Simon Leys (1935-2014) reste pour la postérité l’auteur des célèbres Habits neufs du président Mao, ouvrage dans lequel il osa dire, alors seul, que le Grand Timonier était nu et sa Révolution culturelle une meurtrière imposture. Il est cependant beaucoup plus que le pourfendeur du délire maoïste : il fut ce maître de conduite par mauvais temps auquel cet essai est consacré. Réfractaire aux modes et aux idéologies, embrassant d’une même passion la Chine d’hier et la Chine vivante, lecteur universel, navigateur entre les mondes, héritier de la lucidité de Milosz, de l’ironie de Lu Xun et de l’humour catholique de Chesterton, Simon Leys incarne l’alliance rare entre l’exigence de vivre dans la vérité et l’amour de la création – celle qui permet d’accorder des anges avec des cachalots et le cauchemar de l’Histoire avec le bonheur des petits poissons de Zhuangzi ou les moeurs du crapaud ordinaire célébrées par Orwell.
Ressaisir la cohérence, la puissance d’une œuvre, l’arracher aux malentendus durables qui n’ont cessé de la recouvrir, dissiper les lectures paresseuses dont elle est prisonnière : c’est à l’aune de ces trois ambitions que se tient l’essai que Jérôme Michel consacre à Simon Leys. Sinologue, historien de la peinture et de la calligraphie chinoises, traducteur de Confucius, Shitao, Lu Xun, Shen Fu, Pierre Ryckmans bouleverse le paysage intellectuel lorsque, en 1971, il publie sous le pseudonyme de Simon Leys, Les habits neufs du président Mao. Chronique dénonçant la tragédie de la Révolution culturelle, s’inscrivant à contre-courant du maoïsme en France, cet essai (publié par Champ Libre, l’éditeur de Guy Debord) retentit comme une bombe. Comme…
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