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Chapitre 1 : Le grand-père de Colette à Waterloo
Henri Marie Landoy, le grand-père maternel de Sidonie Gabrielle Colette, naît à Charleville, le 23 septembre 1792. La France a encore un roi vivant. Elle est devenue depuis deux jours une république. Son futur empereur vient d'être nommé, par Louis XVI, capitale d'artillerie.
Les Landoy viennent de la Champagne. Mais trois d'entre eux sont allés vivre et faire fortune en Martinique au dix-septième siècle quand les huguenots ont été persécutés.
En 1767, Robert, le père de Henri, s'est établi dans la ville de Rimbaud où transitaient les produits des Antilles. Le jeune homme, sans doute mulâtre, y a ouvert un important commerce d'épicerie, comprenant des denrées exotiques. Colette parlera d'une mer «qui amena, colorés de sang colonial, le cheveu frisé et l'ongle irisé de mauve comme un coquillage, les récolteurs de cacao» d'où sortit sa mère.
À vingt-trois ans, Henri est en garnison à Versailles. Il fait partie d'un corps d'armée d'élite : le 2e régiment de Chevau-légers Lanciers qui, depuis le retour d'exil de Napoléon, fait à nouveau partie de la «Garde impériale», sous le commandement du général Colbert.
Il est laid mais bien fait et entreprenant. L'uniforme des lanciers rouges lui va à ravir. En particulier, le
czapka, coiffe d'inspiration polonaise comme son nom l'indique, typique avec son pavillon carré et cannelé, gainé de drap écarlate, orné d'un soleil rayonnant en laiton estompé, avec une plaque de cuivre argenté portant un grand N couronné. Le tout, surmonté d'un plumet blanc!
Il séduit Sophie Châtenay, la fille douce et délicate d'un maître horloger, née à Paris, boulevard Bonne-Nouvelle. Plus tard, Colette gardera sur le coin de la cheminée le médaillon de cette «jeune dame à coiffure trilobée, une grosse coque en haut, une grappe de boucles, genre chipolatas, sur chaque tempe». Sophie étant enceinte, il l'épouse, le 29 avril.
La permission accordée pour ce mariage sera de courte durée. Le 6 juin, le régiment est envoyé à Soissons puis à Avesnes (200 kilomètres parcourus en six jours). Le quartier général est à Beaumont.
Le 15 juin, tandis que Napoléon passe la Sambre à Charleroi, le maréchal Ney envoie la cavalerie des Chevau-légers vers Frasnes près de Gosselies. Elle se heurte à l'infanterie Nassau. Le lendemain, faute d'effectifs suffisants, elle est obligée de se retirer. Le 17, après que l'empereur a défait les Prussiens à Ligny et atteint les Quatre-Bras, elle attaque, près de Thyl, la cavalerie anglaise. Les Life Guards du général Uxbridge la repoussent. Un violent orage éclate dans l'après-midi. Arrivant dans la plaine de Waterloo, les hommes ruisselant d'eau doivent bivouaquer dans les champs de seigle détrempés. Il pleut toute la nuit.
Le dimanche 18 juin, l'armée française en déploiement est impressionnante. Une unité en particulier attire l'attention par ses longues lances aux flammes rouges et blanches. Attaqué à 15h30 par la brigade anglaise de Ponsonby, le régiment remporte une victoire écrasante. Puis il reçoit l'ordre de se diriger vers la ferme de La Haye-Sainte. Curieusement, les dragons et grenadiers français croient soudain, à cause d'un mouvement de troupe, qu'il faut charger les lignes ennemies placées en retrait des chemins de la Croix et des Vertes Bornes. Ils avancent et la cavalerie de la Garde impériale suit. Haranguée par le maréchal Ney, isolé de son état-major, elle revient héroïquement cinq fois à la charge! Elle est décimée. La retraite est décidée…
Des rumeurs de trahison circulent. Ce qui reste des lanciers, et Henri Landoy est du nombre, assiste à l'arrivée de Blücher, à la défaite, au dernier combat du carré de la vieille garde. À la nuit tombée, épuisés de fatigue et portés par des chevaux fourbus, ils rejoignent les Quatre-Bras où ils aperçoivent, pour la première fois, l'empereur, vers une heure du matin. Celui-ci se retire par Charleroi.
