La Lettre du jeune travailleur est l’un des derniers textes en prose de Rilke. Le poète donne la parole à un jeune employé dans une usine qui travaille dans un bureau et s’occupe de l’entretien d’une machine.
Il écrit à un poète dont on a lu des poèmes à une réunion à laquelle il a assisté. Il l’admire et voit en lui un maître qui célèbre l’ici-bas. Le jeune travailleur qui est chrétien explique au poète pourquoi il a pris des distances avec le Christ. Il n’y a pas pour lui d’installation dans la religion. Le Christ est un geste, pas un séjour. Peu à peu, au cours des siècles, la religion a aliéné et dégradé l’ici-bas. Elle nous a détourné vers un au-delà en appauvrissant le lieu où nous vivons – la seule terre. C’est ce détournement, cette imposture que dénonce le jeune travailleur. À la puissance de Dieu, il veut substituer la puissance de nos sens, rabaissés, défigurés, refoulés par la christianisme. Le péché s’est…
Auteur de "Ici-Bas"
Les Cultures de la Belgique, vues par le réseau français au Maroc
Au Maroc, le réseau culturel français, animé d’une curiosité, voire d’une sympathie active pour la production belge (culturelle, éducative et linguistique) – surtout si elle garde le label belge –, a généré une reconnaissance diffuse de la « mode belge ». Le désir est bien là, de la valoriser dans les Instituts français, sans se l’approprier, en respectant son autonomie par rapport à la production française. Si la production se présente sous un label communautaire, c’est la production flamande qui recueille le plus de suffrage, conformément au principe d’empathie exotique qui veut que l’on accorde plus d’égard à ce qui vous ressemble le moins. La Francophonie, en tant qu’entité politique, ne bénéficie pas du même crédit. Certains responsables français n’hésitent pas, en réunion multilatérale, à se demander « ce que ce concept veut dire ». Ils prennent alors un ton incrédule, voire moqueur, et se lancent dans de longs questionnements sur la « littérature-monde ». D’autres toutefois, moins nombreux, adhèrent pleinement à l’entité multilatérale francophone et comprennent l’intérêt de se présenter – fût-ce une semaine par an – sous cette bannière, qui rassemble tout de même 200 millions de locuteurs. Et qui offre un bassin d’emplois attractif à ceux qui décident de se perfectionner dans cette langue. Dans les réunions multilatérales où se prépare la Journée internationale de la Francophonie, seuls les Belges et les Québécois valorisent une optique plus ludique, valorisant la créativité au risque de quelques entorses à la régularité de la langue. Sont alors proposés, parmi les poètes à faire découvrir aux étudiants maghrébins, les noms de Jean-Pierre Verheggen ou Robert Charlebois. La créativité que l’on s’autorise au Sénégal ou en Belgique par rapport à la langue convenue, apparaît souvent comme la première découverte de la liberté aux yeux des responsables locaux, formatés à la « langue unique ». C’est donc possible, puisque Sénégalais et Belges le font ! En matière littéraire, les plus novateurs des animateurs français s’autorisent à évoquer le rôle souvent castrateur d’une philosophie normative de la littérature, qui soumet la créativité à une référence centralisée du beau. Dans la foulée, les responsables éducatifs marocains envisageront alors de remplacer la dictée par une incitation à créer un journal d’école où les élèves peuvent exprimer, en français, une approche subjective du monde. Et tous ensemble s’ouvriront à l’idée de voir offrir aux lauréats du concours, à côté du Larousse et du Bescherelle, des chansons de Brel ou des bandes dessinées de Franquin. © Daniel Soil,…