Le tandem de Cuistax. Rencontre avec Fanny Dreyer et Chloé Perarnau

En janvier 2013 apparait sur les tables de librairies bruxelloises un étonnant fanzine pour enfants. Imprimé en bleu et rouge, le Cuistax numéro zéro débarque comme « une boite de chocolats de Noël qui arrive en retard » XX , c’est-à-dire comme une délicieuse surprise au creux de l’hiver. Onze auteures/illustratrices bruxelloises y racontent des histoires de chaussettes, proposent un tour de magie, un zoo à découper, expliquent la recette du cougnou ou tracent un ciel polaire à colorier.
Depuis ce numéro inaugural, deux Cuistax paraissent chaque année. Ce joyeux magazine, ludique et graphiquement audacieux, tient grâce à la volonté de ses deux fondatrices, Fanny Dreyer et Chloé Perarnau, ainsi qu’à l’enthousiasme d’artistes qu’elles côtoient. Comme sur les voiturettes bien connues des digues belges, ils sont nombreux à pédaler pour faire avancer Cuistax. Nous avons rencontré le tandem dynamique qui le coordonne. Origine d’un collectif
Fanny…

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Vie du livre : La librairie labellisée, un lieu de qualité pour le lecteur et la promotion du livre

Poussez les portes des librairies labellisées ! Vous serez certain d’y trouver l’accueil digne du lecteur que vous êtes. La fête du livre y est perpétuelle : rencontres avec des auteurs, des illustrateurs, des éditeurs, heures du conte, ateliers thématiques, clubs de lecture pour tous les âges, expositions, séances de dédicaces, nocturnes... l’imagination est au pouvoir. Depuis 2007, un label des librairies contribue à valoriser un métier essentiel à la vie culturelle en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Actuellement, 54 librairies sont labellisées en Wallonie et à Bruxelles (v. la liste en bas de page* ). Vous les identifierez grâce au logo du label qu’elles affichent. Onze critères, définis en concertation avec le Syndicat des libraires francophones de Belgique, permettent de déterminer les bénéficiaires du label « le libraire ». Ces critères ont fait l’objet en juillet 2013 d’un arrêté du Gouvernement de la Communauté française fixant le règlement d’usage et de contrôle de la marque « le libraire ». Ils peuvent se résumer en quelques mots clés : Primauté du livre, accueil par des libraires professionnels bien outillés et formés, acceptant la commande à l’unité et proposant un assortiment de nouveautés, d’ouvrage de fonds et de titres d’auteurs belges sans restriction de distributeur ou de maison d'édition. Ce label donne accès aux aides de la FWB qui sont principalement de trois ordres : des subventions pour l’organisation de rencontres littéraires et pour des abonnements à des outils bibliographiques professionnels, ainsi que des prêts sans intérêts pour l’aménagement et l’équipement des lieux. En 2016, la FWB a financé 314 animations littéraires dans 33 librairies labellisées et ceci ne représente qu’une petite partie du programme culturel développé par les libraires dans leurs murs ou en partenariat avec des théâtres, des centres culturels, des festivals, des écoles... La lecture : un enjeu global et territorial Pour qu’écoles, bibliothèques publiques, centres culturels mais également auteurs et éditeurs puissent agir ensemble pour le développement de la lecture, le déploiement d’un réseau dense de librairies indépendantes est essentiel. La lecture est un enjeu global et territorial capital : là où se développent bibliothèques et librairies, la démocratie se renforce. Les mandataires politiques qui s’emparent de cet enjeu territorial fort contribuent au vivre ensemble grâce au livre et à la lecture. Cette volonté politique peut notamment se concrétiser par le choix des critères d’attribution de marchés publics d’achat de livres permettant un véritable partenariat entre écoles, bibliothèques, centres culturels d’une part et librairies indépendantes d’autre part. Un accord-cadre Les collectivités locales et pouvoirs organisateurs des bibliothèques mais aussi des écoles sont confrontés à la passation de marchés publics de livres sans être toujours outillés pour fonder leur sélection sur des critères de qualité. C’est donc souvent le taux de remise qui détermine le choix. Dans cette logique, les librairies sont amenées à forcer leurs ristournes, risquant ainsi de mettre leur commerce en difficulté et les collectivités locales sont conduites à sélectionner des fournisseurs peu performants, voire défaillants. L’accord-cadre