Dossier Avec la mer du Nord
Réconforts salins
Le tourisme de mémoire au lendemain de la Première Guerre mondiale
[Traduit du néerlandais par Jean-Marie Jacquet.] Une sensation de vide et de tragique. Dès avant…
Des deux côtés de la rivière, Comines, l’incontournable
[Traduit du néerlandais par Pierre Lambert] Les deux Comines, situées sur les rives de la Lys, de part et d’autre de la frontière franco-belge, ont formé une seule commune jusqu’en 1713. «La collaboration avec Comines France est mon pain quotidien», note la bourgmestre belge Alice Leeuwerck. * Sur la carte qui orne son bureau à l’hôtel de ville, Alice Leeuwerck indique les trois sections de la commune qu’elle administre: Comines, Le Bizet et Warneton. Un peu plus loin, le long de la frontière entre la Flandre-Occidentale et la France, ce ne sont que bois et champs des deux côtés. «Dans ces zones, les contacts et la coopération entre les citoyens sont moins fréquents», observe Leeuwerck. En revanche, autour de la ligne de démarcation entre la province belge du Hainaut et la France, les maisons et les commerces forment un tissu urbain serré. «Ici, les gens traversent la frontière sans même s’en rendre compte. Il est donc logique que nous collaborions de façon plus intense avec les communes françaises qu’avec celles du nord, côté belge. Ce n’est pas une question de langue, mais de géographie.» Mme Leeuwerck fait partie des vingt-huit plus jeunes bourgmestres du royaume, récemment conviés à un dîner au palais de Bruxelles. Elle avait vingt-sept ans quand elle s’est emparée de l’écharpe mayorale en 2018, grâce à sa première place sur la liste victorieuse d’Ensemble - Liste citoyenne d’ouverture à Comines-Warneton. Il semble qu’elle ait préféré cette fonction à un poste de ministre ou de député. En juillet 2022, cette talentueuse femme politique de tendance libérale rejoint le Conseil des bourgmestres. L’hôtel de ville, où elle m’a accueilli, est situé à quelques centaines de mètres de la Lys. Il suffit de franchir le pont qui enjambe la rivière pour se retrouver dans la commune française de Comines. «Avant 1713, date de la signature du traité d’Utrecht, nous appartenions au même pays et il y avait donc une seule Comines, explique la bourgmestre. Ce passé commun explique les liens qui subsistent entre les Belges francophones et les Français sur les deux rives de la Lys. Pendant la Première Guerre mondiale, la ville a été pour un bref temps réunifiée sous le contrôle de la Kommandantur Comines. Bien sûr, nous ne gardons pas un bon souvenir de cet épisode.» * Comines-Warneton s’étend sur quinze kilomètres le long de la frontière et compte près de vingt mille habitants. Du côté français, les communes n’ont jamais fusionné. Armentières et Comines présentent une taille respectable, mais les autres communes sont plus modestes, avec une population de quelques centaines à quelques milliers d’habitants. «Je dois me concerter avec sept maires français. En cas de problème, ils viennent tous me voir dans mon bureau en disant: Madame la Bourgmestre, il faut que nous discutions». Néanmoins, ses confrères français n’ont pas toujours leur mot à dire. «En Belgique, le bourgmestre et le collège des échevins ont un pouvoir beaucoup plus étendu que leurs homologues en France. Là-bas, de nombreuses compétences autrefois assumées par les maires relèvent désormais de la MEL (Métropole européenne de Lille, une structure intercommunale, ndlr).» * Natation, skateboard et cyclisme Leeuwerck collabore de façon particulièrement étroite avec Eric Vanstaen, qui a été élu maire de Comines France par le conseil municipal en 2020. Et ce à la surprise générale, car il n’occupait que la cinquième place sur la liste gagnante Un souffle d’avenir pour Comines. «À vrai dire, c’est le même scénario que celui qui s’est produit chez nous», note Leeuwerck. À la faveur d’une nouvelle majorité, un nouveau maire a détrôné l’ancien, resté longtemps en place. Nous avons tous les deux un profil similaire, car il n’est pas non plus affilié à une famille qui