Monsieur d’Eifel invite une historienne, la narratrice, à visiter ses collections dans son domaine de Wolfenburghaus.
Rapidement la narratrice est intriguée par un tableau, portrait d’un éphèbe ailé qui semble subjuguer l’héritier de M. d’Eiffel, le jeune Sébastien-Didier d’Eifel. La mère du jeune héritier, Mariana, Portugaise d’origine, est morte et son portrait repose en face de celui du jeune éphèbe.
Derrière ce portrait étrange, la narratrice va découvrir tout un passé familial. Un passé qui continue à hanter Sébastien-Didier. C’est en le révélant que la narratrice l’en libérera.
Première édition
Éditeur : Office de Publicité
Date : 1959
Format : Livre
Le Sébastien du roman de Simone Bergmans n’est pas le saint martyr transpercé de flèches mais Dom Sebastião, roi du Portugal, assassiné au cours de la bataille des Trois Rois, à Ksar El Kébir, le 4 août 1578. Comme plusieurs récits coururent sur sa mort et que son corps ne fut pas de suite rapatrié au Portugal, une légende se répandit, prétendant qu’il reviendrait, un jour béni, sauver le pays. Il devint O Desejado, Le Désiré. Ce mythe irrigue la saudade portugaise et nombre d’œuvres d’art et de littérature ibériques, mais pas uniquement. Et au moins deux romans belges : Dom Sébastien roi du Portugal de René Swennen (Julliard, 1979) et le Sébastien de Simone Bergmans, initialement paru en 1959, et par bonheur…
Simone Bergmans, autrice belge du XXe siècle, aura manqué de voir son roman Sébastien réédité par Névrosée en 2022. Court mais peu rapide, le texte, qui introduit maladroitement à l’histoire de l’art, est resté oublié quelque temps, et mérite, malgré ses carences, un regard nouveau.
L’héritage de Paladin. La générosité des morts est souvent ignorée
Publié chez Altura, jeune maison d’édition liégeoise, ce sixième roman de Franca Doura parcourt la généalogie d’un homme et une histoire familiale où l’art, la musique mais aussi la peinture, tiennent une part singulière. Cet arbre généalogique aux multiples ramifications remonte à Charles Rogier, figure historique s’il en est, révolutionnaire de 1830, lointain ancêtre sans descendance officielle pourtant, et dont la table en acajou sur laquelle a été signé l’acte d’indépendance de la Belgique en 1830 va sinuer au fil du roman chez différents descendants. La grande Histoire nourrit dès l’entame l’histoire familiale de ce Paladin mentionné dans le titre. Car si un tableau avec le portrait de Charles Rogier ouvre le roman, c’est Edouard Radoux-Rogier, ledit Paladin, qui sert de fil rouge aux différents récits qui suivent. Le roman démarre suite à son décès inopiné à 49 ans et à la volonté de la narratrice, son épouse, de lui rendre hommage ainsi qu’à tous ces morts dont la générosité est souvent ignorée, ainsi que le précise joliment le sous-titre. Cette épouse – on suppute qu’il s’agit de Franca Doura elle-même – se fait appeler la femme qui sonde dans le roman. L’expression lui convient parfaitement. Elle se livre à un vrai travail d’archéologie familiale pour tenter de dire la vérité de tous ses personnages à travers les légendes, les rumeurs, les déformations du temps, les mythes, les hontes tues et surtout les secrets que connaissent toutes les familles et peut-être davantage encore celles avec des personnalités d’envergure. Cette enquête intime se fonde notamment sur diverses archives comme celles de la bibliothèque Ulysse Capitaine, du Musée Grétry ou du Conservatoire royal de Liège. Elle est aussi nourrie de confidences parfois intimes qui nous situent au cœur des êtres, singulièrement de Paladin dont la vie fut tout sauf un long fleuve tranquille, déchirée qu’elle fut par des passages en sanatorium ou les actes barbares et criminels commis par un prêtre.La famille Radoux, qui accola définitivement à son patronyme celui de Rogier en mémoire du grand Charles, est revisitée en long et en large et parfois à la marge à travers six générations. On saura gré à l’autrice (ou à l’éditrice) de nous avoir fourni deux arbres généalogiques, il n’en fallait pas moins, pour nous y retrouver dans cet écheveau. On n’a pas manqué de les consulter à maintes reprises au cours de la lecture, ce qui peut être fastidieux. Six générations et même une septième, la dernière, absente des arbres, mais bien présente dans le roman : celle du fils et de la fille d’Edouard Radoux-Rogier qui ont avec leur père des dialogues réguliers comme s’il et elle le prenaient à témoin des différents épisodes qui nous sont racontés et attendaient de lui son éclairage. Ces passages apportent une saveur particulière au déroulé de l’histoire. Le livre, ample, réserve de multiples surprises comme cet épisode qui relate le tournage dans la maison familiale d’une scène parmi les plus violentes du film C’est arrivé près de chez nous .Impossible, on l’aura compris, de résumer pareille saga familiale. Outre Paladin, mentionnons néanmoins trois personnages centraux. Il y a son père Jean, dit « le borgne », la plupart des personnages étant en effet affublés d’un surnom qui permet de les identifier plus facilement. Blessé au Stalag de Poméranie, souvent endetté, esprit torturé, il marque un tournant dans une lignée où l’excellence artistique fut de mise. Elle remonte en particulier au compositeur Jean-Théodore Radoux qui a marqué la vie musicale à Liège et au-delà. Son fils s’inscrira résolument dans ses pas. Sa fille Marguerite (1873-1943) choisira pour sa part d’exercer et d’exceller dans le domaine de la peinture. L’autrice assume de lui donner le titre de « peintresse », décrit la forte personnalité de l’artiste qui divorça en 1899, fut volontaire à la Croix-Rouge et se réalisa dans le domaine des arts à une époque où les femmes étaient largement invisibilisées.Au-delà des faits, Franca Doura propose à plusieurs reprises de s’interroger sur les empreintes d’une ascendance, sur les transmissions familiales invisibles, dans ce qu’elles peuvent avoir de prodigieux ou de tragiques, sur les ruptures générationnelles. Ces parties offrent au lecteur un miroir de la place qu’a pu occuper son ascendance dans sa propre existence.…