Fernand Severin. Le poète et son art


RÉSUMÉ

À propos du livre (Texte du 1er chapitre intitulé «Enfance et adolescence» de l’Introduction)

Parmi les souvenirs auxquels se plaisait un poète si peu prodigue de confidences, on ne saurait négliger ceux qu’il évoquait en nommant la ferme de Pinteville, «isolée au milieu des campagnes, à un quart d’heure du village de Grand-Manil dont elle dépend».



DOCUMENT(S) ASSOCIÉ(S)
Lire un extrait

I. — IMAGINATION ET SENSIBILITÉ

A) Une poésie de l'âme

De la lecture de Severin, on sort comme d'un long silence au cours duquel on s'est replié sur soi-même, détaché des contingences, pour écouter en soi murmurer une âme. œuvre entière, du Lys renié à la Source au fond des bois, laisse une impression de nostalgie; on la quitte à la fois purifié d'égoïsme terre à terre et isolé dans un monde de raffinements et de contemplations. On se sent haussé, mais centré. Autour de soi, l'univers s'est rapetissé, vu de loin, c'est-à-dire du dedans de l'être. La nature semble s'être réduite, quintessenciée. Des hommes, nul souvenir. L'Amour, jusqu'à la Solitude heureuse, s'est assis à nos côtés noblement, insaisissable et proche. Mais d'un bout à l'autre, le coeur s'est ouvert, l'âme a parlé…

La poésie de Severin, c'est bien un chant intérieur, un murmure, une plainte ou une extase, les yeux fermés. Les poèmes du Lys, c'était déjà cela, moins abstraitement, plus charnellement. L'œuvre autorisée s'est elle-même comme purifiée; mais le champ visuel ne s'en est pas agrandi, bien qu'il y paraisse dans la Source au fond des bois. Car, pour le lecteur, et du point de vue de l'émotion, le champ poétique est rétréci : celui que Severin invite à contempler simplement la nature et les cieux, s'il le suit, continue avant tout de l'écouter, lui, le Poète, et de se chercher, de se découvrir en lui. Il termine ainsi, aux confins du réel, les étapes d'un rêve dont il fut le centre.

Qu'est-ce à dire sinon que le créateur de cette œuvre a proposé à son lyrisme le cœur plutôt que le monde et que les autres hommes, l'esprit plutôt que la matière, l'«ineffable» de préférence au saisissable ou à l'imaginable, aux harmonies de l'univers, aux chimères du Passé ou de l'Avenir? Ce poète-là exalte le cœur et le replie sur lui-même. Noble égotisme où se reflète le souvenir des choses, où viennent mourir les passions humaines, mais où persiste leur essence : la poésie de Severin est vraiment essentielle…

Nous l'entendons bien : elle ne projette pas vers des visions, ni ne requiert par les images. Cependant nulle n'a plus d'attaches avec la vie, avec la nature, n'est plus fondue en elles, ne les suggère davantage, sinon celle de Lamartine, du Lamartine des Méditations et non du Lamartine des Harmonies. Le cri de l'auteur du Lac :

Objets inanimés, avez-vous donc une âme…,

c'est celui de Severin :

Quels occultes liens nous unissent au monde!

Mais avec une différence : c'est que Severin, lorsque lui aussi voudra ajouter des cordes à sa lyre, ne dépassera guère le stade de la sensibilité. Sa poésie ne s'élargira pas. Au contraire, elle s'anémiera au fur et à mesure que les sensations se déchargeront de leur potentiel lyrique. Elle s'épurera, se clarifiera; mais elle restera identique dans sa source : le cœur, l'être entier réagissant, selon un mode unique de l'imagination, au branle du désir ou de la pensée, ou bien encore aux excitations extérieures.
Table des matières

LA VIE ET L'ŒUVRE

ENFANCE ET ADOLESCENCE

LA CARRIÈRE POÉTIQUE

LE SILENCE

LIVRE I : LE POÈTE ET SON IDÉAL ARTISTIQUE

I. IMAGINATION ET SENSIBILITÉ
A) Une poésie de l'âme
B) L'organisation sensorielle
C) L'aide à l'imagination

II. LES LUTTES D'UN POÈTE.
A) L'étrange science
B) Un idéal d'expression
C) L'abandon d'un thème
D) Le poète naturiste et ses faiblesses

III. L'IDÉAL POÉTIQUE
A) L'inspiration
B) Les «arts poétiques»

LIVRE II : L'ART DE LA COMPOSITION

AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:poète âme poésie mère cœur vie nature monde imagination enfance auteur - "Fernand Severin. Le poète et son art"
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => Array ( [0] => 9174 ) )

Ceci pourrait également vous intéresser...

L’Affaire De Coster | Van Sprang

À propos du livre Un dossier inédit, découvert…

Les influences anglo-saxonnes sur les lettres françaises de 1850 à 1880

À propos du livre Cette étude voudrait retracer l'action générale des influences anglo-saxonnes sur nos Lettres françaises de Belgique, de 1850 à 1880. L'Angleterre victorienne resplendit alors; les États-Unis conquièrent leur rang, imposent leur génie ; notre littérature, elle, malgré Van Hasselt, de Coster, Pirmez, semble marquer à peine sur la carte du Réalisme international. Il semble même que des temps ingrats soient revenus pour l'art, après ces années de 1815 à 1850, dont M. Gustave Chartier, dans Le Mouvement romantique en Belgique, a entrepris de révéler tout l'intérêt, montrant le dynamisme des influences étrangères et, parmi elles, des anglo-saxonnes. C'est le destin de ces dernières que nous suivons au cours des trois décades qui nous séparent encore de la Jeune-Belgique. Nous tenterons de dire leur sens dans sa plénitude, tel que nous le démêlons de l'écheveau cosmopolite et comme nous l'a livré l'analyse d'une vie intellectuelle, où littérature, philosophie et politique…