joue déjà longtemps un rôle dans la politique. Nous collaborons de façon très intense sur une foule de projets variés.» C’est notamment le cas dans le domaine sportif. «Nous avons une piscine, alors que les Français n’en ont plus. La leur était trop vétuste et en construire une nouvelle aurait coûté trop cher. C’est pourquoi les écoles françaises utilisent maintenant notre piscine. Par ailleurs, les jeunes de Comines-Warneton voulaient disposer d’un skate-park, mais Comines France avait déjà un tel projet. C’est très bien comme cela. Vos jeunes peuvent venir nager chez nous et les nôtres iront faire du skateboard chez vous.» Un autre bel exemple de coopération transfrontalière selon Leeuwerck est Le Beau Vélo de RAVeL. Il s’agit d’un parcours cycliste organisé chaque année par la RTBF (radio-télévision belge de la Fédération Wallonie-Bruxelles) sur le réseau autonome de voies lentes en Wallonie. L’émission propose chaque samedi en été un reportage consacré à l’étape du jour en suivant les participants sur une trentaine de kilomètres. «Pour la première fois de l’histoire du programme, le parcours est aussi passé par la France en 2021, se félicite la bourgmestre. Le Beau Vélo de RAVeL est parti de Comines-Warneton et a traversé la frontière pour continuer jusqu’à Armentières. Là, nous avons visité la ville avec le maire, avant de prendre le chemin du retour. C’était aussi une façon de montrer que nous avons beaucoup de choses en commun. De l’autre côté de la frontière, on est en Flandre française, mais on y trouve la même passion pour le cyclisme et la même culture que chez nous.» * Fête franco-belge Quiconque traverse rapidement les deux Comines par un jour pluvieux de décembre se fera sans doute une idée plutôt lugubre de ces villes jumelles. Pourtant, à y regarder de plus près, ces communes renferment des édifices tout à fait remarquables, comme le centre culturel de style brutaliste du côté belge et l’église néobyzantine Saint-Chrysole du côté français. L’extérieur de cet édifice religieux est une pure merveille et son intérieur a de quoi plonger dans l’extase le plus radical des athées. Ces petites villes peuvent en outre se prévaloir d’une riche vie culturelle. L’un des temps forts de l’année est la Fête des Louches, que les deux Comines organisent de concert le deuxième dimanche d’octobre, et ce depuis 1884. Le cortège de chars s’ébranle en Belgique. Les deux maires jettent des cuillères en bois du haut du beffroi, perpétuant une tradition qui s’inspire d’une légende médiévale: un seigneur de Comines, emprisonné dans une tour par les Anglais, aurait jeté une cuillère depuis sa cellule pour alerter la population, qui serait venue le délivrer. «C’est une très belle tradition culturelle, mais son organisation est assez compliquée, souligne Leeuwerck. Nos policiers peuvent intervenir jusqu’au pont; au-delà, c’est la police française qui prend le relais. Pendant la pandémie de coronavirus, nous ne pouvions pas jeter de cuillères en bois au public depuis le cortège, alors que c’était autorisé en France. Après concertation, nous avons décidé d’appliquer les mêmes règles strictes des deux côtés. Évidemment, les Français n’ont pas beaucoup apprécié.» * Un vent défavorable La frontière entre les deux Comines passe au beau milieu de la Lys. À l’issue du match de football France-Maroc en décembre 2022, la police a dû fermer le pont sur la rivière. «Après la victoire de la France, une bande de petits voyous ont essayé de passer en Belgique pour nous narguer parce qu’ils avaient gagné contre le Maroc, alors que nous, nous avions perdu, explique Leeuwerck. Ils s’adonnent parfois à des activités illégales sur notre partie du pont parce qu’ils savent que la police belge ne peut pas les poursuivre en France.» Un autre dossier épineux trouve son origine quelques kilomètres plus loin à l’ouest, à Warneton. C’est là, au bord de la Lys, qu’est implanté le fabricant de pommes de terre surgelées Clarebout. Au printemps 2021, le magazine belge Wilfried a publié un reportage sur ce qu’il…