Autrice de La grande Utö
Vienne, 1907. Le peintre Gustav Klimt rend visite aux époux Bloch-Bauer. Ferdinand demande alors à Gustav de réaliser le portrait de sa femme, Adèle ; requête entraînant un flashback. Six ans auparavant, alors que Klimt essuyait des critiques acerbes au sujet de son œuvre La Médecine , il a rencontré ce couple, admirateur de son génie et dont la femme l’a prié de lui ouvrir les portes de son atelier. Au même moment, l’artiste recevait en rêve l’inspiration pour son prochain tableau. C’est par ce prisme que l’on entre dans l’univers de l’artiste : son atelier, ses modèles, sa mère, sa compagne, Émilie, mais aussi ses rêves, ses angoisses, ses sources d’inspiration en somme. L’histoire narrée en bande dessinée par Cornette et Marc-Renier est une tranche de vie, prétexte à l’évocation du peintre, de son style, de son époque et de l’avant-gardisme dont il y faisait preuve. L’idée est en effet plus de mettre en avant ses particularités que de réaliser sa biographie. Le récit est assez simple et aurait peu d’intérêt sans l’aspect « inspiré de faits réels », mais n’en est pas moins cohérent et bien rythmé.Les dessins sont soigneusement détaillés. Le rendu est classique, avec un crayonné assez fort accentuant les sujets principaux. Les travaux de Klimt évoqués sont réinterprétés plutôt que cités et le résultat est réussi et efficace : le redesign des œuvres permet une intégration fluide dans les cases tout en invitant à les découvrir sous un angle neuf.Le récit principal est suivi d’un court cahier didactique sur Gustav Klimt. Il complète la bande dessinée en développant quelques sujets qu’elle évoque. On y voit notamment des reproductions des œuvres évoquées dans l’album. Ainsi, le lecteur a à portée de main de quoi satisfaire sa curiosité, titillée par l’histoire racontée en images et phylactères.La bande dessinée Klimt est une introduction sympathique à l’œuvre de l’artiste. Les connaisseurs n’apprendront probablement pas grand-chose, là où les néophytes apprécieront l’accessibilité du propos et les informations proposées en fin d’ouvrage. Les visuels soignés plairont aux amateurs de bande dessinée traditionnelle, alors que l’histoire…
Les filles d’Aphrodite : Pas de fumée sans jeux (tome 2)
New York, au milieu des années 30. Lenni et Mona, deux jeunes filles de 20 ans, dirigent une agence matrimoniale baptisée "les filles d'Aphrodite". Guidées par leur flair, un peu de voyance et surtout par le délire ambiant de ces années-là, elles s'amusent à faire se croiser la vie de leurs clients. Mais les affaires louches, les complots et les meurtres ne tardent pas à faire irruption. Orpheline de naissance, Lenni vient d’apprendre l’identité de sa mère et de se découvrir une soeur jumelle assassinée. Va-t-elle enfin connaître son père ? Et qui est…
À la fois drôle, déchirant, sublime, rocambolesque, l’étonnant Amour dominical s’est élaboré sur près de douze ans. Dans ce foisonnant album réalisé à quatre mains, deux types de récits cohabitent, alternant l’un avec l’autre. D’une part, les écrits autobiographiques de Dominique Théate. Les textes de cet artiste brut, porteur d’un handicap mental, sont accompagnés des dessins de Dominique Goblet, autrice de bande dessinée (à qui l’on doit, entre autres, Faire semblant c’est mentir ), artiste plasticienne et enseignante. D’autre part, un récit fictionnel qu’ils ont réalisé ensemble autour de l’imaginaire et des dessins de Dominique Théate, et qui narre les histoires de bagarre et d’amour du célèbre catcheur Hulk Hogan et de la séduisante femme à barbe bleue. Fruit d’une longue collaboration entre les deux artistes, ce travail au long cours s’inscrit dans le cadre de Knock Outsider , un projet conjoint du collectif Frémok (maison d’édition de bande dessinée alternative) et de la « S » Grand Atelier, association culturelle pour artistes porteurs d’un handicap mental. Lire aussi : Rencontre avec Thierry Van Hasselt (C.I. n° 197)Le livre présente une grande singularité non seulement en raison de la démarche qui est à son origine mais aussi sur le plan formel, puisque qu’il s’affranchit du cadre imparti à l’album de bande dessinée classique pour tendre vers les arts plastiques et la littérature. Les travaux des deux artistes s’y entremêlent, se répondent, pour ne faire qu’une seule œuvre, doublement dominicale .Le livre s’ouvre sur un premier chapitre rapportant les « souvenirs réels » de Dominique Théate, sorte de retranscription minutieuse de son quotidien sur un vieil ordinateur. Le texte, répétitif, presque obsessionnel, butte sans cesse sur le même type d’événement et rend compte d’une vie réglée comme une horloge, sur un ton abrupt, dans un langage qui s’affranchit des codes de la littérature. Dominique Goblet compare très justement l’écriture de son comparse à des variations musicales sur un même thème. Elle est tombée sur les classeurs comprenant des centaines de pages de ce journal en 2007, lorsqu’elle et d’autres d’artistes du Frémok font leur première visite à la « S » Grand Atelier. Elle est bouleversée par la force de ce récit hors du commun, par le rythme et la musique de son écriture, mais aussi l’humour qui se dégage de sa façon de décrire ses journées. Ce sont des extraits de ces pages qui sont repris dans L’amour dominical , et accompagnés graphiquement par Dominique Goblet : ses sublimes illustrations contemplatives au pastel gras se promènent le long des routes de Vielsalm. C’est sur une de ces routes qu’eut lieu l’accident de moto de Dominique Théate qui le plongea à l’âge de dix-huit ans dans un long coma et dont il est ressorti avec des séquelles. Cet accident, on le comprend, constitue le point d’orgue de sa vie : il y a un avant et un après. Il a également pour conséquence une confiscation de nombre de ses rêves d’avenir. Parmi les espoirs irréalisables de l’artiste, celui de conduire un véhicule, qu’il mentionne sans cesse, lui est à tout jamais interdit.En alternance avec ces souvenirs, qui sont répartis en quatre chapitres, un par saison, le récit improbable des aventures d’Hulk Hogan plonge le lecteur dans une fantaisie inspirée par les motifs récurrents qui peuplent l’imagination de Dominique Théate. À travers ces combats du célèbre catcheur avec un orthodontiste ou un centaure, son mariage et sa nuit de noce, sans oublier son voyage dans l’espace, on découvre une incroyable créativité mais aussi une grande liberté dans la pratique de l’artiste. Les récits éclairent également sur ses aspirations, ses…