Histoire de ne pas rire. Le surréalisme en Belgique
À l’origine, Histoire de ne pas rire est le titre donné en 1956, par Marcel Mariën, qui en est l’éditeur à l’enseigne des Lèvres nues, aux écrits théoriques de Paul Nougé (1895-1967). Au dos de l’ouvrage figure un encart en lettres capitales : « Exégètes, pour y voir clair, rayez le mot surréalisme » . Ce n’était pas la première fois que Nougé prenait ses « distances » avec le mot surréalisme, qu’il avait déjà indiqué plus tôt utiliser simplement « pour les commodités de la conversation » . Il n’en reste pas moins que Nougé, dès l’automne 1924 – et indépendamment de la publication par André Breton du premier Manifeste du Surréalisme – constitue avec Camille Goemans et Marcel Lecomte le trio fondateur des activités surréalistes en Belgique, par l’édition d’une série de tracts ironiques sous le nom de « Correspondance » , visant les milieux littéraires et artistiques, essentiellement français, de l’époque. Si l’on s’en tient à la chronologie, il est donc naturel (comme il en va de même pour le Manifeste de Breton), que l’on commémore en 2024 le centenaire du mouvement surréaliste, qui rayonna durant plusieurs décennies non seulement en France et tout particulièrement en Belgique, mais également en Europe et sur d’autres continents. Deux expositions, l’une au Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (Imagine ! 100 Years of International Surrealism, jusqu’au 21 juillet ) , l’autre à Bozar (Histoire de ne pas rire. Le surréalisme en Belgique) donnent ainsi la possibilité de découvrir les œuvres et le parcours de nombreux artistes, écrivains, poètes qui ont donné au surréalisme en Belgique sa spécificité. L’exposition à Bozar s’accompagne d’un livre d’art, abondamment illustré par des œuvres connues et d’autres beaucoup moins, belle gageure, entourées de documents, d’archives (provenant entre autres des Archives et Musée de la Littérature), et d’une série de textes éclairant certains aspects plus particuliers. Sous la direction de Xavier Canonne , commissaire de l’exposition à Bozar, qui avait déjà signé en 2006 l’imposant volume Le surréalisme en Belgique 1924-2000 (Fonds Mercator), sont ainsi réunis une dizaine de contributeurs et contributrices.Autour de la figure centrale de Paul Nougé, qui pratiqua l’art de l’effacement personnel autant que celui de la controverse maîtrisée, présenté par Xavier Canonne et Geneviève Michel, sont ainsi abordés les prémices dadaïstes (Pansaers, van Ostaijen, van Bruaene, Mesens, Magritte…) par l’un de ses plus anciens connaisseurs, Rik Sauwen, tandis que Paul Aron rappelle les relations complexes qu’entretinrent successivement le groupe de Bruxelles, le groupe surréaliste en Hainaut, le Surréalisme-Révolutionnaire de Dotremont, Les Lèvres nues de Mariën, avec le Parti communiste et l’extrême gauche en Belgique. Comme le souligne Virginie Devillez, ces positions furent régulièrement en divergence avec les orientations du groupe français, réuni autour de Breton, et l’un des premiers à avoir dénoncé sans relâche les procès de Moscou, dès le milieu des années 1930.On reste plus dubitatif sur la présentation par Raoul Vaneigem de la « Section des Piques » du groupe hainuyer, où, revêtu de ses habituelles parures d’ancien Situationniste sorti du fonds du puits, il joue plus abruptement que nécessaire la carte des affrontements internes au surréalisme – oubliant par mégarde sans nul doute, que si Chavée combattit en Espagne, il y fut aussi un commissaire politique stalinien particulièrement orthodoxe dans ses réquisitoires, à l’encontre des anarchistes et des combattants de la gauche non-stalinienne. Si Magritte s’est finalement maintenu à l’écart de tout engagement politique dès les années 1950, le témoignage de Marcel Mariën, décillé à son retour de Chine au milieu des années 1960, sur les réalités meurtrières du « Grand Bond en avant » décrété par Mao, eut toutes les peines du monde à se faire entendre auprès de ses camarades. Par la suite, c’est sous l’impulsion de Tom Gutt et de son « gang » (selon le mot de Scutenaire) qu’une nouvelle génération de surréalistes (Wallenborn, Thyrion, Bossut, Jamagne, Van de Wouwer, Galand, Stas…) contribua à faire exister la relève qu’évoque Philippe Dewolf, un esprit et des activités dont on n’a pas fini aujourd’hui de mesurer la force de frappe.Enfin, l’une des contributions les plus essentielles de cet ouvrage (et de l’exposition) est la présence agissante des femmes et leur rôle, encore trop méconnu aujourd’hui. Patricia Allmer développe ainsi une approche résolument féministe de trois d’entre elles : l’écrivaine (et première femme journaliste engagée au quotidien Le Soir ) Irène Hamoir (1906-1994), et deux peintres, Jane Graverol (1905-1984), cofondatrice avec André Blavier de la revue Temps mêlés , puis des Lèvres nues avec Marcel Mariën, et Rachel Baes (1912-1983). Elle fut très jeune une artiste renommée, avant que la rencontre de Lecomte, Mesens, Magritte, Eluard, n’engage véritablement son travail dans une exploration intime et personnelle des traumatismes de l’enfance.Cet ouvrage solidement documenté au niveau historique, peut s’avérer à certains égards sélectif – sur Paul Delvaux, sur la revue Edda et Jacques Lacomblez, sur André Souris ou Paul Magritte. Mais il se donne à lire à part entière, et pas uniquement comme un complément (utile) à l’exposition. En ces multiples expérimentations, tentatives, échecs et réussites, le surréalisme belge a déployé un état d’esprit où l’insurrection, l’espoir, le désir, la création artistique et littéraire, la « Subversion des images » et des mots, n’ont pas été que vaines paroles balayées par les vents, mais une bouleversante remise en question du réel. Et la tâche est loin d’être terminée. Alain Delaunois En pratique L’exposition Histoire de ne pas rire. Le surréalisme en Belgique est à voir à BOzar jusqu’au 16 juin 2024.Rue Ravenstein 23 – 1000 BRUXELLESDu mardi…
