Marie était la seule à pouvoir m’en parler. La vie du soldat Montin était l’otage de sa veuve. Il n’avait laissé ni lettre, ni témoignage, il ne gardait rien. C’était sûrement lui qui était responsable de la disparition des télégrammes, des lettres de guerre pliées en trois et visées par la Kommandantur, et d’autres curiosités que j’aurais aimé avoir en main. Et c’était à moi de trouver les indices qui m’éclaireraient définitivement sur le sens, s’il en était un, de cette phrase absurde : Jean a toujours voulu retourner en Allemagne ? Je me retrouvais avec un homme qui ne pouvait pas parler, et une femme qui ne savait pas écrire, et il me fallait raconter leur histoire !
Le narrateur abandonne sa thèse de doctorat en littérature grecque ancienne
pour se lancer dans une quête nourrie par la mémoire prodigieuse d’une
quasi-centenaire, immigrée italienne illettrée, qui l’emmène sur les chemins de la drôle de guerre, de la débâcle et de la captivité de son mari, soldat français. À travers son récit, nous découvrons la vie quotidienne et le tissu social d’une bourgade de l’Isère entre les années 30 et 60.
À la demande d’un membre de sa famille, le narrateur du récit décide de rédiger la biographie de la sœur aînée de sa grand-mère, Marie Montin, une nonagénaire analphabète, afin de donner forme aux histoires qu’elle raconte. Il passe alors de nombreuses heures à écouter son témoignage, d’autant plus important que son mari Jean, un ancien soldat prisonnier pendant la Deuxième guerre, est décédé 20 ans plus tôt.Habitué à la recherche pointilleuse d’informations grâce à sa thèse de doctorat, l’apprenti biographe nous donne à lire un carnet de bord où l’on retrouve les extraits du soliloque de Marie et de sa biographie, mais aussi ses réflexions sur les difficultés qu’il traverse dans ce travail de reconstitution. Nous apprenons ainsi que la guerre a éclaté…