Auteur de L’atelier du scénariste : Vingt secrets de fabrication
Nouvelles, essais, poésie…, l’écrivain Luc Dellisse a publié ces derniers mois plusieurs livres qui ont quelque peu éclipsé l’autre (si ce n’est le premier) versant de son travail : celui de spécialiste du cinéma, et plus particulièrement du scénario. Professeur de scénario, Dellisse a tiré de son métier le roman éponyme, mais aussi des ouvrages qui tiennent plus du guide pratique, tels que L’invention du scénario et L’atelier du scénariste, que rééditent opportunément Les Impressions nouvelles après une première publication en 2009.Au cinéma, le scénario est un stade préparatoire, non un but en soi. Tout entier tendu vers le film, il est tout à la fois réalisé et aboli par lui. La tâche du scénariste…
Préface de Jacques De Decker À propos du livre Colette et la Belgique : une longue histoire…
, Le vivant comme modèle. Pour un biomimétisme radical
Gauthier CHAPELLE , avec la participation de Michèle DECOUST , Le vivant comme modèle. Pour un biomimétisme radical , Préfaces de Nicolas Hulot et de Jean-Marie Pelt, Dessins de Luc Schuiten, Albin Michel, Espaces libres Poche, 2020, 432 p., 11 € / ePub : 10.99 € , ISBN : 9782226320186D’une prodigieuse richesse conceptuelle, bouillonnant d’innovations pratiques, Le vivant comme modèle. Pour un biomimétisme radical nous délivre des schèmes de penser, de sentir nous donnant la possibilité de nouer une nouvelle alliance avec les formes du vivant. Ingénieur agronome, biologiste, concepteur de la collapsologie avec Raphaël Stevens et Pablo Servigne , ancien élève de Janine Benyus qui a développé la théorie du biomimétisme, Gauthier Chapelle déplie toutes les vertus du biomimétisme, à savoir l’ensemble des processus d’innovation (économiques, technologiques..) que les humains peuvent mettre en place en suivant une idée-clé : ces innovations et ces stratégies à faible impact environnemental doivent être inspirées par le modèle du vivant, par les phénomènes que la nature, les organismes ont expérimentés depuis des milliards d’années. Brassant les récits des exploits de la barge dorée (qui couvre 10.000 km en dix jours de vol ininterrompu, sans se ravitailler), de la marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier l’Amoco Cadiz, de ses expéditions dans l’Antarctique — les régions polaires étant les témoins-clés du réchauffement climatique —, exposant la grande aventure du vivant depuis l’émergence des bactéries, Gauthier Chapelle retrace la généalogie de la vie sur la Terre et démontre comment, alors que les humains ne sont qu’un maillon de la chaîne du vivant, ils ont rompu (par l’agriculture, la révolution industrielle…) leur relation avec la biosphère. Dès lors que nous sommes devenus incompatibles avec la biosphère dont nos actions détruisent, à un rythme accéléré, les règnes de la faune, de la flore, les océans, comment pouvons-nous redevenir compatibles avec elle ?Dans le contexte de la crise environnementale « dont nous sommes à l’origine », de la sixième extinction massive des espèces, d’une menace d’effondrement du système actuel (un système industriel basé sur les énergies fossiles), le biomimétisme s’avance comme une boîte à outils permettant de nous reconnecter avec la nature. Interdépendants, corrélés aux autres espèces de l’écosystème Terre, nous compromettons notre survie à plus ou moins long terme (et celles des populations animales, végétales) dès lors que nous avons choisi d’ignorer l’un de ces principes sur lesquels repose le vivant.Au lieu de nous concevoir comme une exception en extériorité, le biomimétisme rappelle notre appartenance à la grande toile de la vie dont nous brisons les fils et nous engage à repenser radicalement notre manière d’habiter la terre, de produire, de consommer. Parmi les grands principes du vivant, sans lesquels ce dernier meurt, Gauthier Chapelle pointe que « la vie recycle tout ce qu’elle utilise », « la vie tend à optimiser plutôt qu’à maximaliser », « est compétitive sur un fond de coopération », « est interconnectée et interdépendante ». Ces quatre derniers principes, l’humanité les bafoue, produisant des quantités de déchets non recyclables, une économie linéaire, là où les écosystèmes, acquis à une économie circulaire, transforment les déchets en matières premières, agencent des comportements harmonieux, des inventions durables, à coût énergétique faible.Le franchissement de certains seuils, la mise à mal de la capacité de résilience propre aux écosystèmes (la répétition et l’ampleur des agressions telles que pollution, mer de plastiques, destruction des habitats, déforestation, désertification, etc, compromettant le mécanisme d’adaptation) dessinent le scénario d’un point de non-retour. Longtemps, Gauthier Chapelle a cru que gouvernants et société civile allaient se mobiliser afin que « le retour vers une relation de réciprocité avec la biosphère s’amorce à temps ». En raison de l’inaction, de l’aggravation des désastres environnementaux, de leurs effets dominos, boules de neige, l’écroulement…
