Thierry Horguelin, le plus british des citoyens de la République Libre d’Outremeuse, nous revient après un large détour par Montréal. Son recueil Nouvelles de l’autre vie, édité par l’enseigne au nom énigmatique L’Oie de Cravan, s’annonce en quatrième de couverture comme « l’exploration de quelques labyrinthes ». Égarement garanti.L’ouverture est toute borgésienne, dans la mesure où « Mon double et moi » jouit du double statut de fausse préface comme d’histoire inaugurale ; où l’auteur – frêle figure, fragile instance s’il en est, aujourd’hui – se fait littéralement doubler par son Doppelgänger qui lui pique femme, réputation, biens et destinée… Le malheureux dépossédé de sa vie se voit acculé à l’entourloupe ultime : dérober…
De nos jours la story, l’intrigue, passe pour être l’essence d’un roman. Le rôle d’un romancier serait de raconter une bonne histoire avec des mots suffisamment évocateurs pour qu’un film continu se déroule dans l’esprit du lecteur, tandis qu’il tourne les pages et que l’histoire, bonne ou mauvaise, se substitue à sa conscience de dormeur éveillé.Mais l’intrigue en elle-même ne fournit que l’humus des choses, leur illusion prise pour la surface de la vraie vie. Il y a une autre façon, plus précise, plus féconde, de dévoiler l’histoire véritable : c’est de faire courir sous la ligne apparente un contre-courant, un récit secret tout juste audible dans le ressac de l’action. Le passé grammatical, l’évocation de ce qui est révolu se combine ainsi avec…
Les livres de Thierry Horguelin sont des verres d’alcool fin et précieux, le marc de ce que d’autres auteurs plus prolixes ou moins rigoureux diluent dans l’eau : on sirote du Horguelin tous les trois ou quatre ans, et l’ivresse elle aussi est d’une qualité rare..
Après son entêtant Alphabétiques, où l’auteur déployait ses talents oulipiens en déclinant une même histoire de séduction foireuse et de rixe vengeresse vingt-six fois (un récit par lettre de l’alphabet, chacun étant composé exclusivement de mots commençant par ladite lettre), Horguelin nous revient avec un recueil de nouvelles, Nouvelles de l’autre vie, d’une autre cuvée mais du même tonneau que la Nuit sans fin (prix Franz de Wever 2009). Et c’est du bon, du tout bon Horguelin. Une fois…