Septentrion - magazine n° 10 - 2e semestre 2024 - Septentrion n° 10 - 2e semestre 2024

Sommaire

  • Édito  Des cercles dans l’eau
    Hendrik Tratsaert

    Dossier  Avec la mer du Nord

    Réconforts salins

  • Un bruit sourd venu du lointain. La mer pour la première fois
    Mathijs Deen
  • La mer, une amante,
    Les vertus curatives et imaginaires de la mer du Nord
    Sofie Vandamme
  • Scheveningen, Louis Couperus
    Extrait traduit du néerlandais par Christian Marcipont
  • Ostende
    Jacqueline Harpman
  • La mer, Ilse Ceulemans
    Extrait traduit du néerlandais par Françoise Antoine

    Ce que les marées recèlent

  • La mer a aussi ses droits. À qui appartient la mer du Nord?
    Lieven Desmet
  • Échoués sur la grève. Trouvailles et récits
    de l’écumeur de plages moderne
    Hendrik Tratsaert
  • Îles disparues, épaves de navires, câbles et pipelines
    La mer du Nord dévoile ses mystères
    Sven Van Haelst, Tine Missiaen, Steven Dauwe
  •  Comment sauver la mer du Nord? L’océanoptimisme
    en Flandre et aux Pays-Bas
    Tomas Vanheste
  • Héros des mers néerlandais. En peinture,
    la marine comme carte de visite
    Cécile Bosman
  • Mer, sable et béton. Le littoral aux Pays-Bas,
    en Belgique et dans le nord de la France
    Jeroen Cornilly

    Périls maritimes

  • Rustaud, héros ou bourreau? Les multiples visages
    de Jean Bart
    Alban van der Straten
  • Quand la mer du Nord semait la mort. D’anciennes
    catastrophes sortent de l’oubli
    Lotte Jensen
  • Les temps changent. La mer du Nord
    comme solution aux problèmes migratoires
    Torsten Feys
  • Quand on parlait ingvæonique. La langue
    des côtiers de jadis
    Mathilde Jansen

    Les actualités des Plats Pays

  • Un regard vers 2050. Mon utopie
    Hans Vanacker
  • Un promoteur d’icônes néerlandaises
    Henry Havard, un «génial étranger»
    Ronald Nijboer
  • Une toile sans cadre. Baloji,
    un chaman postmoderne
    Gunter Van Assche
  • De l’église au cours de français.
    Les multiples usages des gestes
    Ulrika Klomp

    Comptes rendus

  • «Au crépuscule» (Jaap Robben)
    Dorien Kouijzer
  • «Hildeke» (Lieve Joris)
    Véronique Bergen
  • «Le ciel était vide» (Inge Schilperoord)
    Pierre Gelin-Monastier
  • «Ma sexualité en toutes lettres» (Tobi Lakmaker)
    Léonore Brassard
  •  La représentation de l’abus de pouvoir
    et de la violence. Susanna Inglada, dessinatrice avant tout
    Maarten Buser
  • Un enfant au sein, un livre à la main. La maternité
    dans les œuvres littéraires récentes des Plats Pays
    Anne van den Dool
  • Par moments, je veux un enfant. Jantine Jongebloed
    Extrait traduit du néerlandais par Daniel Cunin
  • Quelques gouttes. Bregje Hofstede
    Extrait traduit du néerlandais par Françoise Antoine
  • La poussée d’hormones. Saskia De Coster
    Extrait traduit du néerlandais par Françoise Antoine
  •  Avez-vous le «bon» diplôme? Travailler de l’autre côté
    de la frontière
    Conny Van Gheluwe


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Des deux côtés de la rivière, Comines, l’incontournable

