Camille Lemonnier, Et s’il entrait dans la Pléiade ?


RÉSUMÉ

« Je dois dire que j’ai découvert Camille Lemonnier grâce à vous », cette phrase n’est pas une fiction, mais une réalité. Le lecteur belge ou français ne découvre pas Molière ou Zola. Le nom et l’œuvre sont connus, un passage obligé. Camille Lemonnier, écrivain belge, est spécifiquement l’auteur qui fait l’objet d’une découverte. Le nom sonne familier et après s’être renseigné, le lecteur franchit le pas. Il lit un roman, il est subjugué. Alors, survient la différence entre le lecteur français et le lecteur belge. Le premier fait une découverte, le second prend conscience d’un scandale. Qu’un auteur aussi magistral soit ignoré de son propre peuple, qu’il ne soit pas inclus dans les programmes scolaires aux côtés des auteurs français, voilà ce qui scandalise le lecteur belge. L’œuvre oubliée de Camille Lemonnier est le symbole même de notre ignorance et notre désintérêt pour notre propre culture. La prise de conscience pousse à la révolte pour la reconnaissance. La voie choisie de Frédéric Saenen : militer pour l’entrée de Camille Lemonnier dans la prestigieuse collection de la Pléiade. C’est un premier pas. Les suivants mèneront à la création de notre propre collection Pléiade et à l’enseignement des auteurs belges. À moins que nous restions toujours le peuple vagabond et sans attaches d’une terre d’exil…

L'article #06 : Camille Lemonnier


À PROPOS DE L'AUTEUR
Frédéric Saenen
Auteur de Camille Lemonnier, Et s’il entrait dans la Pléiade ?
Frédéric Saenen est né en 1973 à Montegnée, dans la région liègeoise. Il est licencié en Philologie romane, collabore aux revues "Le FRAM" et "Ecritures", fait partie du comité de rédaction de la revue "Ces Gens-là". Lectures publiques avec le "Big Band de littérature féroce". Critique littéraire : En revue : Le Magazine des Livres, Internet : Sitartmag.com et Parutions.com


NOS EXPERTS EN PARLENT...
Le Carnet et les Instants

L’écrivain, critique, collaborateur du Carnet et les Instants, Frédéric Saenen persiste et signe. Il finissait son précédent essai, Camille Lemonnier, le « Zola belge » par ces mots : « Le tour du Maréchal des lettres n’est-il pas venu d’être le prochain Belge à entrer de plein droit dans la collection de la Pléiade, après Simenon, Michaux et Yourcenar ? » Un an plus tard, dans L’article, le mensuel des éditions Lamiroy, il propose Camille Lemonnier, Et s’il entrait dans la Pléiade ? une critique fiction d’anticipation.Nous sommes à l’automne 2029, sur le point de fêter le bicentenaire de la Belgique, la France a ratifié son adhésion à l’extrême-droite, Maurice…


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Camille Lemonnier, le « Zola belge », déconstruction d’un poncif littéraire

Les clichés, les lieux communs et les poncifs ont la vie dure et parfois nous polluent. Ils s’imposent à l’esprit, à la bouche et à la plume plus vite que la précision, la complexité et la nuance. Il en est en littérature comme ailleurs. Ainsi Camille Lemonnier ne cesse-t-il pas d’être considéré comme le Zola belge. Comme si, par ces mots, on avait tout dit, de son œuvre. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Dans Camille Lemonnier, le « Zola belge », déconstruction d’un poncif littéraire , le critique Frédéric Saenen, fidèle collaborateur du Carnet et les Instants , explique la genèse de ce lieu commun, met en évidence les mécanismes de sa viralité afin de mieux le défaire et avancer des propositions nouvelles. Faut-il le rappeler, Camille Lemonnier (1844-1913) est un écrivain à l’œuvre riche et variée (critique d’art, romans, contes, récits, etc.) et à l’écriture puissante ; il est l’auteur d’une cinquantaine de livres (plusieurs titres sont réédités dans la collection « Espace Nord »). Frédéric Saenen le tient pour le «  germe et le socle de Nos Lettres  ». Pourtant, au 19e siècle, on le comparait souvent, quand on ne le soupçonnait pas d’en être le plagiaire, à Victor Hugo, Léon Cladel, Jules Barbey d’Aurevilly, Gustave Flaubert. Et bien entendu à Émile Zola, chef de file du mouvement naturaliste, dans lequel Camille Lemonnier s’inscrit en partie, même si, comme le montre Frédéric Saenen, on ne peut l’assigner à un courant littéraire. De là découlera l’appellation de Zola belge. Elle circulera déjà de son vivant, peut-être même dès la parution d’ Un mâle , son roman le plus fameux. Le mot « belge » est d’ailleurs tout aussi important que celui de « Zola » dans ce syntagme car on fera de Lemonnier le premier écrivain belge, et aussi le dernier, si on le considère comme le parangon de l’identité belge. D’ailleurs Frédéric Saenen confirme cette affirmation, tout en précisant, au passage, ce que serait le sillon profond de la littérature belge. Selon lui, il ne s’agirait pas du surréalisme mais de «  l’expression directe des pulsions premières et de l’instinct, qui pousse l’individu au passage de la ligne et au seuil de la tragédie intime.  »Pour déconstruire le poncif de « Zola belge », Frédéric Saenen ne se contente pas de s’interroger sur la manière dont ce dernier s’est forgé et répandu, mais il analyse, à travers la littérature critique, les liens qui unissaient Lemonnier et son collègue français ainsi que leurs œuvres respectives. Aussi, de page en page, remet-il en lumière ce qui est occulté par le cliché : Lemonnier, réaliste décadent, virtuose du style, écrivain de la péri-urbanité, relecteur de la Bible, explorateur halluciné de l’intime, peintre du peuple belge. En refermant Camille Lemonnier, le « Zola belge », déconstruction d’un poncif littéraire , on ne peut que féliciter Frédéric Saenen d’avoir su démontrer, de façon condensée, la grandeur et l’originalité de l’œuvre de Lemonnier. Nous ne pouvons d’ailleurs qu’adhérer à sa proposition de faire de Camille Lemonnier le…

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