch hat dasselbe mit den unterschiedlichen Lebensweisen der Leute gemacht. Mensch hat dasselbe mit der Skulptur, der Malerei, der Zeichenkunst, dem Theater, der Musik und der Poesie gemacht. Mensch hat auch dasselbe mit denen gemacht, die gratis Kunst ausstellen. Mensch ist ganz allein. Manchmal ist Mensch einige Menschen, gerade ein paar. Die Leute fragen sich, wohin die Dinge sich entwickeln. Die Leute fragen sich, ob das nicht das Ende ist. Das Ende der Kulturen oder sogar das Ende der Leute. Mensch hört die Leute nicht. Will nicht. Sorgt sich nicht darum. Er weiß. Mensch weiß. Hat die Leute nicht nötig. Mensch diktiert, allwissend. Mensch schneidet, hackt, beschneidet, beseitigt, säubert. Mensch bewahrt nur wenige Gemälde, wenige Gedichte, wenige Sprachen. Mensch pfeift drauf. Er sagt, Gott habe ihm gesagt. Oder sagt sich, dass ohne Götter Er Selbst derjenige wäre, der sagt. Er Gott. Als bequemer Monotheist. Viele Leute wissen : „Wenn der Stausee das Wadi nicht mehr tränkt, ist das Wadi nicht zu Ende.“ Viele Leute kennen diese Geschichte: „Eines Tages haben die Leute Bäume gepflanzt. Viele Leute. Viele Bäume. Viele kleine Gießkannen. Vielleicht waren es Leute, vielleicht andere Kreaturen. Ein Gewimmel hat den Wald geformt. Und die Bäume haben die Wolken verführt. Und der Regen ist gekommen.“ Kippen. Wie die Gewohnheiten brüskieren. Wie man eines Tages der abyssalen Arbeit ein Ende gesetzt hat. Der Tod unten, das Leben drüber. So wie man Gräser wachsen lässt. Ohne sie zu bewerten: weder gute Kräuter, noch „Unkraut“. Post Scriptum Das Ende eines Werks, das Ende eines Eis? Das Ende des Eis ist nicht das Ende des Huhns. Das Ende des Huhns ist nicht das Ende des Eis. Es gibt viele verborgene Hühner. Es gibt immer ein Huhn, das man noch nicht aufgescheucht hat. Es gibt immer eine Mikrobe, die eines Tages eine Nachkommenschaft zeugt, die zu einem Ei geht, das zu einem Huhn geht, das zu einem Ei geht. © Dominique Massaut, 2016 Übersetzung…