[Traduit du néerlandais par Pierre Lambert] Les deux Comines, situées sur les rives de la Lys, de part et d’autre de la frontière franco-belge, ont formé une seule commune jusqu’en 1713. «La collaboration avec Comines France est mon pain quotidien», note la bourgmestre belge Alice Leeuwerck. * Sur la carte qui orne son bureau à l’hôtel de ville, Alice Leeuwerck indique les trois sections de la commune qu’elle administre: Comines, Le Bizet et Warneton. Un peu plus loin, le long de la frontière entre la Flandre-Occidentale et la France, ce ne sont que bois et champs des deux côtés. «Dans ces zones, les contacts et la coopération entre les citoyens sont moins fréquents», observe Leeuwerck. En revanche, autour de la ligne de démarcation entre la province belge du Hainaut et la France, les maisons et les commerces forment un tissu urbain serré. «Ici, les gens traversent la frontière sans même s’en rendre compte. Il est donc logique que nous collaborions de façon plus intense avec les communes françaises qu’avec celles du nord, côté belge. Ce n’est pas une question de langue, mais de géographie.» Mme Leeuwerck fait partie des vingt-huit plus jeunes bourgmestres du royaume, récemment conviés à un dîner au palais de Bruxelles. Elle avait vingt-sept ans quand elle s’est emparée de l’écharpe mayorale en 2018, grâce à sa première place sur la liste victorieuse d’Ensemble - Liste citoyenne d’ouverture à Comines-Warneton. Il semble qu’elle ait préféré cette fonction à un poste de ministre ou de député. En juillet 2022, cette talentueuse femme politique de tendance libérale rejoint le Conseil des bourgmestres. L’hôtel de ville, où elle m’a accueilli, est situé à quelques centaines de mètres de la Lys. Il suffit de franchir le pont qui enjambe la rivière pour se retrouver dans la commune française de Comines. «Avant 1713, date de la signature du traité d’Utrecht, nous appartenions au même pays et il y avait donc une seule Comines, explique la bourgmestre. Ce passé commun explique les liens qui subsistent entre les Belges francophones et les Français sur les deux rives de la Lys. Pendant la Première Guerre mondiale, la ville a été pour un bref temps réunifiée sous le contrôle de la Kommandantur Comines. Bien sûr, nous ne gardons pas un bon souvenir de cet épisode.» * Comines-Warneton s’étend sur quinze kilomètres le long de la frontière et compte près de vingt mille habitants. Du côté français, les communes n’ont jamais fusionné. Armentières et Comines présentent une taille respectable, mais les autres communes sont plus modestes, avec une population de quelques centaines à quelques milliers d’habitants. «Je dois me concerter avec sept maires français. En cas de problème, ils viennent tous me voir dans mon bureau en disant: Madame la Bourgmestre, il faut que nous discutions». Néanmoins, ses confrères français n’ont pas toujours leur mot à dire. «En Belgique, le bourgmestre et le collège des échevins ont un pouvoir beaucoup plus étendu que leurs homologues en France. Là-bas, de nombreuses compétences autrefois assumées par les maires relèvent désormais de la MEL (Métropole européenne de Lille, une structure intercommunale, ndlr).» * Natation, skateboard et cyclisme Leeuwerck collabore de façon particulièrement étroite avec Eric Vanstaen, qui a été élu maire de Comines France par le conseil municipal en 2020. Et ce à la surprise générale, car il n’occupait que la cinquième place sur la liste gagnante Un souffle d’avenir pour Comines. «À vrai dire, c’est le même scénario que celui qui s’est produit chez nous», note Leeuwerck. À la faveur d’une nouvelle majorité, un nouveau maire a détrôné l’ancien, resté longtemps en place. Nous avons tous les deux un profil similaire, car il n’est pas non plus affilié à une famille qui joue déjà longtemps un rôle dans la politique. Nous collaborons de façon très intense sur une foule de projets variés.» C’est notamment le cas dans le domaine sportif. «Nous avons une piscine, alors que les Français n’en ont plus. La leur était trop vétuste et en construire une nouvelle aurait coûté trop cher. C’est pourquoi les écoles françaises utilisent maintenant notre piscine. Par ailleurs, les jeunes de Comines-Warneton voulaient disposer d’un skate-park, mais Comines France avait déjà un tel projet. C’est très bien comme cela. Vos jeunes peuvent venir nager chez nous et les nôtres iront faire du skateboard chez vous.» Un autre bel exemple de coopération transfrontalière selon Leeuwerck est Le Beau Vélo de RAVeL. Il s’agit d’un parcours cycliste organisé chaque année par la RTBF (radio-télévision belge de la Fédération Wallonie-Bruxelles) sur le réseau autonome de voies lentes en Wallonie. L’émission propose chaque samedi en été un reportage consacré à l’étape du jour en suivant les participants sur une trentaine de kilomètres. «Pour la première fois de l’histoire du programme, le parcours est aussi passé par la France en 2021, se félicite la bourgmestre. Le Beau Vélo de RAVeL est parti de Comines-Warneton et a traversé la frontière pour continuer jusqu’à Armentières. Là, nous avons visité la ville avec le maire, avant de prendre le chemin du retour. C’était aussi une façon de montrer que nous avons beaucoup de choses en commun. De l’autre côté de la frontière, on est en Flandre française, mais on y trouve la même passion pour le cyclisme et la même culture que chez nous.» * Fête franco-belge Quiconque traverse rapidement les deux Comines par un jour pluvieux de décembre se fera sans doute une idée plutôt lugubre de ces villes jumelles. Pourtant, à y regarder de plus près, ces communes renferment des édifices tout à fait remarquables, comme le centre culturel de style brutaliste du côté belge et l’église néobyzantine Saint-Chrysole du côté français. L’extérieur de cet édifice religieux est une pure merveille et son intérieur a de quoi plonger dans l’extase le plus radical des athées. Ces petites villes peuvent en outre se prévaloir d’une riche vie culturelle. L’un des temps forts de l’année est la Fête des Louches, que les deux Comines organisent de concert le deuxième dimanche d’octobre, et ce depuis 1884. Le cortège de chars s’ébranle en Belgique. Les deux maires jettent des cuillères en bois du haut du beffroi, perpétuant une tradition qui s’inspire d’une légende médiévale: un seigneur de Comines, emprisonné dans une tour par les Anglais, aurait jeté une cuillère depuis sa cellule pour alerter la population, qui serait venue le délivrer. «C’est une très belle tradition culturelle, mais son organisation est assez compliquée, souligne Leeuwerck. Nos policiers peuvent intervenir jusqu’au pont; au-delà, c’est la police française qui prend le relais. Pendant la pandémie de coronavirus, nous ne pouvions pas jeter de cuillères en bois au public depuis le cortège, alors que c’était autorisé en France. Après concertation, nous avons décidé d’appliquer les mêmes règles strictes des deux côtés. Évidemment, les Français n’ont pas beaucoup apprécié.» * Un vent défavorable La frontière entre les deux Comines passe au beau milieu de la Lys. À l’issue du match de football France-Maroc en décembre 2022, la police a dû fermer le pont sur la rivière. «Après la victoire de la France, une bande de petits voyous ont essayé de passer en Belgique pour nous narguer parce qu’ils avaient gagné contre le Maroc, alors que nous, nous avions perdu, explique Leeuwerck. Ils s’adonnent parfois à des activités illégales sur notre partie du pont parce qu’ils savent que la police belge ne peut pas les poursuivre en France.» Un autre dossier épineux trouve son origine quelques kilomètres plus loin à l’ouest, à Warneton. C’est là, au bord de la Lys, qu’est implanté le fabricant de pommes de terre surgelées Clarebout. Au printemps 2021, le magazine belge Wilfried a publié un reportage sur ce qu’il…

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