Première édition
Éditeur : Espace Nord
Date : Juin 2020
Format : Livre
Auteur de La vie des abeilles
Maurice MAETERLINCK, La vie des termites, Préface de Michel Brix, Bartillat, coll. « Omnia Poche », 2019, 160 p., 10 €, ISBN : 978-2-84100-676-6Maurice MAETERLINCK, La vie des fourmis, Préface de Michel Brix, Bartillat, coll. « Omnia Poche », 2019,198 p., 12 €, ISBN : 978-2-84100-677-9 L’œuvre de Maurice Maeterlinck (1862-1949) dégage une impression générale aussi puissante que celle du massif de l’Everest, quand il n’était arpenté que par quelques rares alpinistes téméraires et aventureux : on ne sait par quelle face il faut l’aborder. Maeterlinck, figure de proue du symbolisme, se dresse presque malgré lui tel un sommet (à ce jour seul prix Nobel-ge de littérature, en 1911), constitué d’innombrables cimes et…
Quand, au milieu du XVIIe siècle, Arnauld d'Andilly fait paraître sa traduction des Vies des saints pères des déserts , il ne livre pas seulement un texte philologiquement sûr à la lecture édifiante des moniales et des reclus; il espère que les gens du monde y trouveront des exemples nombreux de sainteté pour en faire un instrument de leur conversion à Dieu. Bien d'autres livres, qui semblent à l'usage exclusif des conventuels, prétendent in fine excéder le lieu de leur diffusion professionnelle pour être lus dans le «monde». Et ils l'ont été. Cette performance du texte religieux de conversion et de retraite illustre un procès de rencontre entre deux univers, trop souvent tenus pour être quasi étanches et, pour le moins, opposés l'un à l'autre : le cloître et le «siècle». Centrée sur le XVlle siècle français, non sans puiser aux sources d'un passé parfois récent ou s'oser aux extrapolations pour les siècles suivants, la réflexion qui est ici présentée cherche à montrer que, si opposition il y a eu entre ces deux sphères des destinées humaines, la bipartition n'aura été aussi vive que par le fait de la similarité structurelle qui les fait trop semblables pour qu'elles ne s'opposent pas. Par l'ascèse, dont la diffusion se fait dans l'espace curial, qui commande aux nouveaux comportements légitimes et aux représentations dominantes de la société d'Ancien Régime, prennent forme un procès de domestication des pulsions, une éthique de la convergence du paraître social et de l'être psychologique, un fétichisme déréalisant qui porte sur les grâces royales de plus en plus symboliques, sur les petits riens de l'étiquette et sur une subordination de l'espace privé à une montre publique de soi. Ce protocole trouve son homologie déplacée dans l'espace du cloître : la césure de l'être avec son passé mondain, l'investissement dans les promesses divines de la rédemption, la transparence du coeur et de l'âme dans la promiscuité cénobitique, l'attention annihilante, voire mystique, aux moindres détails qui comptent plus que tout au regard de Dieu. De manière plus circonstancielle, les nouveaux modèles de l'éthique aristocratique ont puisé aux instructions anciennes des novices ; en retour, les prélats ou les supérieurs redéfinissent les Règles monastiques à partir des préceptes de la civilité aristocratique. Structurant un échange continu du fait de cette position inédite entre deux mondes, la manipulation des exemples édifiants formalise la congruence des modèles existentiels, tel saint Louis, mythifié pour exalter le fondateur spirituel de la monarchie, pour magnifier l'union des obligations séculières avec celles de la pénitence et pour cautionner la lutte contre les protestants. Parce que le recrutement monastique montre une surreprésentation des fractions sociales dominantes, s'expliquent l'imposition du modèle aristocratique dans les réformes monastiques du XVlle siècle et, plus sourdement, l'émergence d'un procès plus vaste où rétrospectivement se définira l'homme moderne — l'individu — dans son agir social et dans la représentation qu'il va intérioriser des usages licites et surtout sublimants où l'individu finira par se penser au-delà des…
Des lucioles et des ruines : Quatre récits pour un éveil écologique
Athane ADRAHANE , Des lucioles et des ruines. Quatre récits pour un éveil écologique , Le Pommier, 2024, 336 p., 22 € / ePub : 14,99 € , ISBN : 9782746526891Il est des livres qui bondissent comme des chiens-loups, qui prennent à bras le corps la question de nos rapports au vivant et lancent un chant en faveur de nouveaux dialogues avec le monde, les humains, la faune, les arbres, les océans. Philosophe, artiste pluridisciplinaire, écrivaine, photographe, chanteuse, Athane Adrahane ouvre un chantier de réflexions, de pratiques éthopoétiques qui, s’appuyant sur les puissances du récit, délivre des cailloux de Petite Poucette afin de ne pas se résigner au monde des ruines qui compose notre présent. Les alliés qu’Athane Adrahane choisit afin de retisser des liens harmonieux avec les formes du vivant, afin d’habiter autrement la Terre, de retisser le