Présence au monde. Essai sur la poétique de Georges Thinès

«  Il importe de voir toujours plus haut, toujours plus loin, pour atteindre une vérité sans doute quasi inaccessible.  »La première phrase donne le ton de l’essai que Valérie Catelain consacre à Georges Thinès, et qui paraît quelques semaines après la mort de celui-ci, le 25 octobre 2016 , sous le beau titre Présence au monde .Une présence intense, portée par une curiosité et une exigence indéfectibles. Homme de sciences et écrivain, Georges Thinès nous laisse une œuvre multiple, foisonnante, qui allie l’art d’écrire et la passion de la connaissance.Quelques repères sur le chemin d’une vie : né à Liège en 1923, il a connu une enfance heureuse en Campine dont le paysage s’est fixé en lui. Marquée par l’empreinte du père ingénieur, merveilleux pédagogue, qui l’initie aux sciences naturelles lors de leurs promenades dans la campagne, lui apprend les langues pour lesquelles l’adolescent manifeste un don certain, qu’épingle Valérie Catelain : «  Georges Thinès peut enseigner ou écrire avec la même faconde en français, en néerlandais, en anglais ou en allemand, mais encore, improviser un discours en latin ou en grec ! Il a écrit une série de poèmes latins – de superbes hexamètres dactyliques – sous le pseudonyme de Vulturnius, qui ont mystifié plus d’un philologue chevronné.  »Son père l’ouvre aussi à la musique : dès ses dix ans, il commence l’étude du violon, qui ne le quittera plus. La musique le pénètre, l’exalte, comme la littérature.Georges Thinès enchaîne humanités gréco-latines, qu’il achève à Bruxelles où la famille s’est installée ; candidature en philosophie et lettres à la faculté Saint-Louis ; licence en psychologie à l’université de Louvain.«  Le choix de la psychologie , observe l’auteur, représente un tournant décisif parce qu’il y voit le moyen de concilier intérêts philosophiques et intérêts scientifiques.  »Il fonde en 1965 le Centre de psychologie expérimentale et comparée de l’université et, deux ans plus tard, la faculté de psychologie.Parallèlement, il s’est lancé dans des recherches en éthologie dont il deviendra un spécialiste reconnu, premiers jalons d’une œuvre scientifique largement centrée sur le comportement animal, dans la ligne de Konrad Lorenz. Œuvre couronnée par le prix Francqui en 1973. Professeur visiteur à de nombreuses universités (Copenhague, Southampton, Cracovie…) et au Collège de France, Georges Thinès est élu en 1979 à l’Académie royale des sciences de Belgique. Un an après son élection à l’Académie de langue et de littérature, au fauteuil de Marcel Thiry.Ainsi était saluée l’œuvre littéraire, qui débutait par un recueil de poèmes aux éditions des Artistes, en 1959, Poésies , mais embrasse tous les genres.Le roman, dont il disait se méfier, ce qui ne l’empêchera point d’en écrire plusieurs, qui le révèlent «  romancier de l’enfance et de l’ambiguïté du réel  » : Les effigies , Le tramway des officiers , prix Rossel 1974, L’œil de fer , La face cachée …Le récit : La statue du lecteur , Le désert d’Alun …La nouvelle : L’homme troué , Le quatuor silencieux …La poésie : L’aporie suivi de Stèle pour Valéry , le poète dont l’influence fut déterminante, Théorèmes pour un Faust , Connaissance de l’Erèbe , L’exil inprononcé , Mer intérieure …Le théâtre, souvent insolite : Orphée invisible , La succursale , L’horloge parlant. L’essai : Le mythe de Faust et la dialectique du temps , un mythe qui a hanté Georges Thinès et dont il propose une vision résolument originale, Victor Hugo et la vision du futur , Rimbaud, maître du feu …Ce parcours brillant, fêté, honoré, Georges Thinès le considérait d’un œil serein : «  Je n’ai pas cherché le succès, mais toutes les récompenses m’ont été offertes : le prix Francqui pour mon œuvre scientifique, le prix Rossel pour un roman, l’élection aux Académies… J’ai toujours voulu être gagnant, je le reconnais, mais pour la bonne cause, celle de la création intellectuelle.  »L’auteur sonde les différentes formes qu’a prises l’écriture de Georges Thinès, «  vécue comme une aventure au cours de laquelle la vie se recrée  ».Dégage des thèmes majeurs : entre tous, le temps («  La fatalité du temps détermine l’irrésistible impulsion à écrire. Écrire revient à refuser l’oubli, à contrer la mort, c’est recomposer d’instant en instant le monde qui se désagrège sans fin autour de soi  »).La musique, dont la présence est constante (Mozart, Beethoven, Schubert, Mahler…). Mais aussi «  la précarité des civilisations, la fascination que leurs traces laissent à notre méditation, la recherche du père  ».S’il n’a jamais été attiré par la poésie surréaliste, l’écrivain a été sensible aux  enjeux de ce mouvement ; à ces « perpétuels chevauchements entre le monde réel et le monde du rêve  ». À la peinture surréaliste aussi, singulièrement celle de Magritte.Sur les pas de Valérie Catelain, nous retraversons une œuvre qui s’apparente à une réflexion vivante, inépuisable, appuyée sur la quête essentielle de la connaissance, et au cœur de laquelle se conjuguent création artistique et métaphysique. Le mystère poétique et l’idée philosophique.«  Vivre est aussi sans doute rêver ce que l’on vit. La vision intérieure a bien plus de consistance que la réalité.  »…