Le parti de l’étranger. L’Image du «réfugié» dans la littérature néerlandophone d’aujourd’hui

[Traduit du néerlandais par Christian Marcipont.] Le sort du réfugié est devenu un thème de la littérature contemporaine, y compris des lettres de langue néerlandaise. quels sont les auteurs qui, dans les plats pays, ont eu le courage d’aborder le thème du réfugié, montrant chacun à leur manière que la littérature peut apporter une plus-value parce qu’elle sait observer ce sujet sensible sous une multitude d’angles différents?
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De nos jours , il est un thème – avec le climat et le terrorisme – qui domine et détermine l’actualité: celui de la migration. C’est surtout depuis les années 1990, qui voient le déclenchement de la guerre civile en ex-Yougoslavie, que la question des « réfugiés » en Europe est devenue un sujet aux nombreuses implications éthiques, politiques et sociales, et que les brasiers en Syrie et au Moyen-Orient ont rendu plus prégnant encore.
Il est devenu l’enjeu de campagnes électorales virulentes…

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Eloge de la perméabilité: regards francophones sur les Plats-Pays. (Adrienne Nizet)

Il est tout à fait possible , dans l’étonnant petit pays qu’est la Belgique, de passer 30 ans sans entrer en contact, ou presque, avec « la néerlandophonie ». C’est mon cas. Un parcours scolaire sur les hauteurs de Liège, avec pour langues d’études, dans l’ordre, l’anglais, l’allemand et l’espagnol, des études supérieures en journalisme à Bruxelles sur une même lancée, avec l’anglais et l’allemand pour bagages, et un début de carrière dans un environnement majoritairement francophone m’ont amenée à fêter mes 30 ans avec pour seules connaissances de la langue de mes plus proches voisins quelques comptines (Een twee drie vier, hoedje van, hoedje van, een twee drie vier, hoedje van papier), un mot d’excuse passe-partout (Sorry, ik spreek geen Nederlands, mag ik in het Frans praten) auquel l’interlocuteur, habitué, répondait en français dès le troisième mot et pas mal d’idées caricaturales (cf. Les Flamandes de Jacques Brel). Même si, comprenons-nous bien, il n’y a jamais eu, ni de ma part ni de celle de mes parents, de mes professeurs ou de mes employeurs, la volonté de ne pas (m’) apprendre le néerlandais. Simplement, le besoin ne s’en est jamais fait sentir. Pendant 30 ans. C’est, sans grande surprise quand on y pense, la littérature qui a mis fin à cette apparente imperméabilité. Mon arrivée en janvier 2015 à Passa Porta, maison internationale des littératures à Bruxelles, lieu par excellence d’échanges entre les langues et les cultures, requérait par définition une plongée immédiate dans cette «néerlandophonie» méconnue. Une période d’immersion intensive (facilitée quoi qu’en disent certains par mes acquis en langue allemande) m’a permis d’obtenir rapidement une compréhension passive de la langue de mes nouveaux collègues et de leur environnement et, petit à petit, grâce à leur bienveillance et à ma volonté d’incarner le projet sous toutes ses facettes, d’en percevoir les nuances et de me mettre à la pratiquer assidûment. «Fais des phrases courtes» D’autres que moi se sont attelés, avec plus d’expertise, à mettre en parallèle les structures différentes du français et du néerlandais, et à étudier l’impact que peut avoir l’usage d’une langue sur la structure du cerveau, de la pensée, du raisonnement. Je n’en ferai donc pas ici l’exposé, ce n’est d’ailleurs pas le sujet. Mais ce qui marque directement, lorsque, en tant que francophone, l’on s’immerge dans le néerlandais, c’est l’extrême rationalité de la construction des phrases, voire des mots. Enormément de mots sont composés de deux autres, simplement juxtaposés: de boekenkast pour la bibliothèque (mot qui en français désigne tant le meuble que le lieu), de lampenkap pour l’abat-jour (on gagne en efficacité, on perd en poésie), de zonsondergang pour le crépuscule, de overlast pour l’inconvénient, eigenzinnig pour têtu, etc. Pour faire court, la langue néerlandaise est bien plus directe que ne l’est le français. Un des meilleurs conseils qui m’a été donné pour me l’approprier est d’ailleurs celui-ci: «Fais des phrases courtes». Avec la langue vient toujours la culture, et c’est sans doute cela qui rend le travail de et à Passa Porta si intense, et crucial simultanément. La littérature est, par essence, liée à la langue. Pour appréhender celle de l’autre il