portant sur un marché de fournitures de livres (imprimés et numériques) du Ministère de la Communauté française vise à mettre fin à cette situation. Ce vaste marché public est accessible à tous les services de la Fédération Wallonie-Bruxelles mais également aux 102 pouvoirs adjudicateurs bénéficiaires qui s’y sont ralliés (villes, communes, pouvoirs organisateurs de bibliothèques...). Ce marché a été attribué en janvier 2017 à l’Association momentanée de libraires indépendants (AMLI) pour une durée de quatre ans. Cette association est composée de 50 librairies réparties sur tout le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les différents pouvoirs adjudicateurs pourront donc commander indifféremment dans ces établissements sans limitation d’aucune sorte et selon leur nécessité du moment. Par cet accord-cadre, la Fédération Wallonie-Bruxelles renforce son soutien aux bibliothèques publiques et au secteur de la librairie. Un décret pour soutenir entre autres les librairies Le réseau de la librairie indépendante, véritable poumon culturel et économique local, a été parfois mis à mal ces dernières années par différents mouvements économiques. Il revient aux autorités publiques de soutenir ce réseau constitué souvent de toutes petites entreprises pour maintenir la liberté de choix du lecteur, la profusion et la diversité culturelles, aux profits des auteurs, des éditeurs et de tous les citoyens, mais aussi pour éviter le processus de concentration tel qu’il s’est développé au Royaume-Uni, en Italie, en Flandre où les librairies indépendantes disparaissent au profit de chaînes qui influencent de manière restrictive les choix éditoriaux des éditeurs. Le projet de « Décret relatif à la protection culturelle du livre » est actuellement examiné par le Conseil d’État. Il devrait être voté fin 2017 pour entrer en application en 2018. Il a pour finalité de construire, en Fédération Wallonie-Bruxelles, une politique de soutien à la création, à la diffusion et à l’accessibilité des livres en limitant les remises autorisées et en abolissant la pratique de la « tabelle » ou mark-up (surcoût appliqué au prix des livres importés de France). Il a été rédigé après une concertation menée avec les associations professionnelles (la Maison des auteurs, l’Association des Éditeurs belges, le Syndicat des Librairies francophones, ProDiPresse, Espace Livre & Création) et les instances d’avis compétentes en la matière (le Conseil du Livre, le Conseil des Bibliothèques Publiques, la Commission d’Aide à l’Edition, la Commission d’Aide à la Librairie) et entend répondre aux demandes légitimes du secteur du livre. Parmi les nombreuses motivations exprimées par celui-ci, on relèvera notamment la protection de la diversité culturelle, la démocratisation du livre et la promotion de la lecture, la suppression de la « tabelle » devant mener à une diminution du prix payé par les consommateurs pour l’achat de livres édités en France (soit plus de 70% des livres achetés en Belgique francophone), une juste concurrence entre les librairies, les grandes surfaces et les sociétés de vente en ligne. « Le présent dispositif veut inscrire, dans les outils législatifs de la Communauté française, une mesure de politique culturelle globale visant le soutien aux acteurs du livre et plus spécifiquement aux créateurs (auteurs, illustrateurs, traducteurs...) et aux diffuseurs culturels que sont les différentes catégories de détaillants, et en particulier les libraires de premier et second niveaux. Il vient renforcer la politique du livre développée, entres autres, grâce au "Plan Lecture" (lutte contre l’illettrisme et le décrochage scolaire, promotion de la lecture dès le plus jeune âge...) »  (extrait de l’exposé des motifs de l’avant-projet de décret) Le décret devrait ainsi définir les acteurs autorisés à déterminer le prix des livres (imprimés et numériques) vendus en Communauté française ; il devrait également fixer les limites des variations de prix, à la hausse comme à la baisse, en pourcentage et leur cadre temporel ; il déterminera les dérogations accordées pour l’achat de livres par certains organismes. Cette régulation du livre devrait permettre de faire respecter le prix créé par l’éditeur qui en gardera la maîtrise. Tous les détaillants pourront être en concurrence, non plus sur les taux de remise sans rapport avec la valeur réelle du livre, mais bien sur la fiabilité des services fournis, la variété, la disponibilité…

