Géologie

PRIX
  •   Prix Max Jacob
À PROPOS DE L'AUTEUR
Henry Bauchau

Auteur de Géologie

Né à Malines, le 22 janvier 1913, Henry Bauchau voit sa petite enfance marquée par la première guerre et son entrée dans la vie active perturbée par la seconde. En 1914, la séparation prolongée avec sa mère entraîne chez lui un sentiment d'exil affectif qui sera difficilement surmonté. Plus tard, la honte de la capitulation de 1940, la déception face à l'échec des Volontaires du travail pour la Wallonie qui précède son engagement dans la Résistance, et la suspicion douloureuse des autorités militaires de l'après-guerre contribuent à le déstabiliser. Il a alors recours à la psychanalyse. Ce sera le geste décisif de sa vie, car son choix de l'analyste se porte sur Blanche Reverchon, l'épouse de Pierre Jean Jouve, qui fait peu à peu découvrir par celui qui se croyait homme d'action qu'il pourrait bien être homme d'écriture. Henry Bauchau entame alors sa carrière littéraire parallèlement à ses activités professionnelles en tant que directeur d'un collège international en Suisse jusqu'en 1973, puis comme psychothérapeute à Paris. Venu tardivement à la littérature, il prend toutefois une place de première importance, comme en témoignent les nombreux prix attribués à son œuvre, traduite en plusieurs langues, et son élection le 9 juin 1990, à l'Académie royale de langue et de littérature françaises où il succède à Robert Vivier. La première forme littéraire qui s'impose à Henry Bauchau, et qui sous-tend l'ensemble de son œuvre, est la poésie. Son premier recueil, Géologie (1958), s'inscrit dans la violence d'un mal-être et tente l'exploration des couches profondes du moi. Une première pièce de théâtre, centrée sur la figure de Gengis Khan (1960) reprend cette thématique en présentant un héros dans une situation qui caractérisera tous les grands personnages ultérieurs : partant du désastre, il trouve dans son dénuement même la liberté et l'énergie nécessaires à sa remontée. Par la suite, dans le recueil L'Escalier bleu (1964) et le roman La Déchirure (1966), l'œuvre prend un ton plus intime pour évoquer les liens filiaux. Parmi les nombreux traits communs de ces deux textes, le motif de l'escalier bleu, détail de la maison maternelle, et le personnage de Mérence, substitut maternel, prennent une signification orphique; il s'agit de valoriser la descente et la perte, car Mérence doit, comme Euridyce, disparaître pour que la vocation poétique se réalise. Entreprenant une psychanalyse didactique avec Conrad Stein, Henry Bauchau écrit une seconde pièce de théâtre, La Reine en amont, qui paraît initialement sous le titre La Machination (1966). Si le contexte historique est la jeunesse d'Alexandre le Grand, c'est la mère de celui-ci, identifiée à Jocaste, qui s'avère au cœur du récit, montrant comment l'absence maternelle est liée à la possessivité abusive du père. Cette mise en question de la fonction paternelle se poursuit dans le roman Le Régiment noir (1972), réhabilitation imaginaire de l'héroïsme du père sur fond de guerre de Sécession. Le récit fait entrevoir les forces contraires qui s'agitent en tout homme par la coexistence de deux héros : un blanc, qui exprime le rationalisme occidental et la violence destructrice à laquelle il peut conduire, et un noir, qui fait entrevoir la puissance pacifique de la pensée archaïque. En ces années paraissent également trois recueils poétiques, La Pierre sans chagrin (1966), La Dogana (1967) et Célébration (1972), où le poète traduit le dépassement des oppositions apparentes par une utilisation frappante de l'oxymore. Au début des années septante, suite à la chute du dollar, Henry Bauchau est contraint à fermer l'Institut Montesano et à se chercher une nouvelle existence. Il rédige simultanément un essai monumental sur Mao (1982) et un recueil poétique, La Chine intérieure (1975). Sa révolution personnelle s'exprime ainsi par les voies littéraires. Au moment où il oriente sa vie professionnelle vers la thérapie, il rédige La Sourde Oreille ou le Rêve de Freud (1981), un long poème narratif qui témoigne de ce qu'une même espérance porte le psychanalyste et le poète : celle d'accéder, par la parole, aux régions les plus intimes de l'être où s'érige le désir vrai, où se forment les fantasmes et les mythes. Peu à peu, Henry Bauchau parvient à cerner la configuration mythique qui organise son œuvre. S'ouvre alors, avec le recueil Les Deux Antigone (1986) et le roman Œdipe sur la route (1990), un cycle œdipien qui comprend le récit Diotime et les lions (1991). Le journal Jour après jour (1992) retrace la lente élaboration du roman, qui manifeste un déplacement de l'intérêt du mythe vers les modalités de la reconstruction personnelle d'Œdipe : la pratique de l'art et la présence aimante d'Antigone. Tournée au départ vers des valeurs viriles et guerrières, l'œuvre témoigne ainsi d'une mise en évidence progressive des qualités féminines de l'intériorité. En 1995 et 1997, il complète le cycle œdipien par les récits Les Vallées du bonheur profond et le roman Antigone. En 2004 est publié L'Enfant bleu, roman qui raconte les années décisives du traitement d'un jeune psychotique par une longue thérapie par l'art. En 2005 il sort un recueil de poèmes Nous ne sommes pas séparés. Toujours évolutive, l'œuvre, qu'elle prenne une forme poétique, dramatique ou narrative, se présente dès lors comme un cheminement. Sous-tendu par une volonté d'élucidation tant individuelle que collective, cet itinéraire au ton grave prend la forme de la quête d'un Graal mystérieux; ce que l'on n'a pas pu dire au moment essentiel, ce qui s'est tu, les blessures personnelles comme les plaies de l'Histoire, trouve peu à peu à s'exprimer dans la fiction. C'est pourquoi l'écriture allie la simplicité de la langue (la recherche du mot juste) à la complexité du sens, car tout est lisible à différents niveaux : si le sens premier est épique (l'aventure des conquérants) et le sens second intérieur (la conquête de soi), un sens troisième permet d'entrevoir une dimension sacrée, soit par l'entremise des mythes, soit par la mise en jeu de rituels archaïques. Il est mort le 21 septembre 2012.

