Depuis sa création à Berlin en 2009, le collectif kom.post regroupe une trentaine d’artistes et de théoriciens venus de différentes disciplines et d’horizons géographiques variés. Remettant sans cesse en jeu la place de l’artiste comme celle du spectateur, kom.post multiplie ses formes et se déplace dans ses outils d’écriture afin d’inscrire, toujours différemment, les conditions d’une expérience artistique partagée.
Depuis sa création à Berlin en 2009, le collectif kom.post regroupe une trentaine d’artistes et de théoriciens venus de différentes disciplines et d’horizons géographiques variés. Remettant sans cesse en jeu la place de l’artiste comme celle du spectateur, kom.post multiplie ses formes et se déplace dans ses outils d’écriture afin d’inscrire, toujours différemment, les conditions d’une expérience artistique partagée.

C’est toujours une question complexe pour nous : celle des « origines ». Et je crois que ce n’est pas un hasard si beaucoup de nos performances démarrent avec cette formule : « Ça commence, ou ça a déjà commencé... » Car, oui, je crois que pour beaucoup d’entre nous – et sans doute tout particulièrement pour Laurie Bellanca et moi-même qui avons initié le processus – celui-ci avait en réalité déjà commencé. J’entends par là que nous étions plusieurs, en cette fin de première décennie du nouveau siècle, à éprouver une certaine forme d’agacement envers les modes de production, de structuration et de diffusion des pratiques artistiques. Il ne s’agit pas là seulement d’une réaction envers les Institutions culturelles mais d’une forme de critique qui nous agitait en regard, d’abord, de nos propres manières à nous, artistes, spectateurs, travailleurs culturels..., d’instituer, de donner force et durée à certaines manières de voir et de dire un présent partagé.
Je crois que ce diagnostic allait (et va) à l’inverse de nos sensibilités qui, toujours, perçoivent ladite crise moins comme arrêt que comme moment de transformation où, si des choses se perdent, d’autres se recomposent, autrement. Nous avions besoin de tenter « autrement », de mettre en jeu nos outils d’écriture et d’invention en dehors de cette double institution : celle d’une esthétique consensuelle du « post/stop » que venaient renforcer les différents appareils de la Culture dans leurs choix de programmation comme dans les soutiens apportés aux démarches qui se rangeaient et s’installaient dans l’Institution. À ce moment-là, Laurie Bellanca et moi étions ou allions devenir, chacune en son endroit, « artiste en résidence », dans une de ces structures officielles. Et je crois que, oui, nous avions besoin d’autre chose. Comme les autres artistes et chercheurs que nous allions rencontrer plus tard. Nous sommes d’abord parties toutes deux, à Berlin, écrire la forme dont nous savions que nous avions besoin pour travailler : l’inverse d’un arrêt mais une sorte de début jamais achevé ; un processus qui serait sans cesse relancé en accueillant – pour éviter les dangers de la fixation et du repli sur un petit « nous » suffisamment institué pour être reconnu – de perpétuels autres. Autres artistes, autres regards, le spectateur comme autre.
Nous avons tenté des croisements, certains matériaux apportés sont devenus structurants comme la relecture de l’Œdipe de Sénèque, de ce petit personnage, étranger, qui arrive dans une crise vécue par tous comme un arrêt – « c’est la peste » – et que lui, provenant d’un dehors et le prolongeant dans un mouvement, dans un petit pas qui le fait parler, va dénouer en troquant le silence paralysant pour la réponse improvisée à l’énigme. Et nous avons recommencé. Chaque mois, pendant une année, nous avons organisé ces temps, chaque fois dans des lieux différents (centre de recherche, galerie, vieux cinéma...) et très vite en ouvrant les portes au public. Kom.post existait en dehors des cervelles croisées de Laurie et Camille et nous avons continué à commencer. Démarrer dans d’autres lieux, passer de notre petite galerie de Berlin à ces lieux que nous avions quittés : scènes nationales, grands festivals européens, institutions diverses... mais que nous pouvions habiter autrement. Nous n’avons reçu que des « cartes blanches » nous invitant à nous emparer d’un certain terrain (un contexte politique ou, comme pour le 26, une question) et je crois que nous avons tenu, sauf évidemment les deux trois « échecs », douloureux mais nécessaires, sur cette logique du processus de recherche permanent, par lequel nous pouvions tout remettre en mouvement : outils, formes, composition du micro-groupe qui allait se réunir dans ce contexte particulier (nous ne travaillons jamais à trente, évidemment, mais toujours à deux, quatre ou six).
