André Antoine le dernier prêtre-ouvrier

RÉSUMÉ

Ce livre est un dialogue. A la fois improbable et prévisible.
Improbable. Giovanni Lentini est sociologue et athée. André Antoine est ouvrier et prêtre.
Prévisible. Ils se connaissent de longue date. Ils sont militants, engagés socialement. Tous deux affiliés durant toute leur vie professionnelle à la FGTB.
Ce dialogue, sous la forme d’une conversation amicale, met en lumière la teneur de vies de prêtres engagés au service de la classe ouvrière. Pourquoi un jeune homme, décide-t-il de devenir prêtre ? Puis d’aller travailler en usine ? C’est apparemment paradoxal.
Mais pour André Antoine, devenu prêtre, il s’agit au contraire, à l’image de l’évangile, de « faire ce qu’on dit », et en conséquence de se mettre pleinement au service de ceux d’en bas, des laissés-pour-compte, des gens de peu.
Des dominés, des exploités. En vivant avec eux, et surtout, comme eux.
Une expérience humaine singulière, celle d’un être acceptant d’être le plus souvent en porte-à-faux (sauf avec lui-même…) : marginal dans l’Eglise, délégué syndical socialiste, gréviste, licencié et chômeur, puis aujourd’hui, militant associatif.
Giovanni Lentini resitue le parcours d’André Antoine dans le temps, des grèves de 60-61 à nos jours, en posant quelques repères historiques et en l’entourant de témoignages de personnes qui ont accompagné Antoine tout au long de sa vie professionnelle.
Aujourd’hui à la retraite, André Antoine est un des derniers prêtres-ouvriers de Belgique. A ce titre, il est le témoin d’une page d’histoire que certains s’ingénient à tourner, celle d’une société structurée autour du conflit capital-travail et de la défense de la classe ouvrière.
Ce livre les contredit.
Pour conclure, Giovanni Lentini émet sa réflexion sur les causes de la disparition des prêtres-ouvriers. En guise d’ouverture au débat.

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Le Carnet et les Instants

Qui se souvient encore qu’il y a eu des prêtres-ouvriers ?  C’est une espèce en voie de disparition au même titre que le rhinocéros blanc dont le dernier individu mâle est mort le 19 mars 2018. Deux femelles sont encore en vie, ce qui augure mal de la survie de l’espèce.D’ailleurs, les temps ont tellement changé que quand on lit la première occurrence de P-O dans le livre, on se demande ce qu’un Pouvoir Organisateur vient faire dans cette galère ! C’est donc à bon escient que Giovanni Lentini s’intéresse à cette problématique et on en sait gré aux éditions du Cerisier, toujours fidèles à leur conscience sociale.  Giovanni Lentini, sociologue et animateur à la Fondation André Renard, connaît et côtoie André Antoine,…


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Aux vannes, citoyens ! Petit essai d’humour politique

