Auteur de Exister, résister. Ce qui dépend de nous
Après son très remarqué Global burn-out, après L’Âge des transitions, le philosophe Pascal Chabot nous livre un essai ambitieux interrogeant les articulations à inventer entre existence et résistance.À partir d’objets matériels tels que le verre, le siège, l’écran, Pascal Chabot déplie une analytique de l’existence qui montre combien le verre induit une relation entre dedans et dehors, distribue des rapports singuliers entre intérieur et extérieur. Henri Lefebvre, les situationnistes avaient pointé le rôle imparti à l’architecture dans la domination des corps et des esprits et déclaré qu’afin de changer la vie, il fallait changer la ville. Analysant les paradoxes d’une technologie qui nous dépossède de nos choix alors qu’elle prétend nous…
Lettre à Greta Thunberg. Pour en finir avec le XXème siècle
Laurent DE SUTTER , Changer le monde , Observatoire, coll. « Et après ?», #11, 2020, 38 p., ePub : 1.99 € , ISBN : 979-1-03-291581-3 Ô combien roboratifs en cette époque obtuse s’avèrent les deux derniers essais de Laurent de Sutter, Lettre à Greta Thunberg. Pour en finir avec le XXème siècle et Changer le monde. Sa percutante lettre à Greta Thunberg montre combien la jeune femme a réveillé nos consciences endormies, pointé notre déni, secoué notre inaction. Par son surgissement inattendu, insolite dans l’espace public, elle a introduit une nouvelle différence là où régnait une criminelle indifférence. Laurent de Sutter interroge la mobilisation planétaire sans précédent que Greta Thunberg a soulevée et la levée de boucliers qu’elle a suscitée de la part des écocidaires et des planqués, complices du système d’extermination du vivant. Elle a fait bouger les lignes en alertant sur l’urgence climatique, l’urgence à sauver les formes du vivant habitant cette Terre. Pour l’auteur, la force de ralliement, la singularité de son engagement viennent de ce qu’elle a délaissé la connaissance (qui, laissant tout en place, est complice de la dévastation écologique) au profit du savoir (savoir-pratique au sens de praxi s). Quelques salves bien décochées visent la culture d’hyperlettrés accrochés à leur trône, ceux-là mêmes qui ont conspué Greta Thunberg pour avoir transgressé les règles des discours acceptables, c’est-à-dire la police de la pensée. Or, elle est un hapax dans l’ordre discursif. On ajoutera que, souvent, les hyperlettrés sont, comme les sous-lettrés techniciens, des analphabètes de la vie. G. Thunberg se place sur le plan de la vie (mise à mort, malade, assassinée) et non sur celui des discours, de l’empire de la connaissance. Si, avant elle, il y eut de nombreux penseurs, militants, lanceurs d’alerte, son nom singularise la rencontre entre un combat et l’esprit du temps : cette cristallisation entre esprit subjectif et esprit objectif vient de la forme d’engagement qu’elle promeut mais aussi de la visibilité de la débâcle, de l’aggravation du collapsus environnemental au 21e siècle. Au 20e siècle, nombreux furent les lanceurs d’alerte, A. Naess, Yourcenar, Monod, Lévi-Strauss, R. Carlson, J. Goodall, les militants écologiques, anarchistes, les hippies qui, non seulement, ont tiré la sonnette d’alarme mais proposé des modes de penser et de vie respectueux des formes du vivant. C’est cette sagesse, cette autre manière de co-exister que l’Occident a balayées depuis les années 1980 et que les peuples autochtones que nous exterminons mettent en œuvre depuis des siècles. Dans le « pour en finir avec le XXème siècle » annoncé par le sous-titre, il faut entendre un « pour en finir » avec un paradigme bien plus ancien, hérité d’un dualisme entre l’humanité et le monde, un appel à sortir de la critique et des pièges mortifères de ce que Philippe Descola appelle le naturalisme. La différence que Greta introduit n’est pas réciprocable à la différence entre mondes, celui du 20e siècle et celui du 21e. D’une part, parce que le 20e au travers de nombreux mouvements sociaux et de pensées philosophiques a alerté sur le prix désastreux à payer pour le progrès et proposé des alternatives concrètes. D’autre part, parce que le syndrome de l’autruche, le déni du prix à payer et l’explosion du cynisme de ceux qui ont un intérêt à ce que la crise climatique s’aggrave, s’exacerbe au 21e siècle, ce que Laurent de Sutter ne manque pas de souligner. G. Thunberg met en évidence que nous vivons une crise de régime, de civilisation et que la question climatique est une