Sur les marches de La Bourse à Bruxelles, Arnaud Delcorte tient une revue de poésie épaisse et graphique, où l’un de ses poèmes polyglottes a été publié. Nous nous installons à la terrasse la plus proche, vaste et vide à cette heure d’ouverture, autour d’une petite table ronde, bistrotière avec son pied noir, art déco, en fonte. L’auteur porte une barbe courte et soignée. Ses lunettes cerclées scintillent au soleil comme sa boucle d’or d’oreille gauche, qui ressemble à une petite alliance. Chaque seconde est un motChaque mot est une sensationChaque sensation va au cœur D’emblée, il lie son diplôme d’ingénieur civil, spécialiste en physico-chimie moléculaire des surfaces, à son activité d’auteur : il s’agit bien de recherches dans les deux cas.…
« Tjukurrpa » est un mot de la langue anangu, propre à un peuple aborigène d’Australie. Il signifie « le temps du rêve », cette ère mythique totalement éthérée qui a précédé la création de la Terre, mais continue de coexister discrètement avec le monde tangible. Utiliser comme titre d’un recueil poétique ce mot exotique – qui reviendra une seule fois, en fin de volume – n’est pas un geste superficiel. C’est suggérer d’emblée l’existence d’une « quatrième dimension », de nature à la fois cosmogonique et spirituelle, sans toutefois que l’auteur juge nécessaire d’en mener davantage l’exploration. Au fil des pages, il accorde en effet une plus grande place aux origines du bouddhisme, à travers le personnage…
La poésie demande à être apprivoisée par le lecteur. Parfois, elle exige plusieurs lectures successives afin d’en retirer, comme aux passages des couleurs sur une pierre lithographique, des émotions, des lumières, des sentiments différents. Ils composent au terme de ces parcours, une sensation d’ensemble qui s’élabore dans l’esprit et le cœur. C’est à ce processus d’imprégnation par strates qu’invite le recueil d’Arnaud Delcorte. Une telle démarche se justifie d’autant plus que le livre puise à différentes sources. Il réunit des textes publiés initialement dans des revues. Ainsi « Chechnya » (Bleu d’Encre, 2020), « L’homme qui marche » (Do Kre I S, Vagues littéraires, 2017), et « Dans la clameur » (Legs, 2019). Ces textes alternent avec des…
Un jour, peut-être, je reverrai tout le classement de ma bibliothèque de littérature belge. Y regrouperai dans un coin les ouvrages traitant du Grand Nord. Dans un autre, ceux déclarant leur amour pour le Sud, l’Italie, la lumière solaire. Dans un autre encore, on trouvera, à coup sûr, ceux relatifs à l’Afrique des grands lacs. C’est que, mine de rien, la tragédie congolaise, le génocide rwandais, insistent, suscitent régulièrement, dans nos lettres, des œuvres fortes et diverses, relevant de tous les genres. Tout récemment encore, Alain Huart nous donnait à lire Kivu, l’espoir, un roman choral. Les poètes Marc Dugardin et Nicolas Grégoire nous livraient, quant à eux, des recueils où, l’un et l’autre, étaient comme à l’affût des…
Les éditions MEO viennent de publier un ouvrage hybride : Méridiennes. Composé d’une cinquantaine de pages, il contient les réalisations littéraires et artistiques de deux jeunes créateurs : Arnaud Delcorte et Brahim Metiba. Si leur collaboration est inédite, ils n’en sont pas à leur premier projet. Professeur de physique à ses heures studieuses, Arnaud Delcorte a déjà publié de plusieurs recueils, parmi lesquels Écume noire. Les portraits photographiques de Brahim Metiba, informaticien de formation, ont fait, quant à eux, l’objet d’une publication dans la revue Diptyque en 2011. L’ouvrage qui les réunit aujourd’hui, Méridiennes, comprend des textes et des photographies sur le Maroc. La composition formelle est régulière : chaque page propose un poème en réponse…
Comme l’indique Éric Brogniet dans Lecture silencieuse (éditions de l’Académie), La poésie est un art de l’instantané et du transfert, elle nous invite sans cesse à recadrer notre rapport à la réalité, à réinventer notre relation au monde, à arpenter un écart définitif.Cette vision de la poésie guidera utilement le lecteur du dernier recueil d’Arnaud Delcorte, dont le titre, poème en soi, Lente dérive de sa lumière, évoque d’emblée ce déplacement du regard, de la rêverie, de la pensée poétiques. Nathaniel Molamba, qui signe la préface de l’ouvrage, invite lui aussi à la lecture à la fois singulière et démultipliée : Plus que jamais il faut lire entre les lignes, et surtout regarder au travers.Le temps du dernier recueil de Delcorte s’articule en quatre…
« Parcourir Outrebleu, c’est être en présence des corps, le poète écrit avec le feu, les étoiles, mais à partir du corps et les cinq sens en éveil», écrit S.-W. Mounguengui dans la préface à ce recueil. Arnaud Delcorte (1970) est l’auteur d’une dizaine de livres de poésie et d’un roman. Il y a chez lui, depuis Écume noire jusqu’à Lente dérive de sa lumière et Outrebleu, ce que Jean Jauniaux qualifie être « un déplacement du regard, de la rêverie, de la pensée poétiques ». Son poème est le véhicule d’une quête de soi et du sens : existentielle et érotique, elle est vécue dans la conscience d’un écart qui permet un rapport à l’autre. Car « […] le soi ne se perçoit jamais lui-même qu’en présence de l’autre, dans l’effusion et…