monde compose comme un portrait en creux (au-delà du « Je » personnel) de l’autrice. Les quatre voix littéraires élues forment une boussole de textes-actions afin de nous orienter dans un monde qui sombre. Il s’agit de Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier, de L’homme qui plantait des arbres de Jean Giono, de Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée… de Christiane Flescherinow et du Petit Prince de Saint-Exupéry. Ces quatre éco-récits hétérogènes se livrent comme des intercesseurs nous éveillant aux manières de nous déprendre de la pensée dualiste opposant l’humain au monde, d’en finir avec la hiérarchie au sommet de laquelle trône l’homos sapiens. Ce qu’ils nous révèlent, chacun avec leurs harmoniques, c’est notre appartenance au monde. La disparition des mondes du rhinocéros blanc, des bonobos, des forêts, des êtres sacrifiés par le néolibéralisme signera immanquablement celle des humains. Désastres écologiques, désastres relationnels, désastres économiques. Ces effondrements et saccages hantent nos actualités (…) Il arrive aussi qu’au sein de ce que l’on pense totalement sec et éteint survivent des graines de possible, des braises de rêve, des sources en dormance. Dans le désert, il y a de la vie et des oasis. Armée d’une lucidité sans faille, Athane Adrahane sait que les actions militantes, les combats écologiques n’endigueront pas les mégadestructions en cours, ne feront pas revenir les milliards d’animaux disparus, d’arbres partis en fumée. Ranimant la question spinoziste « que peut un corps ? », elle interroge ce que peuvent les corps des récits (humains mais aussi non-humains), le corps de la Terre blessée, aux abois. Si, creusant une pensée engagée qui excède la pensée du soin, du « care », si, face à l’urgence à agir, elle mesure la fragilité, la puissance impuissante des dispositifs narratifs, elle en explore la capacité à réinventer le dialogue, tissé d’affects et d’une pensée sensible, avec la planète. À la Terre vue comme une esclave, une manne de ressources, un objet à exploiter jusqu’à ce que mort s’ensuive, Tournier, Giono, Christiane F., Saint-Exupéry mais aussi Isabelle Stengers, Vinciane Despret, Starhawk, UrsulaK. Le Guin, Gilles Deleuze, Félix Guattari, David Abram, Baptiste Morizot, Aldo Leopold, Davi Kopenawa, les peuples autochtones… opposent la perception de la Terre comme sujet, comme « personne à honorer ». À toutes celles et tous ceux qui écrivent les dernières mesures du requiem du vivant, qui se pensent encore maîtres et possesseurs de la nature, Athane Adrahane lance un contre-chant de vie — des vies souvent minuscules —, de victoires sur la bétonisation des sols et des esprits. Les appels à un archipel d’actions locales, à des réinventions de lien avec le cosmos, les questionnements sur les manières harmonieuses, respectueuses d’habiter la Terre n’engagent rien moins qu’une remise en question de la propriété privée. Chacun des chapitres des Lucioles et des ruines. Quatre récits pour un éveil écologique se présente comme un massif de graines qui fécondent des alliances, qui « repeuplent le paysage » (Isabelle Stengers). Cesser de penser à échelle d’homme, « penser ‘comme une montagne’ exige de se décentrer, de ‘prendre en conte’ non seulement le point de vue humain, mais aussi la diversité des points de vie qui façonnent un biotope et qui, de par leur interaction, en assurent (ou non) la grande santé. ». Il n’y pas d’égalité entre forces de destruction et forces de créations, entre ruines et lucioles. Même au cœur de la dévastation actuelle, de la destruction sans retour de l’environnement, des écosystèmes, il y aura toujours des lucioles, des agencements improbables, têtus, qui surgiront des ruines. L’art du combat poético-politique, l’éthique de la terre, Athane Adrahane les met en œuvre non seulement dans ses recherches, ses textes, mais aussi dans ses engagements avec d’autres collectifs humains ou non-humains. Écrit par une sœur du Petit Prince, cet essai fulgure comme une luciole. Ou plutôt comme un essaim de lucioles qui, souvent, déjouent les mégaprojets écocidaires et réensauvagent les corps et les consciences. Véronique Bergen Depuis des siècles, nous nous orientons avec la boussole de l’exception humaine, qui émousse notre rapport au vivant, notre sensibilité. Quand ce n’est pas l’ampleur sidérante des enjeux écologiques qui nous anesthésie. Athane Adrahane nous engage ici, par l’art du récit, à raviver notre dialogue intime avec le monde. Entrelaçant les voix de grands intercesseurs (Giono, Tournier, Saint-Exupéry, Christiane F.), elle dessille notre regard sur sa beauté, comme sur notre pouvoir de le ravager – soulignant ainsi quel rôle essentiel la littérature peut jouer aujourd’hui. Car au sein d’un monde en ruines où tant de voix disparaissent, il est encore des foyers de lumière et de vitalité, quelques précieuses lucioles, à préserver, et d’autres histoires que celle…