Je ne savais pas qu’on pouvait entendre à ce point-là son propre cœur battre aussi fort. Je croyais que c’était juste dans les livres. Mais là, couché dans le noir, la tête entre les genoux, c’est tout ce que j’entendais… mon cœur battre au rythme des coups de feu. Ça faisait des bom, bom, bom, tac, tac, tac… Et puis les cris.
Mère m’avait fourré dans la cache en tremblant et en me criant dessus comme à son habitude, sauf que cette fois j’avais vu la peur dans ses yeux. Je n’avais jamais vu la peur dans ses yeux… ni dans ceux de Père d’ailleurs. Lui, je ne savais pas où il était, il avait pris ses jambes à son cou dès les premiers coups de feu, nous abandonnant dans la maison. Elle m’avait planqué dans une vieille malle en bois, dissimulée derrière l’armoire. « Ne dis rien ! Ne bouge pas ! Ferme les yeux ! » Elle n’était pas elle-même, elle me fit même un baiser sur le front, c’est tout dire !
Auteur de Cette année-là : 1964
Monsieur Satie : L'homme qui avait un petit piano dans la tête
Pour découvrir l'oeuvre d'Erik Satie à travers une histoire et des extraits des plus célèbres pièces du compositeur. Mélancolique et triste à souhait, cet album-CD n’en est pas moins magnifique. Parler d’Erik Satie - le solitaire, le marginal, l’excentrique souvent incompris -impliquait un ton décalé, gentiment moqueur et grinçant, que rend très bien la voix du récitant François Morel (qui doit sa célébrité, rappelons-le, à l’émission télévisée des Deschiens sur Canal +). Ce n’est pas une araignée au plafond mais juste un petit piano que Monsieur Satie a dans la tête. Les notes de musique y trottent, y vagabondent sans relâche. Il est audacieux, anticonformiste, se moque du wagnérisme et des vaniteux. De son cœur s’échappent des mélodies simples pour rêveurs et poètes, un public qui lui ressemble. « Monsieur Satie parle parfois à la lune. » Et parfois aussi, « Monsieur Satie met son smoking pour écrire une partition. » Il compose, explore, mélange les genres au risque d’être méprisé. Certains l’admirent cependant, comme Cocteau ou Picasso. L’illustratrice Elodie Nouhen évoque bien l’esprit des surréalistes et la solitude du petit monsieur perdu dans le tourbillon des notes. Touches de piano, métronome, partitions…sont surdimensionnés par rapport au musicien qui ne semble pas plus haut que trois chapeaux. Ce que Raymond Lulle appelait « la tristesse par surabondance de pensée » s’applique…