La littérature est enseignée dans nos établissements scolaires, mais il arrive à nos écrivains de célébrer l’école. Ce livre s’inspire d’une expérience vécue, voici plus de cent ans, du métier d’instituteur. Avec l’auteur, nous sommes dans la classe de jadis, à la cour de récréation, au réfectoire, au gymnase, à la distribution des prix. Dans cette Belgique d’antan, à la ville comme à la campagne, toute une vie sociale gravite dans et autour de l’école : relations entre maîtres et élèves, jeux et combats d’enfants, réactions de parents, directeurs, inspecteurs cantonaux. Le tout sur fond d’industrialisation, d’exode rural, de colonialisme, d’inégalités quotidiennes et de guerres : la scolaire (interne, sourdement médiocre et pérenne) et bien vite la Grande (faucheuse incomparablement performante).
Plus qu’un reportage ou un témoignage intéressant, Le Don du Maître est une œuvre littéraire. À chaque page s’épanouit l’écriture soignée, surprenante et belle d’un esthète généreux, dont la mémoire visuelle a retenu des scènes émouvantes et vraies. Un livre inclassable, de prose et de vers, nourri d’épisodes romanesques, de descriptions poétiques, de confessions personnelles et de réflexions sur la vie collective.
La figure du pédagogue s’y déploie dans une douloureuse complexité : sa mission est haute, mais les apprenants lui apportent plus de soucis que de bienfaits, l’espace scolaire est le miroir des luttes sociales, l’instituteur, sous-payé, apparaît comme un prolétaire mieux vêtu cherchant à partager son savoir avec d’autres prolétaires. Ce sont ces enfants pauvres qui se battent durement, se ruent sur la soupe, vacillent avant de répondre aux questions, sont équipés de galoches faute de chaussures convenables. Ce sont ces adultes du soir : « En blouses bleues, la figure mal débarbouillée, ils viennent, au sortir des ateliers et des usines, sifflant et grelottants, la tête enfoncée dans les épaules ». L’instituteur exerce un sacerdoce non reconnu, et pourtant, oui, il les aime tous, il éprouve ce don quotidien avec une joie secrète et une fierté assumée.
Tiré à 500 exemplaires en 1922, Le Don du Maître fut réédité une dizaine de fois jusqu’en 1943 et, bien accueilli par la critique, connut un succès mérité. Le moment est venu de le redécouvrir, d’entrer dans son alchimie d’amour. L’enseignant d’aujourd’hui s’y reconnaîtra, malgré l’écart d’un siècle. En tout cas, l’instruction reste au cœur de nos préoccupations. Ses acteurs forment, historiquement, une longue chaîne de combats, travaux et dévouements. Un voyage dans le temps n’est donc pas du temps perdu. Tel un cognac, ce récit profond, de superbe langue, se déguste mieux après avoir vieilli.
Auteur de Le Don du Maître
Le concerto pour la main gauche
Bien des années après la Seconde Guerre mondiale, Gabriel et Tony se…
"Polders. Entre le ciel et l'eau, la lumière y est partout souveraine. Paysages…