Ce n’était qu’une simple photographie. Banale, jaunie, mal prise d’ailleurs. Mais je ne l’avais jamais enlevée de son cadre agressivement doré et, depuis des années déjà je l’avais dans ma chambre, accrochée au mur, près d’un coin. Je devais avoir six ou sept ans sur ce cliché. Un souvenir de mon enfance, m’avait-on toujours dit. On ne voyait pas mon visage. Je regardais un mur de briques qui formait un angle. Dans ce mur, il y avait une petite porte; on aurait pu jurer qu’elle devait être verte. Derrière ce mur, une gigantesque façade sans fenêtres. C’était sans doute à cause de cette succession de plans lisses, sinistres, que j’avais gardé la photo. Mais je compris la véritéque beaucoup plus tard.Quand un soir, après avoir erré dans un quartier que je ne connaissais pas, je me retrouvai devant le décor de la photo. La petite porte était verte, en effet. Un enfant regardait le mur de briques. Il devait avoir six ou sept ans. On ne voyait pas son visage. Inutile d’en douter, c’était bien l’enfant de la photo que j’avais chez moi. J’avais toujours cru que cette photo me représentait, mais ce n’était pas vrai. Je le savais à présent. Elle représentait cet enfant qui m’était inconnu, ce paysage de briques qui sans doute… Car je n’eus pas besoin de pousser la petite porte verte pour savoir ce qui m’attendait derrière ce mur.
Auteur de La géométrie dans la terreur
Lettres de Liège. Littérature wallonne, histoire et politique (1630-1870)
Genre : Essais littéraires Editeur : en coédition avec Le Cri Format : 16 X 24 cm Nombre de pages : 253 p. Date de publication : 2012 ISBN : 978-2-8710-6593-7 Prix : 21,00 € À propos du livre L’ouvrage entend saisir une image des lettres dialectales, en région liégeoise, à trois moments privilégiés de leur histoire. Des Dialogues de paysans offrent un tableau des misères de la guerre au XVIIe siècle. Inscrits dans le cadre de conflits internationaux, ils se lisent également sur la toile de fond de la politique communale, où s’affrontent Chiroux et Grignoux. Le « Théâtre liégeois » du XVIIIe siècle renvoie à la guerre de Sept Ans et au choc culturel, notamment linguistique, que représente le contact avec les troupes françaises. Enfin, on met en évidence combien le « renouveau dialectal » du milieu du XIXe siècle, illustré par la création de la Société liégeoise de Littérature wallonne en 1856, est préparé par une importante production politique opposant catholiques et libéraux francs-maçons. Cette littérature militante comporte une évocation de la ville mosane et des bouleversements urbanistiques contemporains à laquelle l’amateur pourra trouver le charme des photographies d’autrefois. La « poésie ouvrière » y promène le lecteur des alentours du vieux pont-des-Arches, avec la « nouvelle » tour de Saint-Pholien, vers l’ancien Collège communal, le Jardin Botanique, le marché aux fromages de la place…
« j’ai l’air de fragmenter comme ça, en réalité j’unis » Ch. DotremontCeux qui ont eu l’occasion…