Une femme fait un bilan, provisoire et amusé, de sa vie amoureuse. Aime-t-elle vraiment trop l’amour ? Ce que l’on comprend vite, c’est qu’elle se réjouit de ce goût peut-être immodéré. Et elle nous en parle avec une franchise et un humour aussi déconcertants que bienvenus. S’il s’adresse évidemment aux femmes, son livre est aussi de ceux qui ne manqueront pas d’amuser, de choquer ou de séduire les hommes, ces étranges créatures qui ne sont pas toujours celles dont rêvent dames et demoiselles. Une question se pose à la fin : est-ce d’amour, de désir ou de passion dont nous parle Pilar Pujadas ? À chacun de donner la réponse qui lui convient. Mais en matière d’amour, le dernier mot appartient peut-être au silence
Autrice de Soit dit entre nous, j’aime trop l’amour
Illustratrice de Soit dit entre nous, j’aime trop l’amour
Née le 12 août 1974 à Louvain
Graduat en Photographie, Le 75, Bruxelles
Son univers ? Un désordre amoureux peuplé d'animaux qui nous ressemble. Dans son sac ? Des crayons, des feutres, des gouaches, des photos noir et blanc, de la colle et des ciseaux ... Lauréate d'une Bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Découverte, 2008 Lauréate d'une Bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Congé sabbatique, 2013 Lauréate d'une Bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles - Aide à la création, 2020
L’œuvre de Werner Lambersy est vaste, comme un océan agité de ténèbres. Pour le parcourir, Philippe Bouret a choisi d’y tendre une ligne de fond sous la forme de dialogues ou plus exactement d’une réflexion à deux, menée entre le poète et le psychanalyste. Il en résulte un livre qui est le témoignage dense de trois années de conversations. Il se caractérise par la liberté : liberté du ton, des sujets abordés et liberté des mots, qui offrent une plongée passionnée dans l’intimité de l’œuvre. La conversation s’interrompt, parfois, lorsque Philippe Bouret demande à Werner Lambersy de lire l’un de ses textes, sur lequel l’un et l’autre rebondissent, livrent leurs interrogations. Petit à petit se compose un portrait du poète parsemé de sourires, de connivences malicieuses et de respirations mélancoliques. Un petit fait, comme une guêpe qui se noie dans une tasse, peut ainsi inspirer le récit d’une anecdote et une réflexion fulgurante sur l’écriture qui noue la vie et la mort. Cette immersion dans l’œuvre de Werner Lambersy est une découverte de ses multiples naissances. Il y a, tout d’abord, le début de la vie qui aurait pu en être la fin, les paroles transmises, le corps qui se souvient, l’explosion du pont d’Anvers au moment où l’enfant vient de le traverser dans les bras de sa mère et la figure du père SS, qui fait confectionner un uniforme identique au sien, dans du papier crépon, pour son fils de trois ans. L’évocation de ces souvenirs déploie un réseau d’images qui parcourent l’œuvre. Elle permet d’approcher l’obsession de l’absence, la recherche d’une solitude qui en est l’antithèse, de révéler l’importance du souffle qui est un pont entre le néant et la vie. Elle éclaire l’un des poèmes fondamentaux de Werner Lambersy : La toilette du mort. La naissance du poète exige d’arracher la parole à l’autre et la naissance du poème est vécue comme un recommencement sans fin dans lequel l’écriture agit comme une mise à nu, un acte de nettoyage de la langue et de soi. Werner Lambersy évoque ses rencontres, ses amitiés, les œuvres qui forment sa colonne vertébrale poétique. Au fil des chapitres, l’homme se découvre. Il parle de l’amour, de la passion, des échecs, de l’érotisme. Il évoque le pouvoir de l’humour, l’ironie salvatrice, le besoin des voyages, son goût pour la prise de risques et, toujours, la poésie, comme une mystique, une mystique sans dieu.Pour Werner Lambersy, « on doit toujours écrire dans la maison des morts ». La poésie est une sorte de maladie, comme l’illustre Dites trente-trois, c’est un poème. Elle est aussi l’expression irrépressible d’une envie, une nécessité qui possède l’homme : « je n’ai pas la possibilité de ne pas écrire », constate ainsi Werner Lambersy. Philippe Bouret l’amène à évoquer la mélancolie qui entoure son œuvre. Le poète introduit alors une distinction éclairante entre la nostalgie tournée vers le passé et la mélancolie qui est le présent. Il en vient à se demander si « la poésie n’est pas tout entière dans la mélancolie, si elle n’exprime pas toujours la mélancolie ».Écrire est cependant « le malheur le plus heureux ». Werner Lambersy évoque le moment où le poème l’interpelle, les rituels pour faire le vide autour de lui et en lui. Une image se détache, celle du ciseau, auquel renvoyait son surnom de Compagnon : « Flamand, ciseau du souffle ». Comme l’instrument, le poète est frappé par quelque chose qui le dépasse, qui le cogne sans cesse : la vie. Comme l’outil, il transmet, il érode le silence, arrache des parcelles au néant. François-Xavier Lavenne Ces conversations entre le poète et le psychanalyste évoquent les souvenirs d'enfance de l'écrivain, ses influences littéraires, ses rencontres marquantes et sa relation au réel, à l'humour, à…
Au cœur des hommes : Enquête sur les affects masculins