faut ou pouvoir la comprendre dans ses moindres recoins, avec toutes ses subtilités et ses nuances, ou de brillants traducteurs capables de le faire pour nous. Mais il faut, avant tout, de la curiosité (nieuwsgierigheid, encore un joli mot). Et celle-ci a parfois besoin d’être suscitée. Voire exigée. La mettre en partage demande d’ôter son imperméable. Hommage aux traducteurs Je me rappelle avec précision ma première émotion littéraire en néerlandais. Elle a cela de particulier qu’elle est née d’une traduction (mais est-ce un hasard?). Celle du Canto General de l’immense Pablo Neruda par Bart Vonck, dont des extraits avaient été lus, lors de la soirée de lancement de l’ouvrage, par Annemie Tweepenninckx (une bekende Vlaming inconnue de moi jusque-là...). Il ne fallait pas connaître, alors, la langue néerlandaise dans ses moindres recoins (pas plus que l’espagnol d’ailleurs) pour percevoir l’immense émotion délivrée par les mots du Chilien. Mais entendre la poésie dans une autre sonorité lui offrait une nouvelle saveur. La littérature, donc, comme porte d’entrée dans la «néerlandophonie». Il me faut ici revenir, en partie, sur ce que j’ai écrit plus haut. Car si ma connaissance du néerlandais était réduite à son minimum pendant les trois premières décennies de ma vie, je n’étais pour autant - et heureusement - pas passée à côté de tous les auteurs néerlandophones contemporains. Qu’il soit ici rendu hommage aux traducteurs. Les livres de Dimitri Verhulst (l’inoubliable Merditude des choses, tellement plus drôle que le film, pourtant également réussi - traduction de Danielle Losman) XX et de Tom Lanoye (La Langue de ma mère - traduction d’Alain van Crugten) XX faisaient déjà partie de mes lectures. David Van Reybrouck aussi, bien sûr, était loin d’être un inconnu, puisqu’il est régulièrement traduit et joué (Congo, traduit par Isabelle Rosselin) XX , et Stefan Hertmans est souvent mis en avant depuis la sortie de Guerre et térébenthine chez Gallimard (traduction par la même Isabelle Rosselin) XX . Mais au-delà de ces figures de proue, il faut bien admettre que peu de noms passent la frontière linguistique. L’inverse est vrai aussi, et la rengaine est connue. Combien de Flamands, au-delà des cercles d’initiés, peuvent citer d’autres auteurs belges francophones vivants que, disons, Jean-Philippe Toussaint, Amélie Nothomb et Caroline Lamarche? Or des Patrick Declerck, Thomas Gunzig, Nathalie Skowronek, Geneviève Damas, Barbara Abel, Corinne Hoex, Kenan Gorgun, Laurent Demoulin, Emmanuelle Pirotte, Hubert Antoine, Jean-Luc Outers, etc. gagneraient sans aucun doute à être connus. Tout autant que Jeroen Olyslaegers XX , Lize Spit XX ou Maud Vanhauwaert XX dans le sens inverse, d’ailleurs. Leurs récentes traductions vers le français (éditées en France, pour deux d’entre eux) y aideront peut-être. Ce constat de non-connaissance de l’autre s’applique également aux médias, suivis en fonction de la langue par l’une ou l’autre partie de la population. Ainsi, ce sont rarement les mêmes titres qui font l’actualité des deux côtés de la frontière linguistique. Et ce même à Bruxelles... C’est cela, sans doute, qui m’a le plus surprise. De réaliser que cette forme d’imperméabilité qui avait été la mienne ne s’affaissait qu’en quelques points précis, et restreints, même chez ceux qui maîtrisaient les deux langues. Et que, dans une large mesure, alors que nous partagions un quotidien similaire, pour la plupart dans la même ville, les auteurs qui nous faisaient réagir simultanément, mes collègues néerlandophones et moi-même, étaient... américains. Le cas Paul Auster Mais revenons à la «néerlandophonie», puisque Paul Auster n’est pas le sujet de cet article. À moins que... Lorsqu’un livre sort en anglais, sa traduction est «quasi immédiate» en néerlandais. Y aurait-il plus d’intérêt pour ses ouvrages du côté néerlandophone qu’en Belgique et en France? Les traducteurs vers le français seraient-ils plus lents? Ni l’un ni l’autre, selon moi. Mais les éditeurs néerlandophones savent que, s’ils attendent trop, leurs potentiels lecteurs se rueront sur la version anglaise du texte, langue que ceux-ci maîtrisent en règle générale parfaitement. Donc, pour s’éviter de piteuses ventes, mais aussi pour offrir à leurs lecteurs toutes les nuances du texte (insistons à nouveau sur le rôle des traducteurs), ils mettent le turbo pour pouvoir sortir leur version dans les meilleurs délais. Prenons Paul Auster, précisément. Le très attendu…

