On n’imagine pas Verhaeren sans l’Escaut, qui a marqué sa sensibilité, imprégné sa poésie. Et l’on s’accorde d’emblée au titre de l’exposition qui célèbre, au Musée des Beaux-Arts de Tournai, le grand écrivain, mort tragiquement en gare de Rouen voici cent ans : Lumières de l’Escaut, Lumière des Arts.Un livre épouse et prolonge l’exposition : Des lueurs du fleuve à la lumière de la peinture. Émile Verhaeren et les siens.Il s’ouvre par des odes du poète à son fleuve bien-aimé : « Les plus belles idées / Qui réchauffent mon front, / Tu me les as données : / Ce qu’est l’espace immense et l’horizon profond, / Ce qu’est le temps et ses heures bien mesurées, / Au va-et-vient de tes marées, / Je…
Camp Est : journal d’une ethnologue dans une prison de Kanaky-Nouvelle-Calédonie
Ethnologue, écrivaine, autrice de La maison de l’âme (Editions Maelström, 2010), Chantal Deltenre livre dans Camp Est un journal de terrain qui évoque la mission d’observation ethnograhique en milieu carcéral dont elle a été chargée. Étrangère à la culture kanak, au monde calédonien et extérieure à l’institution pénitentiaire, elle côtoie durant un mois le « Camp Est » situé sur l’île de Nou, une prison de Nouméa dont elle décrit et analyse le fonctionnement, les cercles de violence physique, structurelle, sociale, symbolique, mais aussi les enjeux et l’impensé. Le récit est avant tout celui d’un dépaysement, d’un saut dans un monde doublement inconnu (culture kanak, monde mélanésien et espace carcéral), d’une attention à la dimension coloniale de l’institution pénitentiaire. Toujours placée sous la souveraineté de la République française, la Nouvelle-Calédonie a très tôt été conçue par la France coloniale comme une terre de bagnes sur laquelle expédier les détenus de droit commun ou politiques (quatre mille Communards, dont Louise Michel, furent transférés dans des pénitenciers calédoniens). Ce qui frappe Chantal Deltenre, ce sont les suicides des jeunes détenus, la composition de la population, à majorité kanak (90% de détenus kanak, presque toujours issus de quartiers défavorisés, de squats), la minorité de prisonniers caldoches, d’origine européenne, la crise identitaire, psychique que l’enfermement induit. L’ethnologue recueille les témoignages des différents acteurs, interroge l’écartèlement de ces jeunes entre une culture tribale dont ils sont coupés et un monde post-colonial dont les effets racialistes, la ségrégation identitaire, les ravages sociétaux sont prégnants. Prisme, miroir grossissant permettant de radiographier l’état de la société calédonienne actuelle, le Camp Est « placé sous la tutelle de l’État français » sert aussi de révélateur mettant en lumière les dysfonctionements, les conditions inhumaines de survie dans les prisons françaises (surpopulation, traitements humiliants et dégradants, absence d’une politique suffisante de prévention et de réinsertion sociale, logique sécuritaire et répressive créant des citoyens de seconde zone, stigmatisés…).Comme l’écrit Marie Salün dans sa postface : « Sentiment de vertige face au gouffre qui s’ouvre sous nos pieds, à l’heure de la construction programmée, d’ici 2027, de 15 000 places supplémentaires dans les prisons françaises. Puisse son texte faire réfléchir à la fuite en avant que constitue cette politique pénale ». Reconduisant les inégalités, produisant de la délinquance, la prison n’est-elle pas obsolète, en son principe ou dans les formes, dans la logique qu’elle adopte ? Au fil de son enquête quotidienne, Chantal Deltenre se heurte à un monde de détresses, de souffrances qui se traduisent par des actes d’automutilation, par des suicides de détenus. Elle relie la fonction politique des centres de détention, de la gestion des délits, l’utilisation de la main-d’œuvre pénale sous-payée à « l’histoire coloniale de la Nouvelle-Calédonie » qui « est précisément celle d’une succession d’enfermements », d’une destruction de la culture kanak. Chassées de leurs terres, spoliées, privées de droits politiques (jusqu’en 1946), les populations autochtones se voient parquées dans des réserves. Sans réduire la délinquance juvénile à une perte de repères, elle-même liée à la mise en crise du mode de vie clanique sous l’effet de la colonisation, Chantal Deltenre pointe les faisceaux étiologiques, les continuités entre l’espace carcéral des réserves et la fonction actuelle de la prison. Soulignant la décohésion sociale engendrée par le heurt d’une effroyable violence entre société indigène et modèle occidental, elle étudie, de l’intérieur, les modalités de contrôle social.Histoire de regards, de rencontres, d’empathie, ouvrage décisif, Camp Est ouvre la méthodologie ethnographique à l’expérience vécue que la chercheuse traverse, une expérience qui la modifie, qui infléchit son enquête, qui déporte les enjeux épistémologiques, les outils scientifiques vers un horizon politique et éthique subjectivement assumé. Véronique Bergen Plus d’information En 2016, Chantal Deltenre se voit confier une mission d’observation ethnographique par l’administration pénitentiaire française au « Camp Est », la prison de Nouméa en Nouvelle-Calédonie. Elle y est demeurée un mois. Étrangère à l’univers carcéral tout autant qu’au monde calédonien, elle en rapporte un récit qui plonge le lecteur de plain-pied dans un centre de détention directement hérité…
Christophe Colomb : le découvreur et la découverte, mythes et réalités
Certains événements de la grande Histoire présentent ce paradoxe d’être à la fois très connus et méconnus. Un exemple édifiant en est la fameuse découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. Philippe Remy-Wilkin, dans une ambitieuse monographie parue chez Samsa, nous offre une synthèse attendue de la vie du Découvreur. Certains événements de la grande Histoire présentent ce paradoxe d’être à la fois très connus et méconnus. Un exemple édifiant en est la fameuse découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. Philippe Remy-Wilkin, dans une ambitieuse monographie parue chez Samsa, nous offre une synthèse attendue de la vie du Découvreur. Pour appréhender un épisode de la grande Histoire tel que celui de la découverte des Amériques, l’écrivain Philippe Remy-Wilkin nous propose une aventure à la fois épique et intellectuelle, à la confluence des genres littéraires. À une plongée narrative dans le quotidien du Découvreur et de son expédition succède ainsi une analyse poussée et captivante de l’énigme Colomb passant au peigne fin un large spectre de questions et se voulant notamment une réflexion critique sur la manipulation historique : la primeur de la découverte de l’Amérique revient-elle vraiment à Colomb ? À partir de quand peut-on parler de découverte ? Dans quelle mesure est-il responsable du colonialisme espagnol ? Qu’en est-il du Découvreur lui-même, de sa personnalité, de ses origines et de sa vocation ? Rencontre en images avec son auteur. 1. La problématique Colomb a déjà été abondamment traitée. Quelle est l’originalité de votre approche ? 2. Quel est votre rapport à la science historique ? 3. Dans votre livre, vous rendez hommage aux « chercheurs de l’ombre », ces historiens qui consacrent une grande part de leur vie à faire la lumière sur un point d'histoire. Pouvez-vous donner l’exemple d’une contribution décisive au savoir colombin ? 4. Vous proposez à la fin du livre un bonus, dans lequel vous tournez en dérision la falsification historique en... procédant vous-même à un « faux ». Pouvez-vous expliquer votre démarche et le contenu de cette supercherie ? Tout fait débat chez Christophe Colomb, de ses origines à sa personnalité en passant par sa vie. Cette biographie entend compiler les faits avérés pour restituer la réalité de l'homme et de son action, en le…