guerre qui oppose gaïaphiles et gaïaphobes (Latour).Là où nombre d’essais vont jouer les pythies, vaticiner le « monde d’après », Changer le monde s’engage salutairement dans une autre voie et oppose la manière dont les Grecs concevaient les épidémies (sacrifices aux dieux) à notre perception de sa nature virale, médicale. Témoignant de la façon dont nous construisons le monde et nouons des rapports avec les règnes de la cathédrale du vivant, les épidémies sont le corrélat de notre colonisation effrénée de l’espace planétaire. L’on s’étonnera que l’auteur voie dans la pensée écologique ou anticapitaliste une volonté de s’attaquer aux seuls effets de nos choix d’être au monde alors qu’ils visent à modifier les causes, les infrastructures. La conclusion de l’essai redoublera notre étonnement : le recours à l’accélérationnisme afin de dessiner un autre monde, l’appel à « une industrie du world-building », au constructivisme d’une « industrie plus industrielle » hyperbolise une pensée prométhéenne de la maîtrise qui est précisément celle que Greta Thunberg, les penseurs écologiques congédient.…
Aux bouillonnantes Éditions Lamiroy qui ont, entre autres, déjà publié les Abécédaires Doors, Kiss, Allo Bowie ? C’est David ! et lancé une collection de nouvelles hebdomadaires (Opuscule), le trio composé des journalistes rock Jacques de Pierpont et Patchouli et de l’illustrateur, auteur de bandes dessinées, Alain Poncelet, sort un abécédaire trempé dans la passion viscérale du rock. Loin de livrer une analyse à froid du phénomène Motörhead, loin de retracer du dehors la trajectoire du mythique groupe de heavy metal, ils dessinent un voyage à l’intérieur de l’univers de Lemmy Kilmister et de ses musiciens, creusant aussi bien la nouveauté musicale, la signature du groupe (énergie rebelle, rythmique d’enfer, riffs rapides, ballades renversantes, jeu de basse très particulier de Lemmy qui donne ce fameux « son Motörhead »…) que sa place dans l’histoire du rock, ses thématiques, l’évolution au fil de leur vingt-deux albums, les frasques de leur vie privée. Si, illustré par Alain Poncelet, préfacé par la chanteuse, la Metal Queen Doro Pesch et par Philippe Close, ce Motörbook ravira les aficionados de ce groupe placé sous la devise « Everything Louder Than Everything Else », il séduira plus largement les amateurs de rock dur et sans concession, ralliera ceux qui font du rock une manière de vivre, un mode d’existence vertébré par l’esprit de la liberté et de la révolte contre l’asphyxie du système. Ni encens ni tapis rouge mais le partage d’une expérience, de la fièvre d’une musique qui change la vie : notre trio d’auteurs passe derrière le mythe Lemmy, derrière le power trio d’idoles Lemmy/Phil Campbell/Mikkey Dee (dernière composition du line up du groupe). Motörhead n’est pas une icône à qui on rend un culte, mais une bouffée d’adrénaline, un style musical qui, derrière l’image réductrice d’une esthétique de la violence, du speed rock et de la hargne, cache une sensibilité lyrique, des sommets mélodiques, un art des textes ciselés au scalpel (aberration de la guerre, aliénation de la religion, haine du conformisme, résistance au pouvoir, fringale sexuelle, profession de foi anarchiste…). De ses débuts comme roadie de Jimi Hendrix à sa collaboration au groupe de space rock Hawkind, de la formation de Motörhead en 1975 en pleine vague punk au succès mondial avec les albums Overkill, Ace of Spades, Lemmy forge un univers nourri par les racines du rock, la veine du blues, l’ heroic fantasy . Faisant sauter les faux-semblants, les entraves, dynamitant les barrières entre les genres musicaux, Motörhead a absorbé l’héritage du rock incendiaire, contestataire afin de le recréer. Il a sauvé la flamme d’une musique qui va droit aux tripes en bâtissant un langage qui influencera décisivement le speed metal, le trash metal. Que, durant quatre décennies, Motörhead ait balancé au monde non seulement une musique marquant un avant et un après-Motörhead mais aussi une philosophie de vie, un style d’être au monde, les témoignages recueillis à la fin du volume l’attestent (ceux d’Anik De Prins, de Michel Stiakakis, Marc « Temple » El Khadem…). De l’Umlaut, du tréma qui surmonte le second O de Motörhead aux bootlegs, de la créature Snaggletooth — emblème du groupe — aux collaborations musicales entre Lemmy, Slash, Brian Robertson ou des girls bands, des chanteuses comme Girlschool, Doro…, le Motörbook délivre mille et…