Elles sont chercheuses, entrepreneuses, artistes, journalistes, juristes et fabriquent chaque jour l’égalité de genre, d’origine, de culture et de classe.
De quelles racines ont germé leurs ailes ? De mères et de grands-mères pionnières qui partagent trois points communs : l’exil, la solitude à leur arrivée en Belgique et la résilience. Toutes ont vécu le déclassement social et le désenchantement pour pouvoir offrir à leurs jeunes héritières une place dans la société belge. Elles peuvent être fières.
En sortant de l’ombre leurs tranches de vie uniques, leurs (petites-) filles racontent la « grande » histoire du déracinement, un récit collectif de l’immigration féminine d’ascendance africaine, souvent négligé, exotisé ou méprisé. Dans ces pages, elles racontent aussi les moments de joie, les rituels, les souvenirs de fêtes et les notes de musique ; car les vies de ces mères et grands-mères ne se réduisent pas à de tristes trajectoires de labeur. Elles sont faites d’éclats de rire, du sens de la beauté, de la force de la communauté, de sagesse et de spiritualité, de dignité et d’humilité, de solidarité avec les proches laissés au pays et d’amitiés inestimables dans le pays d’accueil.
Parce que l’écriture autobiographique est une façon de transmettre soi-même l’Histoire, ce livre est dédié à toutes les héroïnes de l’ombre qui la font.
L’Association ParagraFes vise à permettre à toutes les femmes de se réapproprier leur parole et leur parcours de vie par le récit autobiographique et, par là-même à favoriser la transmission intergénérationnelle. Ce recueil collectif, publié sous la direction de Manuela Varrasso, s’inscrit dans cette démarche et rassemble des hommages qui saluent l’héritage reçu des mères et grands-mères.Elles sont huit et elles portent à leur manière le combat pour l’égalité sous toutes ses formes. Elles exercent un métier en vue et se sont fait un nom dans notre pays. Elles sont chercheuses, entrepreneuses, artistes, journalistes ou juristes et elles conjuguent souvent plusieurs de ces activités avec bonheur dans des démarches collectives.…
L’Instant précis où Monet entre dans l’atelier
Jean-Philippe TOUSSAINT , L’instant précis où Monet entre dans l’atelier , Minuit, 2022, 32 p., 6,50 € / ePub : 4,99 € , ISBN : 9782707347831Il faut remercier Ange Leccia. En effet, l’artiste, qui présente son œuvre ( D)’Après Monet au musée de l’Orangerie du 2 mars au 5 septembre de cette année, a donné envie à Jean-Philippe Toussaint d’écrire sur Monet. Et c’est un délice de livre minute, dans un format que l’auteur pratique régulièrement depuis La mélancolie de Zidane , une fulgurance. L’instant précis où Monet entre dans l’atelier s’ouvre sur la phrase du peintre : « Je suis si pris par mon satané travail qu’aussitôt levé, je file dans mon grand atelier ». Une phrase simple en apparence, et qui a déclenché la rêverie puis le travail de Toussaint. L’auteur de La télévision , dont le narrateur ne parvenait pas à avancer dans son essai sur Titien, nous invite à tourner autour de cette image, de pénétrer dans l’atelier du Maître, plus précisément à « saisir Monet là, à cet instant précis où il pousse la porte de l’atelier ». Nous sommes en 1916. Monet travaille aux grands panneaux des Nymphéas . Non loin de Giverny, la guerre fait rage, et Monet se réfugie dans son atelier. Le texte se compose de neuf longs paragraphes qui s’entament de la même manière, l’ouverture de la porte. Chaque période explore une des frontières que l’artiste est en train de traverser à cette heure matinale. Monet oscille. Il est « entre la vie, qu’il laisse derrière lui, et l’art, qu’il va rejoindre ». Entre l’ombre de la nuit et la lumière du jour. Entre deux âges. Entre la vie et la mort. Il travaille « dans l’incertitude », n’ayant aucune idée du destin des Nymphéas , dont il ne sait pas bien quoi faire, ni comment les agencer, qu’il travaille à ne pas finir. Car finir, c’est mourir. « Jamais, de son vivant, il ne laissera les grands panneaux quitter l’atelier pour rejoindre l’Orangerie ».C’est cette oscillation, cette incertitude, que Toussaint place au cœur de son texte, et dont on sait qu’elle participe à une thématique qui le fascine depuis ses premiers romans et essais. Il faut relire L’urgence et la patience , où il tente de révéler le passage entre la lente maturation intérieur et le déclic, le geste de la création. Il faut relire La mélancolie de Zidane , qui s’attache à saisir l’instant précis où tout bascule, et qui creuse déjà l’importance de ne pas finir . Bien entendu, il faut lire et relire l’œuvre romanesque de Jean-Philippe Toussaint, une des plus raffinées et puissantes tout à la fois de la littérature française contemporaine, et qui foisonne de ces situations, personnages, lieux entre deux .Tout est affaire de précision en matière d’équilibre. Une goutte de pluie peut faire chuter le funambule le plus adroit. Dans le cas de Toussaint, l’ entre deux vibre et atteint l’harmonie. La mécanique de ses phrases est d’une telle finesse, la composition de ses tableaux d’une telle subtilité, que le lecteur croit voler alors qu’il marche sur un fil.Dans L’instant précis où Monet entre dans l’atelier , dès le début, le « je » de Toussaint est là, qui s’insère dans les lieux et se murmure en aparté. « C’est le moment du jour que je préfère, c’est l’heure bénie où l’œuvre nous attend ». Toussaint a rêvé Monet, et il partage ce rêve avec nous. Il parle de création, donc il parle aussi de lui. L’équilibre est parfait. Nous pénétrons avec lui dans l’atelier. Nous voyons le soleil se lever. Nous trouvons dans la beauté un refuge à la violence du monde. Et nous nous efforçons de ne pas finir. De rester entre deux . Nicolas…