À partir du moment où kom.post pense ses créations (et ce particulièrement au début) moins comme des formes closes et frontalement exposées, que comme des temps d’expérience, le spectateur devient un élément essentiel sans lequel rien ne peut se passer. Pour moi cela n’a rien à voir avec le « participatif » au sens où ce que je peux voir des incarnations de ce dernier dans la création contemporaine, comme de ce que je sais de la logique sur laquelle il repose, me semble fonctionner à l’envers de ce que nous tentons. En effet, « participer » veut avant tout dire rejoindre la place que l’on m’a assignée, en amont. On demande au spectateur de « passer au plateau » parce que, là, il sera enfin agissant ; ou l’on demande au public de voter, de prendre la parole en répondant à une question que les acteurs ou l’artiste viennent lui poser en faisant croire que la direction de l’œuvre dépend de lui. Cela repose sur la même illusion que celle grâce à laquelle la « démocratie participative » se fait valoir comme « la bonne forme » de gouvernement. Celle qui fait place aux choix des individus et aux exigences d’une Société. À partir du moment où l’on se souvient que ces petites et grandes unités de « l’Individu » comme de la « Société » sont elles-mêmes des constructions politiques, des fictions par lesquelles un pouvoir peut se légitimer en se faisant apparaître comme le « représentant du peuple » alors que ce dernier est toujours plus que ce que comptabilise la Société, on pense les choses un peu différemment. Comme dit plus haut, j’ai la sensation que kom.post conçoit le spectateur comme un « autre de plus ». Comme pour les artistes ou chercheurs qui continuent à rejoindre le collectif, ponctuellement ou sur la durée, sa place « étrangère » qui amène de l’ailleurs est essentielle moins pour que le dispositif fonctionne, soit « efficace » que pour permettre que la question se prolonge et se révèle dans toute sa complexité.
Je précise, ce n’est pas un débat : c’est une proposition performative et conversationnelle durant laquelle nous allons faire circuler une question. L’origine de cette journée provient d’une invitation adressée par Karelle Ménine, cheffe de projets littérature pour Mons 2015, qui souhaitait, dans le cadre des multiples propositions qu’elle a initiées pendant cette année, faire une place à la question du numérique. Mais une place qui, précisément, l’articule intimement avec la question de la littérature. Dans nos échanges, c’est la figure du lecteur qui est apparue comme celle permettant de reprendre l’interrogation en dehors des cadres dans laquelle nous trouvions, elle comme nous, que le numérique a tendance à se « débattre ». Conférences, colloques ou groupes de travail assez fermés (pas toujours par choix des acteurs mais par difficulté à faire connaître ces initiatives...). Mais vouloir éviter une certaine manière d’approcher la question comme de la mettre au travail ne nécessitait pas simplement de proposer cette forme conversationnelle, mais d’aller chercher les voix de celles et ceux qui pensent qu’ils ne sont pas légitimes pour en parler ou qu’ils ne sont pas concernés.
