« Tu es là ». sont des variations sur les cinq sens, les quatre éléments de base, la nature. Elles chantent la joie de vivre et d’aimer.
Auteur de « Tu es là »…
« Il a réglé la course, est sorti en sifflotant et, sans se retourner, il a soulevé son chapeau en guise d’adieu », telle est la dernière image qu’a laissée Soren. Nous sommes à Bordeaux, en novembre 2017, et ce musicien et producteur âgé de cinquante-huit ans a demandé au chauffeur de taxi de le déposer à l’entrée du Pont de pierre. Après, plus rien… plus de Soren. Qu’est-il advenu ? Le roman de Francis Dannemark et Véronique Biefnot s’ouvre sur cette disparition et met en récit plusieurs voix. Elles ont toutes connu Soren, de près ou de loin. Chacune d’elles plonge dans ses souvenirs, exhume des moments passés en sa compagnie, des instants de sa vie et, dans une polyphonie où les sonorités tantôt se répondent tantôt dissonent, elles livrent au lecteur une reconfiguration de ce mystérieux Soren, tentant de lui éclairer le mobile de son départ. Chacune y va de sa modulation. « On dira Soren ceci, Soren cela.. on dit tant de choses, mais au fond, qu’est-ce qu’on sait ? » Lire aussi : un extrait de Soren disparu La construction du roman joue sur un décalage entre temps de narration et temps de récit. Tandis que cette volatilisation du personnage principal orchestre les interventions des différents narrateurs – celui-là l’a appris par téléphone, l’autre en écoutant la radio, celui-ci l’annonce à son père, un autre encore y songe à partir d’une photo de chanteuse dans un magazine etc. –, les récits font appel à une mémoire narrative qui reconstruit, rend présente une antériorité qui parcourt la vie du disparu, de son enfance à cette nuit sur le pont. « Un souvenir entraîne l’autre. Quand on commence, on n’en finirait plus… »Cette temporalité se déploie dans une spatialité qui accroît le côté mémoriel des interventions. Le lecteur arpente un Bruxelles d’autrefois ; de l’auditoires de l’ULB au Monty, le piano-bar-cinéma d’Ixelles, près de Fernand Cocq, de la chaussée de Ninove au Mirano Continental, la capitale se fait le lieu de ce festival narratif. [L]es soirs où je glandais, on traînait ici ou là, au Styx, on attendait une heure du mat’, avant ça, rien de bien ne se passait nulle part. À pied la plupart du temps, on allait jusqu’à la Bourse, au Falstaff, à l’Archiduc…, on se faisait parfois refouler à l’entrée quand on était trop murgés ou trop nombreux, ou qu’un truc nous avait énervés, un film ou un bouquin, et que la discussion déraillait. On buvait du maitrank ou des half en half, ou rien, ça dépendait de qui payait la tournée, ensuite, on montait le nord, sous le viaduc, vers l’Ex, ou alors à la rue du Sel parfois. Cent-douze récits rythment ce roman choral où la musique est omniprésente . Fitzgerald, Les Stranglers, Wire, Chet Baker, Branduardi, Kevin Ayers, Neil Young, … La compilation forme une constellation où luisent les traits saillants qui permettent d’appréhender, par fragments, le disparu, de retracer son parcours, avec, en fond, ces musiques qui résonnent et accompagnent la lecture.Le duo Biefnot-Dannemark, déjà connu pour La route des coquelicots (2015), Au tour de l’amour (2015), Kyrielle Blues (2016) et Place des ombres, après la brume (2017), offre un nouveau quatre mains avec Soren disparu . Un roman kaléidoscope où se font échos les témoins de la vie de Soren ; lesquels, dans l’exploration du pourquoi et du comment d’une perte, mettent en lumière le temps qui passe, la complexité de l’existence et sa fugacité.Une nuit, traversant un pont, Soren disparaît. Tour à tour producteur, musicien, organisateur de festivals, cet homme multiple n'a eu de cesse d'arpenter le monde de la musique. Pour percer le mystère de sa disparition, une centaine de témoins…
Roman pour mains vertes et petit·es écolo-poètes et poétesses Comme tous les matins, à l’heure où le premier train siffle, Monsieur Mots pousse la barrière de son petit jardin. Il se balade de rosiers en buissons, de bourgeons en feuilles, et salue chacun·e d’une caresse. La terre est multicolore, les fleurs prêtes à éclore. À votre tour de pousser la jolie barrière rouge et d'explorer en compagnie de notre jardinier-poète ce lieu singulier où fleurs, plantes et mots prolifèrent en toute liberté… Les lecteurs et lectrices seront sensibles aux jeux de mots, aux métaphores, à la recherche lexicale qui mènent naturellement à l’écriture, au travail ludique de la langue... Cela dit, qu'on