Aux vannes, citoyens ! Petit essai d’humour politique

RÉSUMÉ

Une blague, ça ne s’explique pas. Mais l’humour, si.
« Malgré la place qu’il occupe partout dans nos vies, dans la sphère privée ou dans les médias, l’humour politique est sousétudié scientifiquement et mal questionné journalistiquement. Il est pourtant l’un des miroirs les plus parlants de la société, et il se pratique dans toutes les situations, même les plus tragiques : en temps de guerre, après un attentat, voire au lendemain de la mort de Johnny. Le rire est comme le coquelicot : il pousse dans la boue et l’éclaire d’une petite touche de couleur vive. »

L’humour politique est à la fois jugé suspect et paré de vertus : il inverse les hiérarchies, il témoigne de la bonne santé démocratique d’un pays, il est d’utilité publique en cas de crise (et garantit le retour de l’être aimé).
Avec le ton et l’ironie mordante qu’on lui connaît, Charline Vanhoenacker analyse les mécaniques du rire, dévoile les secrets de fabrication de ses chroniques radio et explore les relations ambiguës qu’entretiennent les politiques avec l’humour et… les humoristes.

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Figure (re)connue du paysage radiophonique et télévisuel public français, la journaliste-devenue-humoriste belge Charline Vanhoenacker publie Aux vannes, citoyens !, aux éditions Denoël. Le sous-titre, « Essai d’humour politique », annonce le caractère hybride de l’entreprise. Il s’agit bien d’un essai sur l’humour politique, mais aussi d’une mise en pratique directe de cet humour. Jupitérienne, Charline Vanhoenacker ? Elle pratique en tout cas l’« en même temps » : son propos est sérieux et en même temps la vanne surgit à chaque ligne ou presque. Partant du constat du manque d’études consacrées à l’humour politique, l’essayiste commence par la définition de son objet : « l’essence »…


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Aux vannes, citoyens ! Petit essai d’humour politique

Figure (re)connue du paysage radiophonique et télévisuel public français, la journaliste-devenue-humoriste belge Charline Vanhoenacker publie Aux vannes, citoyens ! , aux éditions Denoël. Le sous-titre, « Essai d’humour politique », annonce le caractère hybride de l’entreprise. Il s’agit bien d’un essai sur l’humour politique, mais aussi d’une mise en pratique directe de cet humour. Jupitérienne , Charline Vanhoenacker ? Elle pratique en tout cas l’« en même temps » : son propos est sérieux et en même temps la vanne surgit à chaque ligne ou presque. Partant du constat du manque d’études consacrées à l’humour politique, l’essayiste commence par la définition de son objet : «  l’essence  » du rire politique, affirme-t-elle, c’est «  inverser les rapports de domination, renverser la hiérarchie, faire tomber la statue de son socle ». Logiquement, elle rapproche l’humour politique d’un « moment de fête de carnaval  », sans toutefois creuser le parallélisme. À l’aune de cette définition, tout humour est forcément politique, même «  l’humour de pur divertissement  », celui qui ne cherche pas le renversement hiérarchique et, dès lors, « renforce [les dominations] qui sont à l’œuvre. […] ça aussi, c’est politique, tout en faisant mine de ne pas l’être  ».L’humour (politique) suscite aujourd’hui des débats divers, abordés tour à tour dans l’ouvrage. Charline Vanhoenacker explique, argumente, et prend position. Concernant l’antienne « On ne peut plus rien dire  », elle évoque un «  abaissement du seuil d’acceptabilité sociale du rire  ». Lorsqu’elle rappelle que l’humour demeure un bastion masculin, elle conclut qu’il est aussi une «  terre de conquête  » pour les humoristes femmes.Si elle s’attache ici à théoriser l’humour politique, elle en est bien sûr avant tout une praticienne.  Inévitablement, son essai glisse parfois vers le plaidoyer pro domo . Aux vannes citoyens ! aborde ainsi les critiques souvent adressées aux humoristes en général, mais plus particulièrement à l’équipe aux commandes de Par Jupiter !. Les contempteurs ont pour noms Alain Finkielkraut, Frédéric Beigbeder, ou encore Marine Le Pen. Charline Vanhoenacker s’attarde sur l’étiquette d’« humour de gauche », souvent accolée à son émission. Revenant à sa définition de l’humour politique, c’est-à-dire l’inversion des rapports de domination, elle s’interroge sur les conditions de possibilité d’un humour de droite. Et défend le choix de railler « les actionnaires plutôt que les ouvriers, […] le raciste plutôt que le migrant, […] le mâle blanc de plus de soixante ans plutôt que la femme noire de plus de cinquante ans  ».  Aux humoristes, on reproche aussi souvent de tout tourner en dérision. L’autrice voit dans ce grief une résurgence de «  la diabolisation du rire qui caractérise l’ère chrétienne  ». Si elle plaide pour la distinction entre «  rire joyeux  » et «  rire moqueur  » – et se réclame du premier –, elle reste évasive sur la manière de les distinguer : sont cités tour à tour des penseurs qui situent la différence dans l’intention de l’auteur et d’autres qui la placent au contraire dans l’interprétation de l’auditeur, mais cette contradiction n’est pas levée, ni même relevée. Et la balle est renvoyée dans le camp des politiciens. Bien plus problématique que la forte présence des humoristes dans les médias serait la dérive «  clownesque » de certain·e·s politiques : « quand le sage joue au clown, le débat de société devient un cirque  ».  Comme son titre le suggère, le livre de Charline Vanhoenacker traite de l’humour avec humour. Les bons mots et formules piquantes y foisonnent, comme lorsqu’elle synthétise les intentions prêtées par leurs détracteurs aux « humoristes de gauche  » : Tous ces qualificatifs sont destinés à nous faire croire que des humoristes nourrissent l’ambition secrète de conduire les chars soviétiques sur les Champs-Elysées et d’y dresser une statue de Lénine en quinoa. Le propos est agrémenté par de nombreux extraits de chroniques radiophoniques et télévisuelles de l’autrice. Ils irriguent le double courant qui traverse le volume – l’explication et la justification – et lui donnent les allures d’une plaisante (auto)anthologie. Aux vannes, citoyens ! est un essai, dans le plein sens…

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