Sale meuf, c’est ce que tu gueules quand le nom d’une de tes sœurs est cité par un∙e MC. C’est ce que tu scandes pour l’encourager, pour la féliciter à la fin de son slam.
Sale meuf, c’est ce que ma sœur m’a crié à une scène, alors qu’on était entourées de gens guindés qui s’attendaient à écouter de la poésie bien chic. Mais nous, on n’est ni chics, ni douces. On fait du bruit. Beaucoup de bruits. On est vulgaires. On aime le trash, les rimes et la bière. On slame dans des théâtres,
dans des bibliothèques, dans des parcs, dans des bars,
dans la rue, dans les métros, dans des squats.
Sale meuf, c’est tout un univers de slameuses bruxelloises féministes.
Sale meuf, c’est un cri de guerre, de désespoir, d’amour et de force. Un cri d’humanité. Un cri de sororité.
Autrice de Sale meuf
« À la fin deven[ir] / le contraire / de [sa] souffrance » ne se fait pas sans arrachement. Véronique Wautier et Pierre Tréfois le savent parfaitement – du moins, c’est ce que rend sensible le recueil Dans nos mains silencieuses , issu de la collaboration entre la poète et l’artiste. « En nous deux armées s’affrontent / mais l’une est sans armes / et c’est elle qui l’emportera » ; jusque-là il faudra s’armer de bienveillance et d’attention pour ce qui nous lie, ce qui nous relie à l’autre, à la présence, à la « vie rude ». Il faudra s’armer de douceur, ce « point d’attache entre les deux mondes ». De ligne en ligne – les fines et nerveuses de Pierre Tréfois, les bienveillantes et pudiques de Véronique Wautier –, quelque chose s’ouvre, un espoir est finement déposé, du ténu vers le tenace, dans nos mains silencieuses . À l’instar de l’opposition entre l’enfance et la « chute des pierres », entre la souffrance et la joie, la douceur des poèmes vient contrebalancer la violence de certains mots (ainsi par exemple de la « guerre », du « cri », du « séisme », des « lambeaux »). De même, à l’affrontement de deux poignées de lignes aux couleurs vives répondent des traits parfois finement disséminés sur la page. Le lecteur comprend alors que, certainement, bien davantage que l’espoir, c’est la résonance qui fait vivre : tendre vers l’autre, vers un « tu », entrer en résonance, permet de (re)trouver ses mots.De plus, la récurrence de termes confinant à la construction (« fenêtre », « maison », « chambre » pour n’en citer que quelques-uns) confère à l’ensemble du recueil un questionnement très fort : que reste-t-il de vivant quand tout s’effondre, à l’intérieur de soi comme à l’extérieur ? Comment rendre le monde habitable ? Crier, se taire, « compt[er] dix-sept papillons sur ces fleurs » paraissent des alternatives, certes provisoires et précaires, mais elles sont sous-tendues par de solides lignes de force : la présence, la résilience, ou tout autre charpente que le lecteur bâtira pour lui-même.Le recueil aménage par ailleurs une place importante à la dimension du silence, par sa fonction (« effacer / tout ce qui dépasse ») ou par ses modulations (tantôt il est ce qui nous humanise ou ce qui nous lèse, tantôt il est absence de volonté d’explication). De ce point de vue, « le poème est un risque / et un rétablissement ». En effet, Véronique Wautier et Pierre Tréfois ne laissent pas la faille béante, la blessure ouverte, l’écharde enfoncée : ils cherchent à en prendre soin. L’entreprise paraît ambitieuse, pavée d’incertitudes et de drames inéluctables, mais elle reconduit à l’organe premier qui nous relie à l’autre, à ce qui nous touche : les mains , traçant lignes et traits, ces « mains…
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COLLECTIF , La découverte de la poésie. De ontdekking van de poëzie , Midis de la poésie & L’Arbre à paroles, coll. « Poésie », 2019, 38 p., 8 € À l’initiative de Passa Porta,…