Vie, mort, plaisir, souffrance et autres réjouissances. Une petite balade en philosophie
Ni manuel ni histoire de la philosophie de ses origines à nos jours, Vie, mort, plaisir, souffrance et autres réjouissances nous convie à une traversée libre de penseurs qu’Alain Bajomée aborde sous l’angle des questionnements qu’ils ont soulevés et des enjeux contemporains qu’ils véhiculent. Choisissant d’éclairer des notions (liberté, vérité, mal, réalité, être….), des problèmes par des éclairages venant du cinéma, des séries TV ou de la musique, Alain Bajomée ramène l’activité philosophique à son questionnement, à l’étonnement qui lui a donné naissance. Sans accentuer la coupure artificielle et sujette à caution entre pensée mythique et avènement du logos, l’avènement de la philosophie occidentale au siècle avant J. C. correspond à une nouvelle manière de penser qui, s’affranchissant de l’explication par les dieux, par les mythes, s’interroge sur l’ordre du monde en se confiant aux lumières de la raison. Arbre composé d’une multiplicité de branches — logique, métaphysique, morale, esthétique, épistémologie… —, la philosophie en tant qu’« amour de la sagesse » se diffracte en domaines, en écoles, en courants. Ne visant pas l’exhaustivité, l’ouvrage aborde largement les philosophes de l’Antiquité (des Présocratiques à Platon, des sophistes à Aristote), convoque des figures délaissées (Antiphon d’Athènes, le curé Meslier (anticlérical, hédoniste), l’antispéciste Peter Singer….), aborde Condorcet, Kant, Comte, Nietzsche, Russell, Wittgenstein mais délaisse Spinoza, Leibniz, Hegel, Bergson, Sartre comme il s’en explique dans l’avant-propos. La mise en lumière de penseurs minorés, se situant parfois dans les marges de la philosophie (Freud, Beauvoir, Camus…), permet de réhabiliter des pensées libertaires, athées, matérialistes que la tradition idéaliste a secondarisées. Procédant selon le fil de thématiques, de champs de réflexion, Alain Bajomée traite non pas de l’intégralité du corpus platonicien ou de l’ensemble des écrits de Descartes, mais des points qui illustrent le problème traité (le savoir, le bonheur, la conscience, la finitude, la mort, l’immortalité de l’âme, le cogito, l’inconscient, les droits des animaux…).On pourrait craindre que le recours à des films (ceux de Woody Allen, Hitchcock, Chaplin, Cronenberg, Ridley Scott, Visconti, les Wachowski…), à des chansons (celles de Dick Annegarn, Aznavour, Lavilliers, Mylène Farmer, Serge Gainsbourg, Pink Floyd…) ne dilue la spécificité de la démarche philosophique, écarte de la lecture des textes et ne se présente que comme un moyen afin de brancher la philosophie sur le contemporain. Il n’en est rien dès lors qu’au travers de ces allers-retours de l’allégorie de la caverne de Platon ou de l’interprétation freudienne des rêves au film Matrix , de l’utopie des phalanstères de Fourier, de sa prescience de la débâcle écologique à Charles Aznavour (« La Terre meurt »), Alain Bajomée expose l’intemporalité de questionnements qui, vertébrés par le doute (de l’ironie socratique au scepticisme de Montaigne ou au doute radical cartésien), par l’esprit critique, se singularisent par la remise en cause des réponses toutes faites, la contestation de la doxa et de l’autorité de la tradition. L’ouvrage accomplit semblable déconstruction de l’histoire des vainqueurs, des vulgates officielles. Que ce soit par rapport aux sophistes (que Platon a dépréciés, les assimilant à des orateurs mercantiles indifférents à la question de la vérité) dont il souligne le scepticisme épistémologique et le relativisme (absence d’une vérité absolue, existence de vérités relatives), par rapport à Diogène le Cynique ou à Fourier.Art des questions et non des réponses, pensée de la création (Chaoïde disait Deleuze) et non de la méthode et des recettes techniques, « la philosophie, bien qu’elle ne soit pas en mesure de nous donner avec certitude la réponse aux doutes qui nous assiègent, peut tout de même suggérer des possibilités qui élargissent notre champ de pensée et délivrent celle-ci de la tyrannie de l’habitude ».Dans Qu’est-ce que la philosophie ? , définissant la philosophie par la création de concepts, Deleuze et Guattari évoquent la phrase de Leibniz qui, tirée du Système nouveau de la Nature , condense l’activité de la pensée questionnante : « Je croyais entrer dans le port,…