C’est donc à partir de toutes ces voix collectées que nous tissons la dramaturgie de la journée et tout particulièrement du premier moment d’introduction qui se doit de faire résonner la question autrement que sous la forme du thème du jour. Pour cela nous composons une écriture hybride faite de lecture, de création sonore à partir des entretiens, de montage de textes et d’images qui apparaissent en direct sur les deux écrans qui resteront actifs durant toute la journée. Dès leur entrée, les participants (nous attendons entre soixante et quatre-vingt personnes) s’assoient à l’une des tables installées au plateau et, qu’il soit libraire, simple lecteur, artiste numérique..., chacun se trouve assis avec quatre autres personnes, de savoir autre, et qu’il ne connaît probablement pas. Après l’introduction évoquée, un premier temps de conversation, aux tables, est amorcée et nous (kom.post sera fait, cette fois, de l’artiste Julie Morel et de moi-même, accompagnées par le graphiste Jérémie Nuel) entendons ce qui se dit sur chacune sans obliger les participants à prendre la parole pour l’ensemble de la fabrique. Chacun reste concentré dans l’échange de sa table et, en même temps, par notre travail, peut se situer par rapport à la conversation collective. En effet, nous retranscrivons et projetons sur écran les échanges, créant des connexions entre des tables séparées ou entre ce qui se discute et certains référents que nous avons collectés en amont (sur le terrain ou dans nos recherches bibliographiques...). La dynamique de la conversation se rend visible, elle fait trace et, par là, mémoire immédiate que nous allons archiver grâce à la mise en place d’un dispositif de publication hybride, basé à la fois sur une captation en temps réel et un fond de contenu, l’ensemble se trouvant ensuite déployé vers différents supports de publication immédiate. Seront ainsi édités, en utilisant uniquement des logiciels libres, des petits livrets permettant tout autant de se faire support, pendant la journée, des nouveaux échanges que de constituer, pour chacun des « fabricants » de cette journée, l’inscription d’une traversée que nous allons, en quelques sortes, écrire ensemble.
Edmond Vandercammen ou l'architecture du caché (essai d'analyse sémantique)
À propos du livre (texte de l'Avant-propos) Edmond Vandercammen a publié 22 recueils poétiques entre 1924 et 1977, et une quinzaine d'études critiques; il traduisait depuis les années trente les poètes de langue espagnole; il entretenait des contacts personnels et épistolaires avec de nombreuses personnalités du monde culturel et littéraire, était membre de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Plusieurs revues lui ont rendu hommage par un numéro spécial et la célèbre collection «Poètes d'aujourd'hui», aux éditions Pierre Seghers, lui a consacré le tome 124. D'autre part, ses uvres, reçues lors de leur parution avec un enthousiasme sincère, comme la presse et sa correspondance en témoignent, n'ont guère trouvé de lecteurs hors du milieu proche de la vie littéraire et n'ont plus été réédités. Les enquêtes réalisées auprès des libraires de Bruxelles nous ont prouvé que ses livres, dans la mesure où ils se trouvent en librairie, n'ont plus d'acheteurs. S'agit-il simplement d'un phénomène général lié à la situation sociale de la poésie d'aujourd'hui, ou bien la poésie d'Edmond Vandercammen fait-elle objet d'un paradoxe, d'une contradiction qui demande une explication? Son uvre, est-elle liée trop étroitement à son temps, et donc périssable, ou bien le dépasse-t-elle au point que seuls quelques initiés et ceux qui étaient proches de lui ont pu mesurer son importance? Jouissait-elle d'une conjoncture littéraire exceptionnelle des années trente ou des années cinquante, conjoncture dont a largement profité la génération née autour de 1900? Toutes ces questions nous ramènent à une constatation et à une réponse d'ordre général : surestimé ou sous-estimé en même temps, Edmond Vandercammen, s'il n'est pas méconnu, est certainement mal connu. Entouré d'amis, de poètes et d'admirateurs, vivant dans un monde paisible et apparemment hors des conflits et des difficultés que connaît notre société, il a pu s'affirmer, s'assurer une estime et une reconnaissance par-fois trop généreuses pour qu'elles puissent comporter aussi un jugement critique. Excepté quelques analyses approfondies. les articles qui lui sont consacrés témoignent avant tout d'une admiration sincère certes, mais qui n'aboutit pas toujours à une appréciation juste de l'uvre. Si notre but est donc de rendre justice à ce poète mal connu. nous devons tenter un jugement objectif. Et ce n'est pas lui faire une faveur spéciale que de souligner avec lui que juge-ment objectif ne veut pas dire jugement froid, «raisonné», contre lequel, pris à la lettre. il s'est clairement prononcé. Cependant, il nous paraît essentiel de tenter ce jugement objectif à travers ses textes poétiques et de montrer ainsi les correspondances entre l'homme et son univers, entre le poète et son oeuvre, entre la poésie et…
C'est la fête pour cette jeune et jolie institutrice qui attend sa nomination dans une école rurale.…