Le souffle du poète

Dans le petit volume intitulé « La poésie est-elle un mensonge ? », 70e numéro…

Regarder la société par le prisme de la citoyenneté

Laurence Van Goethem :  Pour toi, Sam, qu’évoque le mot diversité ? Sam Touzani : Je n’ai pas choisi la diversité, c’est la diversité qui m’a choisi. Il faut dépasser le cadre politique pour véritablement parler de la diversité. Au risque de choquer, à la diversité je préfère l’égalité. C’est parce que nous sommes égaux en droits et devoirs, parce que nous sommes citoyens que vous pouvez me parler de votre différence et que moi je peux vous parler de la mienne. S’il n’y a pas ce postulat de base, on ne peut pas fonctionner et on devient toujours l’objet d’études ou l’enjeu d’un tiers. Je constate ça depuis un quart de siècle. Comme je dis, la diversité m’a mal choisi. J’ai été le premier jeune issu de l’immigration marocaine à faire de la télévision, donc à être visible à la fois sur les antennes du service public et sur les scènes de théâtre au nord comme au sud du pays. Il y avait des dizaines de Marocains et de Turcs d’origine, mais après 17h, qui venaient nettoyer les bureaux. Il n’y avait personne devant la caméra. Il y avait des émissions destinées à la communauté maghrébine sur la RTBF au début des années 1970, style Mille et une cultures, Sinbad. Mais elles étaient pensées par le prisme ethnicoreligieux du communautarisme et souvent, et c’est là le gros problème qui est très tabou en Belgique, par le prisme des pays d’origine, soit la Turquie, soit la dictature marocaine. Il est temps de quitter la posture victimaire, soyons clairs. En fait, je suis assez en colère sur ce qu’il se passe depuis 25 ans parce que nous collaborons clairement avec des dictatures que ce soit l’Arabie Saoudite ou le Maroc, les Émirats... et nous laissons délibérément pourrir certains quartiers, mais ce que nous oublions, c’est que la diversité va dans les deux sens. Nous devrions regarder la société par le prisme de la citoyenneté. Si nous sommes citoyens, alors nous sommes à parts égales. À force de revendiquer des particularismes effrénés, il me semble que ça remet en cause le principe même d’égalité. Plus vous dites « je suis différent », plus votre différence devient un handicap et non une richesse. En revanche, elle n’est pas intégrée, il faut le reconnaître, sur les scènes de théâtre ni à la télévision ni au cinéma. C’est très simple, j’ai commencé à tourner des films et téléfilms dés 1992, mes rôles toujours le même, le mec des ghettos qui vole, viole, et violente tout sur son passage. Bref, je jouais à l’Arabe de service avec casquette, baskets et pas grand-chose dans la tête. Après cette expérience, j’ai dit non à ce type de rôle par choix. C’était en 1992, nous sommes en 2017 et bien, je ne tourne presque plus. Malheureusement, encore aujourd’hui et l’actualité n’arrange rien, ce qu’on me propose majoritairement, c’est de jouer le djihadiste ou les petites frappes. Une fois, ça va, deux fois ça va, mais après, je n’en peux plus, car c’est réduire une personne à un cliché et l’on sait que l’essentialisation est dangereuse, car elle catégorise et vous assigne à résidence culturelle ou, pire, « religieuse ». Ce qui est tout de même un peu stupide lorsque l’on sait que le principe même d’un acteur c’est de jouer à être quelqu’un d’autre et non pas le même rôle à chaque fois ! LVG : Et pour en revenir aux origines, à la télévision, pourquoi avais-tu été choisi justement, à ce moment-là ? ST : Alors, c’est ça qui est intéressant. Je n’ai pas été choisi pour mes origines « difficiles » (rire), j’ai été choisi pour mes capacités à présenter une émission destinée à la jeunesse. Donc, ça fait quand même une différence. On ne parlait pas du tout à l’époque de diversité. La production RTBF a fait un casting, j’ai passé toutes les