Le 2e régiment, lors du second retour de Louis XVIII, sera licencié. Henri, rescapé par miracle, rejoint sa femme qu'il emmène à Charleville. Une autre vie commence.
Sophie, qui sera «trompée vingt fois par son mari», lui donnera sept enfants. Deux sont morts-nés. Un troisième n'a pas survécu. Les oncles de Colette, Henri Eugèn et Jules Paulin, dit Paul, verront le jour respectivement en 1816 et en 1823, et une tante, Irma Céleste Désirée, en 1834.
Henri Marie, pratiquant le négoce alimentaire, est souvent absent. Il se lance dans des entreprises hasardeuses avec des fortunes diverses. En 1835, il s'installe à Paris. Et le 12 août, à quarante-trois ans, son épouse donne la vie à Adèle Eugénie Sidonie, l'inoubliable «Sido», la mère de Colette. Sophie meurt, épuisée, en octobre.
Henri Landoy décide alors de se rendre à Bruxelles, pour décourager ses créanciers. Il y vivra jusqu'en 1854. Un choix dicté par la proximité et la similitude de langage. Un autre avantage : en Belgique, il n'y a pas de taxe sur le cacao.
Table des matières
Préface par Jacques De Decker
Première partie : L'emprise des Landoy
I Le grand-père de Colette à Waterloo
II À sept ans, Sido rejoint sa famille à Bruxelles
III Sido et son frère Eugène
IV Un premier mariage à Schaerbeek. Un séjour à Gand.
V L'union des parents de Colette à l'église des Saints-Michel-et-Gudule
VI Sidonie Gabrielle Colette à Bruxelles, à six ans
VII Les cousins belges à Saint-Sauveur-en-Puisaye
VIII Gabrielle épouse Willy. Jules Landoy est témoin
IX Un livre de Raphaël Landoy à Paris, préfacé par Willy
X Le mythe de Claudine. À Bruxelles, pas de censure pour la pièce
XI Colette Willy sort de l'anonymat
XII Les débuts au théâtre et un article pour
Antée
XIII Colette dans
Pan, de Charles Van Lerberghe
XIV
La Chair, un mimodrame avec Georges Wague
XV
Claudine à Paris à l'Alcazar de Bruxelles
XVI
Claudine à Liège. Colette Willy dans une anthologie belge
XVII L'ouverture des Folies-Bergère, avec Colette Willy et « Mistinguette »
XVIII
La Chair à Ostende. Un article sur Bruges. Des notes sur Blankenberge
XIX Sido, une dernière fois dans le pays de son adolescence
XX Une «lune de miel» à Bruxelles et Anvers
Deuxième partie : Les amis belges
I Deux conférences, deux contes et un séjour en Belgique
II Le zoo d'Anvers, source d'inspiration
III Colette scénariste, et critique de cinéma et de théâtre
IV La direction littéraire au
Matin, André Baillon et Georges Simenon
V La consécration avec Chéri
VI Colette revient à la scène avec «Léa»
VII «Léa» au Théâtre du Parc
VIII
L'Enfant et les Sortilèges au Théâtre de la Monnaie
IX La création de
La Vagabonde avec Colette, à Bruxelles
X La fin du roman
La Seconde au «Château d'Ardenne»
XI Un retour au zoo d'Anvers pour
Paradis terrestres
XII Deux reines, en 1931
XIII Les tournées de «Conférenceetproduits». Verviers, Liège et Bruxelles
XIV La mort d'Anna de Noailles, de «l'Académie royale de Belgique»
XV Le journal
Neptune. Le prix Albert 1er
XVI Colette académicienne
XVII Le discours du samedi 4 avril 1936
XVIII Le Palais-Royal pour dernière résidence et l'article de Paris-Soir
XIX Les années de guerre. Nudité. Le souvenir d'Anna de Noailles
XX La reine Élisabeth de Belgique et Colette
XXI Une nouvelle visite de la reine. De la «Kriek Lambic» pour la Noël
XXII La perte de Louis Piérard, l'ami belge très français
XXIII Un texte pour Bruxelles à Jean Stevo
XXIV Les 80 ans de Colette. Une aquarelle de la reine-peintre. Un dernier courrier
XXV Le samedi 7 août 1954, un hommage public de la Belgique à Paris
XXVI Jean Cocteau succède au fauteuil de Colette
Notices bibliographiques
Crédits photographiques
Remerciements