Dans ce quatrième volume de correspondance couvrant les années 1964-1967, la voix de Yourcenar explore principalement trois directions : des réflexions éblouissantes sur ses œuvres en cours ( L’œuvre au noir , son étude et ses traductions des Negro Spirituals dans Fleuve profond, sombre rivière , son anthologie La couronne et la lyre ), ses conflits juridiques avec Plon, ses combats environnementalistes, son pessimisme face à l’évolution du monde. D’emblée, frappe la hauteur de vue, ce regard yourcenarien qui décèle l’intelligibilité du tout dans un détail et perçoit dans les grands mouvements historiques et géologiques les bruissements du temps et de l’éternité. Adressées à des écrivains — Georges Sion, Alain Bosquet, Natalie Barney, Hortense Flexner… —, à ses avocats, ses éditeurs — Plon, Gallimard —, des admirateurs, des membres de sa famille de Crayencour, les lettres reflètent la « vie immobile » que traverse l’écrivain résidant à Mont Désert. En un parallélisme éloquent, la période des années 1964-1967 fait écho à la deuxième partie de L’œuvre au noir , « la vie immobile ». L’on peut voir en Zénon un double, un portrait en creux de Yourcenar. Leurs cheminements sont, en effet, convergents. Aux trois parties de L’œuvre au noir (La vie errante, La vie immobile, La prison) correspondent dans la vie de Yourcenar ces mêmes scansions. Chez l’un et l’autre, une quatrième étape advient, placée sous le signe de la libération intérieure.La correspondance de Marguerite Yourcenar entre 1964 et 1967 nous raconte l’aventure passionnante d’un livre à la fois victime et bénéficiaire des «extraordinaires carambolages du hasard et du choix» : L’Œuvre au Noir . S’y déroule aussi, au jour le jour, l’histoire de la publication d’un ouvrage dont l’idée remonte au tout premier voyage de 1937, avec Grace Frick, dans le sud des États-Unis : le recueil des Negro Spirituals qui constituent Fleuve profond, sombre rivière . La question de la traduction est omniprésente dans les lettres car elle concerne aussi la préparation de La Couronne et la Lyre , «genre Fleuve profond , mais il s’agit cette fois de poètes grecs». Ces années marquent le début d’une vie immobile à Petite Plaisance, hormis un voyage en Europe, notamment à Auschwitz, où peu à peu se forge le pessimisme qui prévaudra dans L’Œuvre au Noir , «pendant des Mémoires d’Hadrien et leur entier contraire». La dynamique de l’écriture épistolaire de Marguerite Yourcenar a été respectée au plus près avec ses anglicismes, ses flottements sur les noms de lieux et de personnes, ses apories,…
Tout part d’Annette Masquilier. Artiste plasticienne et animatrice d’un atelier de théâtre et de marionnettes pour personnes handicapées mentales, elle interroge dans son travail l’humain et la société, avec un accent particulier mis sur les femmes : « Ma création parle des femmes, mais questionne également… Qu’en est-il des codes, des non-dits, des images qui nous sont imposées par la société et que l’on s’impose… C’est une recherche de liberté d’être, de parole, de vérité, de retrouver son essentiel, propre à chacun, à chacune… » Son credo ? « Créer sa liberté » ! Alors, elle a dessiné. Une femme, épouse, mère, d’âge moyen. Une femme au visage vidé de ses traits (même si, parfois, des larmes coulent). Une femme d’intérieur, tablier orange ; une femme à l’intérieur, escarpins rouges. Une femme bardée d’une serpillière, d’une poêle, d’oreilles, de jambes coupées, d’un cœur éprouvé. Une femme qui picore sa vie. Une femme tiraillée par des aspirations contraires ; enracinée, légère. Une femme à la recherche de ses cailloux de Petite Poucette. Cette une femme de papier