Autrice d’une œuvre aussi importante que singulière, psychologue, philosophe, Sandrine Willems interroge dans son essai-enquête Au cœur des hommes la construction de l’identité masculine, le rapport qu’elle implique à la sphère des affects, amour, amitié, joie, tristesse… Ayant recueilli les propos d’une douzaine d’hommes âgés de 25 à 65 ans, elle amène ses interlocuteurs à questionner leurs rapports à l’autre, au genre, au monde, à la vie, à l’invention de soi. Dans sa préface, ce qui a suscité le désir de mener une telle enquête est dévoilé : « L’origine de ce projet se situe dans ma réaction au livre d’une femme, où je trouvais que les hommes étaient caricaturés, soit en lourdauds qui ne comprenaient rien, soit en figures éthérées, pleines d’idéaux abstraits — face à des femmes qui avaient l’apanage d’une sensibilité incarnée. Cette vision simpliste me heurtait d’autant plus qu’elle me semblait faire écho à certains extrêmes d’un féminisme contemporain, qui remet sur un piédestal d’archaïques puissances matriarcales, pour dénigrer le masculin, comme voué à l’intellectualisation, à ses futilités et ses dangers ». C’est avec la sensibilité de l’éthologue, le radar de l’écologie des pratiques animales, humaines ou non-humaines, que Sandrine Willems écoute ses interlocuteurs, sans exporter dans leurs paroles des visions, des stéréotypes (anciens ou nouveaux), des grilles d’analyse. Certes, la formulation des questions, le choix des champs d’investigation prédéfinissent, à tout le moins les réponses.Que des clichés aient la vie dure, que certaines femmes figent les hommes (les uns et les autres cisgenres ou transgenres) dans des rôles enfermants, étouffants, que nombre d’hommes (et de femmes) aient intériorisé des visions normatives, des attentes relève des mécanismes de socialisation que Pierre Bourdieu nomme habitus . Mais il n’y a pas d’héritage de modes de pensée, de valeurs, de modèles sans un bougé, une réinvention des rôles, des manières de vivre et de s’inscrire dans le monde. La formule sartrienne « L’existence précède l’essence » rend compte de cette inadéquation à soi, de ce devenir d’une identité qui ne coïncide jamais avec elle-même. Afin d’amener les personnes interrogées à se pencher sur leurs affects, sur leur perception du sentiment amoureux, de la tendresse, leur porosité par rapport au monde, le mythe de l’androgynie, leur part féminine, les larmes ou encore la sublimation, l’introspection sur le continent des affects se doit d’être relayée par une mise en pensée de ce qui échappe au plan de l’idéel. Comment, sous quelles formes (superficielles ou plus profondes), l’ouverture à de nouveaux nouages entre soi et soi, soi et l’autre, soi et le monde, l’expérimentation d’un affect « océanique » qui s’élargit au non-humain modifient-elles le plan de la psychè et du socius ? Appartenant à certains groupes sociaux, à certains milieux professionnels, culturels, les hommes qui se sont prêtés à l’enquête ne forment qu’un échantillon de la population. Sandrine Willems ne place pas son curseur sur le plan sociologique ou psychologique mais dans un espace éthologique qui recueille des savoirs de soi, des expériences, des doutes. Que disent les affects (passés dans l’athanor de la réflexion) de ceux qui les expriment ? Que perd-on du rapport intime à soi dans sa traduction en concepts ? Comment éviter que le désir d’inventer de nouveaux affects ne devienne un programme alors que le propre des révolutions existentielles est de surgir dans un mélange de pulsions intensives et de riposte à une situation vécue comme insupportable ? Comment être aux aguets et déjouer les nouveaux stéréotypes castrateurs qui remplacent les anciens ? En Occident, le 21e siècle cultive avec brio le paradoxe d’un appel à la libération de soi qui engendre des injonctions massives, des pressions sociétales, des effets de mode moralisateurs et aliénants. C’est avec empathie et dotée de l’oreille d’une musicienne-poète que Sandrine Willems écoute les voix qui explorent les questions qu’elle leur tend, qui se confient à elle. Véronique Bergen En savoir plus Les propos réunis ici sont issus d’interviews, d’une douzaine d’hommes entre 25 et 65 ans. Ils se demandent ce que peut vouloir dire aujourd’hui être « un homme » et interrogent les multiples sens que ce terme peut prendre, ceux dont ils ne veulent plus, ceux qui restent à inventer. Des hétéros, des bis, des gays, questionnent leur prétendue féminité, et la différence des genres, si incertaine, de nos jours particulièrement vacillante. Par là chacun tente de dire son monde intérieur, ses humeurs, le fond de son « cœur » ou de son « âme » , et ce que ces mots issus d’un autre âge signifient pour lui. Ce qui mène à réinterroger du même coup l’amour, l’amitié, et ce qui pourrait les élargir, les englober, dans ce qu’on a pu appeler un affect « océanique » , où l’on se sentirait relié au monde non humain, ou à l’inconnu de ce qui nous dépasse. « Je me sens masculin, au sens d’une adéquation à mon corps, mais parfois j’ai envie d’être une femme. J’ai l’impression de ne pas coller à ce rôle d’homme, je n’ai pas envie de ça, d’être du côté de la force, de celui qui doit porter la femme, de celui qui doit fermer sa gueule. J’ai l’impression que je n’ai pas assez de confiance pour ça, et j’ai envie qu’on me protège aussi. …