François DE SMET, Deus Casino, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2020, 242 p., 18 €, ISBN : 978-2130810247C’est en partant du pastafarisme — cette religion parodique et loufoque créée par Bobby Henderson en 2005 — que le philosophe et essayiste François de Smet interroge la nature des religions et s’efforce de mettre au jour les fondamentaux au principe de leur genèse. Si seule son initiale le distingue du rastafarisme, le pastafarisme n’a rien en commun avec le premier. Basé sur une divinité « faite de boulettes et de pâtes cuites », ce nouveau culte apparaissant comme un canular inoffensif entraîne un ébranlement des frontières séparant le religieux du non-religieux. Si le chrétien arbore le signe de la croix, le pastafarien…
Aux bouillonnantes Éditions Lamiroy qui ont, entre autres, déjà publié les Abécédaires Doors, Kiss, Allo Bowie ? C’est David ! et lancé une collection de nouvelles hebdomadaires (Opuscule), le trio composé des journalistes rock Jacques de Pierpont et Patchouli et de l’illustrateur, auteur de bandes dessinées, Alain Poncelet, sort un abécédaire trempé dans la passion viscérale du rock. Loin de livrer une analyse à froid du phénomène Motörhead, loin de retracer du dehors la trajectoire du mythique groupe de heavy metal, ils dessinent un voyage à l’intérieur de l’univers de Lemmy Kilmister et de ses musiciens, creusant aussi bien la nouveauté musicale, la signature du groupe (énergie rebelle, rythmique d’enfer, riffs rapides, ballades renversantes, jeu de basse très particulier de Lemmy qui donne ce fameux « son Motörhead »…) que sa place dans l’histoire du rock, ses thématiques, l’évolution au fil de leur vingt-deux albums, les frasques de leur vie privée. Si, illustré par Alain Poncelet, préfacé par la chanteuse, la Metal Queen Doro Pesch et par Philippe Close, ce Motörbook ravira les aficionados de ce groupe placé sous la devise « Everything Louder Than Everything Else », il séduira plus largement les amateurs de rock dur et sans concession, ralliera ceux qui font du rock une manière de vivre, un mode d’existence vertébré par l’esprit de la liberté et de la révolte contre l’asphyxie du système. Ni encens ni tapis rouge mais le partage d’une expérience, de la fièvre d’une musique qui change la vie : notre trio d’auteurs passe derrière le mythe Lemmy, derrière le power trio d’idoles Lemmy/Phil Campbell/Mikkey Dee (dernière composition du line up du groupe). Motörhead n’est pas une icône à qui on rend un culte, mais une bouffée d’adrénaline, un style musical qui, derrière l’image réductrice d’une esthétique de la violence, du speed rock et de la hargne, cache une sensibilité lyrique, des sommets mélodiques, un art des textes ciselés au scalpel (aberration de la guerre, aliénation de la religion, haine du conformisme, résistance au pouvoir, fringale sexuelle, profession de foi anarchiste…). De ses débuts comme roadie de Jimi Hendrix à sa collaboration au groupe de space rock Hawkind, de la formation de Motörhead en 1975 en pleine vague punk au succès mondial avec les albums Overkill, Ace of Spades, Lemmy forge un univers nourri par les racines du rock, la veine du blues, l’ heroic fantasy . Faisant sauter les faux-semblants, les entraves, dynamitant les barrières entre les genres musicaux, Motörhead a absorbé l’héritage du rock incendiaire, contestataire afin de le recréer. Il a sauvé la flamme d’une musique qui va droit aux tripes en bâtissant un langage qui influencera décisivement le speed metal, le trash metal. Que, durant quatre décennies, Motörhead ait balancé au monde non seulement une musique marquant un avant et un après-Motörhead mais aussi une philosophie de vie, un style d’être au monde, les témoignages recueillis à la fin du volume l’attestent (ceux d’Anik De Prins, de Michel Stiakakis, Marc « Temple » El Khadem…). De l’Umlaut, du tréma qui surmonte le second O de Motörhead aux bootlegs, de la créature Snaggletooth — emblème du groupe — aux collaborations musicales entre Lemmy, Slash, Brian Robertson ou des girls bands, des chanteuses comme Girlschool, Doro…, le Motörbook délivre mille et…
Lumières sans frontières. Hommage à Roland Mortier et Raymond Trousson
trousson-mortier Heureuse idée que celle de rendre hommage, sous le titre Lumières…