Au cœur des guerres, un roman monde de Claudio Magris

À Trieste, un homme , jamais nommé, décide de créer un musée de la guerre, afin, pense-t-il, de préserver la paix. Il collecte et amasse tout un matériel d’origines diverses: tanks, mitrailleuses, canons, fusils, mais aussi armes blanches venues de contrées lointaines et uniformes variés. Le tout s’entasse dans un hangar. Ce «il» mystérieux récolte aussi des inscriptions, des traces, des graffitis, qu’il copie dans des carnets. Un jour, un incendie détruit le hangar, notre homme y perd la vie et ses carnets brûlent. Mais le projet ne disparaît pas. Une jeune femme, Luisa Brooks, fille d’un pilote afro-américain et d’une Juive triestine, lui succède et le musée prend forme. De salle en salle, nous assistons à la mise en place méthodique de toutes les panoplies guerrières, à travers siècles et continents. Et à partir d’une arme, sophistiquée ou rudimentaire, naissent une foule de récits, où le collectif croise l’individuel. L’épopée des conquistadors, les Caraïbes à feu et à sang, la traite des noirs, le massacre des Indiens, la résistance en Tchécoslovaquie et enfin Trieste. Trieste où en avril 1945, s’affrontent, dans une incroyable confusion, nazis, titistes, communistes italiens, fascistes dans un combat final. Mais qu’était Trieste pendant la guerre? Et qu’est-il advenu de l’importante communauté juive? Et où est morte Deborah, la grand-mère de Luisa? Une seule réponse: la Rizerie de San Sabba. Dans une ancienne usine où l’on décortiquait le riz, les Allemands ont installé un camp de concentration géré par les SS. Une chambre à gaz artisanale, des fours crématoires, rien n’y manquait. Mais qui le sait encore en Italie? C’est là que fut assassinée la grand-mère de Luisa, comme des milliers de détenus, antifascistes, juifs, exterminés à domicile, ou envoyés à l’Est, pour une mort plus industrielle. Sur les murs de la Rizerie, figuraient les griffonnages des détenus: des noms, non pas des assassins, mais des personnages plus flous, aux profils incertains: délateurs, complices. Puis la chaux est passée par-là, plus de traces. Sauf dans quelques carnets du concepteur du musée, qui s’était mis en tête de retrouver ces seconds couteaux, et le mot est de circonstance. Des pages précises, quasi scientifiques, qui n’omettent aucun détail des objets exposés, des topographies exotiques, une litanie de noms de tribus indiennes, des descriptions savantes de plantes et d’insectes, des images saisissantes, comme cet amoncellement de cactus chez un botaniste tchèque dans Prague occupée, car les plantes aussi peuvent être des armes, et puis les langues: serbo-croate, tchèque, anglais, créole, espagnol, envahissent les pages, et parfois un shlimazel surgit, donc le yiddish aussi… Et tout cela fait style, une écriture rigoureuse ou torrentielle, colorée, chatoyante. Mais que nous dit Magris? Qu’exprime-t-il? Une réflexion amère et inquiète sur un monde où certains protagonistes gardent leur ambiguïté, alors que d’autres se recyclent en d’honnêtes commerçants et où les infamies se dissolvent dans les relations mondaines. Figure majeure des lettres italiennes, Claudio Magris incarne une voix singulière, encore mitteleuropéenne, écho de Trieste, ville plurielle, mythique et extraordinaire terreau littéraire.   © Tessa Parzenczewski, 2018 Classé sans suite, roman de Claudio Magris, traduit de l’italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau, Gallimard coll. "L’Arpenteur" domaine italien, 472…