L’homme moderne est en train de se défaire du réel comme s’il ne restait de l’humanisme et de l’utopie universaliste que des sursauts, que l’Histoire (quand donc en sommes-nous sortis ?) était devenue l’actrice la plus impitoyable du faux.Dans son livre récent, Récidicules, Tristan Ledoux, sans jamais trop appuyer sur les manettes des circonstances du récit, révèle dans des situations multiples et souvent insolites, des univers apparemment entièrement issus du langage et des pensées du narrateur, toujours en « je ».Les impasses, les absurdités, avec lesquelles nous essayons de faire tenir debout le monde sont la matière de ces dix nouvelles écrites de main de maître. Le ton est toujours distancié, les événements se déplient dans une logique dérisoire et implacable.« Ayant…
Tristan LEDOUX, Le nanti et l’usurpateur, Sans escale, 2024, 180 p., 18 €, ISBN : 978-2-491438-30-2Six coussins se blottissent sur la couverture du recueil de nouvelles Le nanti et l’usurpateur de Tristan Ledoux. Ils ne s’imprimeront pas paisiblement de nos visages, mais nous invitent à les agripper – eux qui ont été délogés de leur sempiternelle position horizontale – pour les dresser comme des remparts face à la fuite constante des mots et des êtres qui court de nouvelles en nouvelles.Placer Maurice Blanchot en exergue annonce la couleur d’histoires où l’incommunicabilité règne, où les êtres se départissent progressivement du langage, des lieux et d’eux-mêmes. Bien que par un flux continuel, tel une « cacophonie babélienne », le langage puisse mettre…
Un accent de vérité s’ouvre sur une perte, un manque d’où émerge alors le désir. Désir de reconstituer l’œuvre écrite par le narrateur dans ce cahier égaré, de retrouver les fils narratifs, tantôt noués autour d’une ceinture ou pelotonnés à une jupe portée par l’être aimé et abîmé. Tandis que l’oubli a fait sombrer les tenants et aboutissants de l’histoire consignée, l’écrivain se lance, dans une sorte de fuite en avant, dans son irrépressible quête. Des motifs du récit disparu surgissent dès lors dans le réel, des crises hallucinatoires étoffent le tissu narratif, l’enquêteur se livre à la restitution des gestes d’écriture, scrute les articulations tapies çà et là, un trombinoscope de personnages défile dans ses rêves, l’un d’eux jaillit…