Dans le cadre de la prochaine campagne « Lisez-vous le belge ? » qui s’étendra du 1er novembre au 6 décembre, le PILEn (Partenariat Interprofessionnel du Livre et de l’Édition numérique), en partenariat avec l’ABPF (Association belge des professeurs de français), les AML (Archives et Musée de la Littérature), Espace Nord et Objectif plumes, invite les enseignants et enseignantes de français à participer avec leurs classes à cette grande fête du livre belge. Vous recevez un auteur ou une autrice, un ou une bédéiste, ou encore un illustrateur ou une illustratrice en classe ? Vous adaptez un classique de la littérature belge d’hier ou de demain ? Vous lisez ou déclamez « du belge » ? C’est l’occasion de valoriser le travail de vos élèves en leur proposant de participer à notre campagne. Retrouvez dans cet article toutes les conditions et modalités de participation. Quelles écoles sont concernées ? Cet appel s’adresse aux classes des écoles reconnues par la Fédération Wallonie-Bruxelles, tous niveaux et types d’enseignement confondus. En effet, les ressources pédagogiques autour du livre belge sont nombreuses et s’adressent au plus grand nombre. Si vous pensez néanmoins que votre situation requiert des aménagements particuliers, n’hésitez pas à contacter directement le PILEn par mail à l’adresse info@pilen.be afin d’obtenir plus d’informations. Quelles participations sont attendues ? Il vous est proposé d’aborder le livre belge francophone en classe, c’est-à-dire un livre écrit en français par un auteur ou une autrice belge ou édité en Belgique francophone. Pour ce faire, vous trouverez ci-dessous un panel de ressources à exploiter. Nous comptons également sur votre créativité ! Plus précisément, du 1er novembre au 6 décembre, vous êtes invités à faire parvenir par mail au PILEn une photographie témoignant de votre participation. Il peut s’agir d’une image des productions d’élèves (exploitant par exemple l’UAA5 « S’inscrire dans une œuvre culturelle »), d’une mise en scène autour du livre belge, d’une affiche réalisée en classe, etc. Ces photographies seront ensuite relayées sur le compte officiel Instagram de « Lisez-vous le belge ? », au côté des poèmes et illustrations des artistes qui seront mis à l’honneur durant la campagne. Si vous souhaitez développer un projet plus ambitieux autour du livre belge (pièce de théâtre, concours de slam, exposition, etc.), merci de contacter rapidement le PILEn. En outre, vous êtes encouragés à partager les travaux de vos élèves et les projets que vous menez autour du livre belge sur Facebook et Instagram en indiquant le hashtag #Lisezvouslebelge. Le PILEn se fera ensuite un plaisir de partager ces publications en story permanente sur les réseaux sociaux de la campagne. Quelles ressources sont disponibles ? Votre participation peut prendre la forme de projets personnels ou d’exploitation de pistes pédagogiques comprises dans les différentes ressources existantes listées ci-dessous : une sélection de 20 livres jeunesse à découvrir absolument (à paraître sur Objectif plumes) ; un répertoire de classiques de la littérature belge accompagnés d’idées d’activités à réaliser en classe (dossier réalisé par Espace Nord et les AML, à paraître sur Objectif plumes) ; les fiches et sélection « Rebonds » publiées sur Objectif plumes; le concours « Ad@ptez un classique de demain » d’Espace Nord (sur le modèle d’« Ad@ptez un classique») ; le dispositif Auteurs en classe (renforcé cette année !) ; le dispositif Éditeurs en classe; les dossiers pédagogiques d’Espace Nord. Quels avantages pour les classes participantes ? Vous recevrez des fournitures (affiches, marque-pages, textes et illustrations inédits, etc.) qui pourront être intégrées dans vos leçons, ou vous permettront de décorer votre classe et de gâter vos élèves. La visibilité sur nos réseaux pourrait motiver vos élèves à montrer leur créativité. Soutenir le livre belge en participant à cette campagne, c’est une manière de sensibiliser plus largement les jeunes, les adolescents et adolescentes à la création littéraire en Belgique francophone, aux métiers de l’édition et à la culture dans son ensemble. Comment participer ? Il suffit d’envoyer un courriel à l’adresse info@pilen.be (et cem@pilen.be en cc) avant le 24 septembre 2021 avec les informations nécessaires (voir le détail sur le site du PILEn). Retrouvez Lettres Numériques sur Twitter, Facebook et LinkedIn.…