« Oui, la Chine, ça te creuse aussi la tête. Comme la pelle mécanique crève le tarmac de Pékin. Ça te met à cru, ça te déchiquète. Et ça t’abandonne hagarde et désossée sur le bord du clavier, étrangère à toi-même et totale solitaire, tatouée d’idéogrammes rouges, le cerveau enivré d’images aussi fiévreuses qu’une bande de chiens enragés. »
Isabelle Wéry est partie écrire en Chine. Elle nous envoie un selfie qui excède la taille d’un smartphone. En long et en large, elle nous fait part de son expérience chinoise : sons, odeurs, couleurs et affects frictionnent, fusionnent, tournent autour de motifs comme autant d’instantanés qui s’emparent du corps et de la langue.
Qu’est-ce qu’écrire dans un pays à la fois étranger à soi et proche de soi? Qu’est-ce voir son propre alphabet déstabilisé par une succession de traits ? Qu’est-ce qu’entendre ses propres phonèmes changer de ton ? Qu’est-ce que vivre la Chine ?
Voyage en Chine, trip dans l’univers stratifié de la sensorialité, superposition de dispositifs, de temps et de lieux – l’autrice livre dans ce Selfie de Chine une exploration protéiforme, à l’image du trouble qu’infuse la Chine jusqu’au cœur de l’écriture.
Autrice de Selfie de Chine
De son propre aveu, l’une des fonctions du “taff d’écrivaine” d’Isabelle Wéry est de “sculpter des images pour autrui”. Sculpter, on le fait avec les mains, mais aussi avec la langue : sculpter des mots implique la collaboration active du corps et du cœur, qui parvient à donner vie à cette Chine presqu’irréelle, tant elle est éloignée des quotidiens occidentaux. Et pourtant, le petit livre d’Isabelle Wéry est aux antipodes d’un Orient fantasmé : c’est dans la Chine bien réelle et son désordre organisé que plonge ce sino-selfie, dans un tourbillon ardent que répercutent les thèmes, les registres, les formes de discours qui s’y trouvent brassés. Prose poétique, cadavre exquis et tentatives mandarines, franglais, onomatopées…
L’enfance revisitée. Conjuguée au conditionnel présent. Et soudain tout serait là. Recréé.…