ne s'y trompe pas : le texte de Marie Colot est un manifeste humaniste qui développe des thèmes tels que la nécessité en opposition à la contingence ; la consommation et le productivisme ; la biodiversité (racines des plantes et des mots) ; le lexique en raréfaction ; la responsabilité qui découle de la propriété (« Je suis responsable de ma rose », dit Le Petit Prince), la générosité ou encore le partage.Comme tous les matins, à l’heure où le premier train siffle, Monsieur Mots pousse la barrière de son petit jardin. Il se balade de rosiers en buissons, de bourgeons en feuilles, et salue chacun·e d’une caresse. La terre est multicolore, les fleurs prêtes à éclore. À votre tour de pousser la jolie barrière rouge et d'explorer en compagnie de notre jardinier-poète ce lieu singulier où fleurs, plantes et mots prolifèrent en toute liberté…Comme tous les matins, à l’heure où le premier train siffle, Monsieur Mots pousse la barrière de son petit jardin. Il se balade de rosiers en buissons, de bourgeons en feuilles, et salue chacun et chacune d’une caresse. La terre est multicolore, les fleurs prêtes à éclore. Elles se gorgent de lumière tandis que les abeilles se promènent dans un joyeux désordre.…
La critique à l’ère numérique (in Dossier)
Écrire sans contraintes avec autant de photos ou de documents possibles, ne pas être assujettis à un nombre de caractères ou à un format, c’est possiblement une promesse de la presse numérique et des revues web. Comment ces revues ont-elles vu le jour ? Comment fonctionnent-elles ? Qui les font ? Y a-t-il un revers de la médaille, le web est-il vraiment un paradis ? Blogs, sites, agendas en ligne, sites d’artistes, l’information web est protéiforme. Alors comment se repérer sur la toile et trouver le chemin qui mène à l’information ? Puisque, paradoxalement, ce n’est pas parce qu’elle est en ligne, qu’elle est accessible. * La filiation papier et web La corrélation directe entre le web et le papier permet de s’orienter plus facilement. Les journaux, généralistes comme Le Soir, La Libre Belgique, ou spécialisés tels que Mouvement, Inferno, développent un format web en lien avec la version papier. Dans ce cas, l’accès parait simple, bien que la subtilité des « tags » (étiquettes) et dénomina- tions complexifie la recherche (sous le mot « scène » se retrouvent des articles que l’on ne trouve pas sous le mot « danse » et vice versa). Là s’ouvre la boîte complexe de la terminologie. De plus, écrire pour le web ne garantit en rien que l’on est lu. Les moteurs de recherche fonctionnent de telle façon que plus un site est consulté plus il va appa- raître en tête de liste lorsque l’on fait une recherche. La boucle est bouclée qui rend parfois complexe l’accès à des initiatives plus inventives et spécifiques. En 2013, Agnès Izrine décide de faire une version web du magazine Danser. La fin de 30 ans de parution avait été si abrupte et difficile que, selon sa rédactrice en chef, « cela ne pouvait pas finir comme ça ». En créant « Dansercanalhistorique », elle pense alors développer un magazine web plus ou moins éphémère. L’expérience est un succès : le site est au- jourd’hui encore actif et enregistre jusqu’à 7 000 consultations par mois. Les lecteurs du magazine papier se sont déplacés vers le site, animé par l’équipe originale de la version papier. « Dansercanalhistorique » est le prolongement numérique de ce que fut le magazine Danser, une référence en termes de magazine spécialisé traitant de toutes les danses. La ligne éditoriale est de même facture, avec la possibilité d’augmenter l’espace des photos et d’ajouter des liens vidéo, et la liberté de sortir des contraintes du nombre de caractères. En- thousiaste, Agnès Izrine voit dans le numé- rique des possibilités pour l’avenir. Le numérique, c’est l’indépendance... Pour Marie-Christine Vernay, l’aventure commence quand elle claque la porte de Libération pour fonder le site « Delibere.fr » avec Édouard Laumet et René Solis. « L’essentiel était de préserver un espace d’écriture et un espace critique qui, pour nous, n’existaient plus. L’intérêt du web réside dans le fait qu’il n’y a pas de limite, on n’est pas cadré par des pages, des ultimatums autres que nos propres envies. J’ai inventé – ce que l’écrit papier ne me permettait pas auparavant – une chronique intitulée Chanson de gestes, où je décrypte les gestes quotidiens des gens, les gestes qui apparaissent, ceux qui disparaissent. Le web élargit le champ et permet de