épreuves et j’ai été sélectionné sur 150 candidats. Il faut tout de même reconnaître qu’avec le recul, je pense que j’ai aussi été sélectionné parce que le concepteur de l’émission (Yves Crasson) était à l’écoute de cette diversité, mais c’était intuitif, ça ne portait pas ce nom-là. D’abord parce que lui-même souffrait d’une minorité, provenant de la minorité homosexuelle, donc il comprenait déjà bien les dégâts d’un système basé sur l’exclusion. Il a été sensible également à un jeune Bruxellois d’origine marocaine et qui, pour la première fois, s’adressait à tout le monde sur une chaine publique. Nous sommes en 1992, je vous rappelle, et je venais juste de faire une émission sur Arte qui s’appelait « Étranges étrangers », qui parlait justement de cette thématique-là ; je constate 25 ans après que peu de choses ont changé. Je parlais de cela à l’époque sur Arte, du manque de représentations, du cas des réfugiés, du petit château, du manque de parité homme / femme et de la difficulté que rencontrent les artistes belges à émerger en dehors des grands théâtres subventionnés. Un quart de siècle après, oui il y a certes eu des efforts, j’en veux pour preuve un programme comme Vogelpik que produit Safia Kessas, auquel j’ai participé. Je me suis retrouvé en totale immersion pendant une semaine, avec ma gueule de bronzé, chez un nationaliste Flamand, pêcheur de crevettes de son état. Néanmoins, ce type de projet basé sur la force de l’échange est rare, ou alors, ils sont malencontreusement guidés par des politiques qui caressent dans le sens électoral du poil, en subventionnant des projets communautaristes, parfois en désaccord total avec nos valeurs progressistes et laïques. Je suis issu d’une famille d’opposants politiques marocains, j’observe en tant que citoyen et artiste belge le rapport très délicat et ambigu que nous avons avec les pays du Sud. Et puis, nous sommes dans une culture bourgeoise, alors j’aime bien les bourgeois parce qu’ils ont fait toutes les révolutions quelque part (rire), mais c’était sans compter les islamo-gauchistes, indigénistes, populistes et autres antiracistes racistes, eh oui, ça existe ! Qui n’ont de cesse de polluer le débat, de « racialiser » et de catégoriser la société. Ces nouveaux intellectuels compassionnels et anciens politiques boulimiques de pouvoir nous annoncent haut et fort qu’ils souhaitent lutter contre les préjugés et les discriminations, alors qu’en réalité, ils ne font que les réorganiser avant les prochaines élections. Alors, vous comprenez que dans tout ce tourbillon identitaire, pour ma part il reste difficile de prôner une vision universaliste du monde et sans doute encore plus complexe d’inviter à un métissage des corps et des idées. LVG : Peut-on encourager et améliorer le fameux concept du vivre ensemble à travers la pratique théâtrale ou littéraire ? ST : Pour qu’il y ait un vivre ensemble, il faut qu’il y ait un libre ensemble. Si nous ne sommes pas libres, nous, dans notre manière de fonctionner, dans notre manière de penser, notre manière de faire, dans notre vision du monde... Le théâtre, c’est une vision du monde, la scène, c’est la scène du monde, on est là à passer à la loupe ce qu’il y a de meilleur, ce qu’il y a de pire dans la condition humaine. Si nous ne sommes pas capables, de nommer les choses... Albert Camus, disait « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », ce qui veut peut-être dire par extension que bien nommer les choses peut peut-être ajouter au bonheur du monde. LVG : Tu as fait aussi de la musique. Là, ce n’est pas tout à fait la même chose, les artistes sont plus variés et il y a une diversité plus grande qui ne pose généralement pas de problème. Tu penses que c’est dû à quoi ? ST : En effet, j’ai produit, j’ai monté des studios, des labels, des boites de prod, j’ai travaillé…