Figure (re)connue du paysage radiophonique et télévisuel public français, la journaliste-devenue-humoriste belge Charline Vanhoenacker publie Aux vannes, citoyens ! , aux éditions Denoël. Le sous-titre, « Essai d’humour politique », annonce le caractère hybride de l’entreprise. Il s’agit bien d’un essai sur l’humour politique, mais aussi d’une mise en pratique directe de cet humour. Jupitérienne , Charline Vanhoenacker ? Elle pratique en tout cas l’« en même temps » : son propos est sérieux et en même temps la vanne surgit à chaque ligne ou presque. Partant du constat du manque d’études consacrées à l’humour politique, l’essayiste commence par la définition de son objet : «  l’essence  » du rire politique, affirme-t-elle, c’est «  inverser les rapports de domination, renverser la hiérarchie, faire tomber la statue de son socle ». Logiquement, elle rapproche l’humour politique d’un « moment de fête de carnaval  », sans toutefois creuser le parallélisme. À l’aune de cette définition, tout humour est forcément politique, même «  l’humour de pur divertissement  », celui qui ne cherche pas le renversement hiérarchique et, dès lors, « renforce [les dominations] qui sont à l’œuvre. […] ça aussi, c’est politique, tout en faisant mine de ne pas l’être  ».L’humour (politique) suscite aujourd’hui des débats divers, abordés tour à tour dans l’ouvrage. Charline Vanhoenacker explique, argumente, et prend position. Concernant l’antienne « On ne peut plus rien dire  », elle évoque un «  abaissement du seuil d’acceptabilité sociale du rire  ». Lorsqu’elle rappelle que l’humour demeure un bastion masculin, elle conclut qu’il est aussi une «  terre de conquête  » pour les humoristes femmes.Si elle s’attache ici à théoriser l’humour politique, elle en est bien sûr avant tout une praticienne.  Inévitablement, son essai glisse parfois vers le plaidoyer pro domo . Aux vannes citoyens ! aborde ainsi les critiques souvent adressées aux humoristes en général, mais plus particulièrement à l’équipe aux commandes de Par Jupiter !. Les contempteurs ont pour noms Alain Finkielkraut, Frédéric Beigbeder, ou encore Marine Le Pen. Charline Vanhoenacker s’attarde sur l’étiquette d’« humour de gauche », souvent accolée à son émission. Revenant à sa définition de l’humour politique, c’est-à-dire l’inversion des rapports de domination, elle s’interroge sur les conditions de possibilité d’un humour de droite. Et défend le choix de railler « les actionnaires plutôt que les ouvriers, […] le raciste plutôt que le migrant, […] le mâle blanc de plus de soixante ans plutôt que la femme noire de plus de cinquante ans  ».  Aux humoristes, on reproche aussi souvent de tout tourner en dérision. L’autrice voit dans ce grief une résurgence de «  la diabolisation du rire qui caractérise l’ère chrétienne  ». Si elle plaide pour la distinction entre «  rire joyeux  » et «  rire moqueur  » – et se réclame du premier –, elle reste évasive sur la manière de les distinguer : sont cités tour à tour des penseurs qui situent la différence dans l’intention de l’auteur et d’autres qui la placent au contraire dans l’interprétation de l’auditeur, mais cette contradiction n’est pas levée, ni même relevée. Et la balle est renvoyée dans le camp des politiciens. Bien plus problématique que la forte présence des humoristes dans les médias serait la dérive «  clownesque » de certain·e·s politiques : « quand le sage joue au clown, le débat de société devient un cirque  ».  Comme son titre le suggère, le livre de Charline Vanhoenacker traite de l’humour avec humour. Les bons mots et formules piquantes y foisonnent, comme lorsqu’elle synthétise les intentions prêtées par leurs détracteurs aux « humoristes de gauche  » : Tous ces qualificatifs sont destinés à nous faire croire que des humoristes nourrissent l’ambition secrète de conduire les chars soviétiques sur les Champs-Elysées et d’y dresser une statue de Lénine en quinoa. Le propos est agrémenté par de nombreux extraits de chroniques radiophoniques et télévisuelles de l’autrice. Ils irriguent le double courant qui traverse le volume – l’explication et la justification – et lui donnent les allures d’une plaisante (auto)anthologie. Aux vannes, citoyens ! est un essai, dans le plein sens…

Une sobriété créative. Louis Bosny architecte 1924-1983

Durant les années 1920-1930, la région liégeoise ne connait pas ou peu le grand vent de modernité culturelle et artistique qui pénètre les cercles de Bruxelles, Anvers ou Gand, dans le sillage, à la même époque, des pays limitrophes et de leurs capitales. On cite toujours la revue Anthologie (1920-1940) créée par le poète et écrivain Georges Linze (1900-1993), co-fondateur du Groupe d’Art Moderne de Liège, fervent défenseur des techniques nouvelles, de la vitesse et d’une forme particulière de futurisme, qui séduisit quelques artistes liégeois. Mais Linze et ses amis font figure d’exception… avec, certainement, l’architecture, où les influences du modernisme sont davantage présentes. 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Né en 1924 à Liège dans une famille socialiste, étudiant dissipé à l’Académie des Beaux-Arts, il quitte la Belgique en 1939, et se retrouve durement interné en Espagne. Après moult péripéties, il rejoint le Congo et s’engage, d’abord au sein des troupes coloniales belges en Afrique, puis au sein des forces spéciales britanniques. Démobilisé en 1945, à 21 ans, Bosny entreprend des études d’architecture à Liège, et va réussir brillamment et en un temps record son cursus. Architecte indépendant dès 1949, il va ensuite être intégré, avec d’autres, au développement des constructions de logements sociaux, à Liège et dans sa proche périphérie industrielle. Aperçu rapide et partiel : à 30 ans, Bosny reçoit la conception d’un projet de 36 appartements, dans un nouveau quartier social à Flémalle-Grande, en parallèle au plan de développement urbain réalisé par le groupe L’Équerre. Un second chantier de 42 appartements lui est attribué et inauguré en 1958, suivi la même année d’un nouveau complexe de 62 appartements avec salle communautaire. Plus tard, il interviendra de même sur la commune d’Ans.Dans ces mêmes années, l’université de Liège et son recteur Marcel Dubuisson font appel à de jeunes architectes, dont Louis Bosny, pour la construction d’un premier home universitaire au boulevard d’Avroy. Face à l’augmentation du nombre d’étudiants, l’université déborde du centre-ville et s’étend sur les hauteurs du Sart-Tilman. Bosny est sollicité, avec moins de succès. Mais il déploie alors son activité sur un autre site de l’université, celui de l’hôpital de Bavière, un bâtiment vieillissant du 19e siècle, dont il participe à la rénovation et l’extension de divers pavillons de soins. 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