traiter de la danse de différentes façons. » Pour « Radio Bellevue Web », Marie-Christine Vernay ouvre de nouveaux espaces, imagine une rubrique où elle pose une simple question – « Est-ce que vous dansez ? » – à des politiques, des chorégraphes, et, ce faisant, éclaire la danse en creux. Le web peut s’avérer un champ d’investigation, d’inventions, une création de nouveaux espaces pour une pen- sée personnelle, une façon de se libérer de la contrainte du papier. ... mais c’est aussi le bénévolat Quelle est la différence entre un site et un blog ? La frontière est très poreuse. Le blog a priori s’apparente au journal intime ou au carnet de notes, souvent tenu par une seule personne, contrairement au site qui serait réalisé par une équipe. Cependant, nous pourrions citer une dizaine de contre-exemples avec des blogs menés à plusieurs. D’un point de vue technique, un site et un blog n’ont pas la même sorte d’interface et d’arborescence, mais la frontière n’est pas si tranchée, des blogs pouvant ressembler à des sites et vice versa. Blog ou site, ce qu’offre l’internet à la critique se résume à du bénévolat et à des personnes qui s’essaient à la quadrature du cercle pour trouver des moyens de financement. Ainsi, si Agnès Izrine bénéficie d’une subvention du ministère de la Culture, qui lui permet tant bien que mal de payer ses collaborateurs, elle trouve les annonceurs encore trop frileux et n’est pas encore parvenue à trouver un équilibre financier. À « Radio Bellevue » et à « Delibere.fr », tous les collaborateurs sont bénévoles. Selon Marie-Christine Vernay, les moyens financiers restent encore à inventer. Un espace pour l’émergence ? Le projet du blog « Un soir ou un autre » mené par Guy Degeorges emprunte des voies bien différentes. Son auteur a commencé il y a une dizaine d’années. Animé par le désir d’écrire, il s’est tourné vers la critique de théâtre et a rencontré la danse après coup, un peu par hasard. L’aventure est modeste : Guy Degeorges travaille seul, il revendique un non professionnalisme et affirme une subjectivité. Il est curieux et, à force d’écrire sur les formes émergentes et la jeune danse, il a peu à peu intégré le monde professionnel de la danse parisienne. Les jeunes chorégraphes l’invitent à voir leur premier spectacle, pour lequel ils espèrent en retour un article. Depuis 10 ans, Guy Degeorges est le témoin privilégié de l’émergence parisienne, avant lui peu relayée par la presse, par manque de temps, par manque de place. Car la presse web sert aussi à cela : ouvrir des espaces et faire découvrir de nouvelles démarches. Sarma, espace de ressources pour artistes et théoriciens Ouvrir des espaces pour les pratiques discursives a été un des moteurs de la création de l’association flamande Sarma en 2000. La première impulsion de Jeroen Peeters et Myriam Van Imschoot, critiques et fondateurs du projet, était de collecter articles et écrits sur la danse et la performance, de créer des archives qui puissent être consultées en ligne, et devenir vivantes au service des artistes aussi bien que des théoriciens. Sarma est devenue au fur et à mesure de son développement une véritable plateforme de recherche où pratique et théorie dialoguent, où critiques, artistes, dramaturges et théoriciens se rencontrent et collaborent, où les frontières entre chercher et faire deviennent poreuses. L’association élargit ses activités en organisant des col- loques, invite des artistes à partager leurs pratiques et leurs questionnements, interroge les pratiques en lien avec la dramaturgie, crée des événements avec des universités comme celle de Stockholm ou encore la formation EXERCE à Montpellier. Tout en gardant le fil ténu de la relation théorie, pratique discursive et création, Sarma se déploie avec une inventi- vité infinie. En 2012, elle crée « Oral site », une plateforme consacrée à l’oralité, considérant que la création de discours, les traces et les archives ne sont pas uniquement le fait de l’écrit et qu’il serait temps d’embrasser le travail du son et du dessin dans cette réflexion. Ainsi, depuis plus de dix ans maintenant, la presse web a totalement intégré le circuit de production du spectacle vivant. Elle écrit des ar- ticles qui sont relayés par les institutions culturelles, les compagnies de danse, leur donnant, littéralement, une visibilité ; elle nourrit le travail et la réflexion des artistes et ce faisant offre une plus-value, pour utiliser le champ sémantique de l’économie. Les compteurs…