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:xfirstword - "Géologie"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9294 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Slam femme & autres textes

Laurent Demoulin (1966) a étudié à l’université de Liège, où il a reçu les enseignements de Jacques Dubois et de Jean-Marie Klinkenberg. Il y enseigne aujourd’hui. Son premier roman, Robinson , obtint le prix Victor-Rossel 2017. Son frère, le peintre Antoine Demoulin , dit Demant, illustre le présent recueil. Il avait déjà publié d’autres dessins en frontispice d’autres recueils : Filiation , Même mort , Palimpseste insistant et l’édition revue et largement augmentée d’ Ulysse Lumumba . Les deux frères avaient aussi publié une œuvre singulière à quatre mains, Homo saltans , où le texte et l’image s’entrelacent en un pas de deux très réussi. «  Rien de plus déprimant que d’imaginer le Texte comme un objet intellectuel (…). Le Texte est objet de plaisir  » écrivait Roland Barthes . Ce Bookleg de Laurent Demoulin recèle, dans son apparente diversité, de nombreux plaisirs stylistiques. Le choix des textes ne retient que des pièces destinées à être lues à haute voix. Slam femme est donc la juxtaposition d’une forme et d’un thème : la narration scandée librement, de manière rythmée, avec pour personnage central Greta Thunberg, jeune autiste Asperger et militante écologique. L’autisme, thème central de son remarquable roman Robinson , est donc une fois de plus présent chez l’auteur dans ces poèmes sous forme imprimée de textes destinés d’abord à l’oralité :(…) Ta pure volonté oui-autiste et sévèreQue tu deviens persona non grataChez les gris grisonnants qui méprisent le vert,Mais pour nous Great Greta, à jamais et basta !Tu es persona Greta (…)Que ce soit dans le domaine thématique ou stylistique, Slam femme & autres textes n’est pourtant ni disparate ni réducteur. Car la thématique de l’autisme pose une série de questions ayant trait à nos rapports au monde et aux autres.Utilisant la rime et les formes de manière à la fois classique et assez libre, avec des pastiches  empruntés à l’histoire de la poésie française, de la Renaissance à l’Oulipo et à la chanson contemporaine, Demoulin joue avec la langue et les images, la syntaxe et le vocabulaire, manie l’humour et le double sens, comme avant lui, celui qui, le premier, fit du slam à Liège : Jacques Bernimolin (1923-1995), auquel Demoulin consacra une belle approche critique . À propos de ce poète atypique, Izoard disait : «  Jeux de mots, calembours, cut-up, détournement de sens, faux lyrisme, humour décapant, sentimentalisme à rebrousse-poil, voilà quelques-uns des procédés utilisés par ce poète à la fois tendre et doux-amer  ». Malgré leurs différences, les manières d’écrire, chez Bernimolin et Demoulin, font indubitablement partie de la même parentèle. Mais derrière le ludisme des formes, on perçoit la gravité des interrogations : Bernimolin aborde des atmosphères oniriques et parfois angoissantes, Demoulin traite de problématiques sociétales qui bouleversent notre civilisation et n’ont rien d’apaisant : la violence, envers la Nature, les femmes, l’être humain comme l’interrogation de nos identités et modes de vie y sont présentes.Un autre type de violence est celui qui réside dans tout type d’incommunicabilité. Sur ce plan, l’autisme est exemplaire. À propos du roman Robinson , J.P. Lebrun écrit  : «  La pertinence clinique de ce véritable travail d’écriture auquel s’est tenu Laurent Demoulin tient précisément dans ce qu’il nous fait partager ce à quoi Robinson n’accède pas, à savoir ce qu’implique ce que l’auteur appelle « la quatrième dimension – celle du langage – dans laquelle il est si douloureux d’entrer – car on y rencontre le mot ‘mort’ et le mot ‘jamais’ – et dont il est impossible de sortir «  . Tout dans la description particulièrement fine de cette co-vivance entre père et fils, tout vient nous rappeler que n’a pas pu prendre place entre eux ce lien via le langage articulé qui définit notre espèce. » C’est pourtant dans cette coexistence entre le Livre et une autre écriture (l’écriture de l’Autre) , pour le dire comme Barthes, que survient la possibilité d’une compréhension des fragments réciproques de nos quotidiennetés et donc un désamorçage de la violence. Cette problématique est particulièrement sensible dans un poème comme « Minimum minimorum  » et la série intitulée « Poèmes que je n’écrirai qu’une seule fois ».Au-delà de l’éblouissante virtuosité verbale de Demoulin, son inventivité, ses traits ludiques, sa capacité de mise à distance et son oralité, on sera attentif à la dramaturgie de l’être humain, à ses silences, ses murs intérieurs, ses souffrances et à la violence innée qui l’habite, aux peurs qui déterminent ses rapports aux autres et au monde…                                                                     …

La poésie francophone de Belgique (Tome III) (1903-1926)

Le premier tome de cette anthologie comportait les poètes nés entre 1804 et 1884, période connue et convenablement étudiée…

Feux dans la nuit

Feux dans la nuit rassemble l'essentiel de l'œuvre poétique de Colette Nys-Mazure…