Himmler et le Graal. La vérité sur l’affaire Otto Rahn
Le nouvel essai d’Arnaud de la Croix s’inscrit dans le fil de ses travaux antérieurs, La religion d’Hitler , Les Templiers, chevaliers du Christ ou hérétiques ?, Arthur, Merlin et le Graal, un mythe revisité. Préfacé par Emmanuel Pierrat, Himmler et le Graal. La vérité sur l’affaire Otto Rahn interroge la face occulte du nazisme, à savoir la fascination de certains dirigeants pour l’ésotérisme. Nombre d’historiens ont étudié les racines occultes du national-socialisme, en particulier de l’Ordre noir des SS dont Heinrich Himmler était le chef suprême. Livrant le résultat de recherches menées durant trente ans, Arnaud de la Croix interroge la « folie » du Graal qui s’est emparée de Himmler, la manière dont les travaux du médiéviste et écrivain Otto Rahn ont influencé le Reichsführer de la SS. La généalogie de la mythologie völklich , d’un néopaganisme nourri par la magie noire, la sorcellerie, le spiritisme est finement mise à jour. La mythique île de Thulé, les théories raciales, les divagations sur l’aryanisme, le lien entre Graal et catharisme qu’établira Otto Rahn ont eu pour précurseurs la Société théosophique fondée par Helena Blavatsky (courant ésotérique, société secrète basée sur un syncrétisme mystique reliant l’Occident au bouddhisme, à l’hindouisme) ou encore la personne du mage illuminé Karl Maria Willigut qui deviendra le gourou de l’Ordre noir. Envouté, hanté par l’ouvrage d’Otto Rahn, La croisade contre le Graal. Grandeur et chute des Albigeois, Himmler engagea l’écrivain dans la SS et se donna pour mission de partir à la quête du Graal. Se basant sur les recherches de Rahn, il fut persuadé de trouver la trace du Graal en Ariège, pays où les cathares survivants auraient emmené un trésor fabuleux, à la fois matériel et spirituel.L’auteur pose d’emblée les prémisses de son entreprise : loin d’être une marotte, l’obsession de Himmler pour le Graal a concouru activement à la mise en place d’une politique d’extermination des Juifs, des non-Aryens. Si l’on ne peut surdéterminer l’explication occultiste, en faire un facteur ultime, s’il s’allie à un faisceau de facteurs politiques, économiques, il s’agit de prendre toute la mesure du poids qu’il a revêtu dans la mise en œuvre de la « Solution finale ». La régénération d’un corpus païen innervé par les mythologiques nordiques et germaniques, par les rites qui se tenaient au Wewelsburg, par les runes, les légendes de Parsifal s’avançait comme l’attestation d’une origine aryenne, hyperboréale des Allemands, chargée de mettre à bas les racines judéo-chrétiennes de l’Occident. Arnaud de la Croix suit les devenirs, les évolutions que prit le mythe du Graal, depuis le Perceval de Chrétien de Troie, celui d’Eschenbach jusqu’au Parsifal de Wagner. Objet mythique de la légende arthurienne, la nature du Graal évolue, tantôt Sainte Lance qui a transpercé le flanc du Christ, tantôt calice ayant recueilli le sang du Christ, tantôt pierre surnaturelle d’origine stellaire. Otto Rahn émit l’hypothèse que le trésor du Graal s’était trouvé dans la forteresse cathare de Montéségur (Montségur n’étant autre que le château de Montsalvat du Roi pêcheur) avant d’être emporté en lieu sûr lors de la croisade du pape contre les hérétiques. Hypothèse qui lui valut d’être enrôlé au service de Himmler avant de démissionner de la SS (son homosexualité, sa judéité côté maternel ayant été découvertes) et de disparaître mystérieusement en montagne en 1939.L’immense intérêt de l’ouvrage d’Arnaud de la Croix est de démontrer comment ce fatras de courants ésotériques qui sous-tendaient le nazisme (bien qu’Hitler ne souscrivît pas à l’occultisme de Himmler) a contribué à la volonté folle de rendre à l’Allemagne une grandeur païenne que l’Église catholique et le judéo-christianisme auraient détruite. Loin de n’être que les éléments d’un folklore irrationnel, l’île de Thulé, le racialisme, le Graal revu et corrigé dans une idéologie totalitaire ont été les ingrédients d’un antisémitisme, d’une entreprise de mort. « Pour le dire autrement, il s’agit, à mots à peine couverts, du rejet du christianisme et ceci pour des raisons raciales : le sang « nordique « s’oppose en tout à la « mythologie juive « , comme Thulé s’oppose…