inspire trois auteures belges et/ou françaises qui ont reçu des dessins, sans titre, aléatoirement. Et elles en ont librement renforcé les traits de leur plume. Pour reprendre les mots de Marianne Kirsch dans sa postface : « Concerto à la mémoire domestique. / Trois mouvements. Quelle trinité. Pour quel mont. / Vénus n’a rien perdu . » En effet, la maison d’éditions transfrontalière l’Âne qui butine s’est une fois encore jouée des limites en proposant un recueil où auteures et illustratrice en font fi.C’est Françoise Lison-Leroy qui approche la première d’ une femme , « autruche sans prénom ». Elle l’a fait participer à des jeux. Une femme s’entraîne au marathon des tringles avec ses talons actionnés par des ficelles, pas encore au point. Elle excelle à l’épreuve du frotte-frotte où « il s’agit de prendre appui sur la perche et de retomber les pieds dans le seau », quand elle ne tournoie pas sur une essoreuse à salade (qu’elle avait bien entendu fait pousser dans son tablier). Mais tout ceci est-il réellement un jeu ? Le manque de sommeil gagne car une femme ne dort que d’un œil, « chat perché, chien de fusil », aux aguets : les vautours rôdent… Dans une langue râpant les images éculées, Lison-Leroy nous met en garde : le « cœur en bandoulière », l’oiselle pourrait bien prendre « la mouche, le deuil, la poudre d’escampette ».Colette Nys-Mazure, elle, l’appréhende en confidences, pour ne pas la déséquilibrer. « Allègre, allante, enjouée, elle marche hardiment sur le fil du jour ; aux extrémités de son balancier, une louche et un seau. Entre-tenir. » Une voix instaure un dialogue avec une femme : les vers pour l’une, la prose pour l’autre. Elles évoquent la vie d’ une femme dont le quotidien est enrayé par « l’entretien infini des choses. Le trop plein et le vide simultanément. Le tonneau des Danaïdes. Le rocher de Sisyphe ». Car une femme , qu’elle soit une vieille qui encombre, une méfiante suspicieuse, une maman qui se rogne, hurle silencieusement : « Je suis cendre et me veux flamme. » Cependant, les pieds rivés au sol par les clous du devoir, lestée par la sagesse ressassée et les conseils mémoriaux, l’oiselle se justifie vainement : « Je ne joue pas à l’autruche mais j’affronte l’urgent. »« Moi ? Vous me cherchez ? Mais je suis là, dans l’ombre, dans l’ombre du jour, dans l’ombre d’un sourire. Moi… mais qui au juste ? » La parole d’ une femme devient flots quand Anne Letoré l’incarne. Elle livre intimités, souvenirs et trivialités, dans un style où ricochent les sonorités et les jeux de mots : « Mater dolorosa. Mon visage est un heaume. Mater dolorosa. Mon visage n’est plus au home. Mater dolorosa. Mon visage n’a plus d’homme. » Tour à tour photographie, statue, mannequin, fantasme, une femme prend à nouveau les traits du curieux volatile aux ailes lourdes de vanité, oiselle éructant : « Tu sais pas c’qui m’a dit ? Il m’a dit “ Fais pas l’autruche ! ” et ben si, je fais l’autruche, la tête dans l’seau comme quand je dégobille, seule, toujours seule, y’a qu’à ces moments-là où je suis seule, sans lui, sans ce con qui me traite d’autruche […] ».Voilà de quel bois se chauffe Rouge mise en plis . De l’incandescence bouillonnante, de la lave en fusion… jusqu’à ce que jaillissent l’éruption libératrice ou que les braises soient étouffées. « On disait que la vie commençait, qu’on l’inventerait. Nous. Elles. » Créer sa liberté ! Samia Hammami Où sont les femmes ? Ici, bien sûr ! C’est un livre de filles. C’est un livre qui parle de femmes. Du quotidien des femmes. Des clichés de femmes revisités. Du quotidien caché des femmes. Des impromptus de femmes. C’est des pages imaginées en…