Sont pas bien méchants, nos petits gars. Pas bien mauvais non plus. Mais sont parfois un peu turbulents, chiens fous évoluant l’écume aux crocs, poulains en roue libre dans le pré, jamais en retard pour détruire la mâchoire du voisin ou se faire démonter la leur pour une histoire de fille, de bière ou de regard de travers. Trafiquent un peu dans la drogue récréative et la ferraille, volent petit, revendent à peine plus gros, se vident la tête en boîte de nuit, se remplissent le sang de gin, font le grand huit en agglomération et décapitent au passage une mère de famille qui tentait de dissoudre sa graisse post-partum en trottinant en jogging. Dans le petit matin d’un dimanche de mai. Deux jours avant, elle avait demandé à son coiffeur de lui faire des mèches ambre sur cuivre. Un scalp blond et jaune dégrafé par le capot d’une Peugeot 205 turquoise avec des jantes 19 pouces.
Autrice de Rodéo
Road-movie médusé, chronique sociale de la bassesse, western-fricadelle où les duels se règlent en bagnoles, Rodéo est tout ça à la fois. On y grince des dents, on y sourit jaune, et on y découvre une nouvelle plume, affûtée pour de douloureux tatouages, celle d’Aïko Solovkine.« Petit bâtard. On avait pensé à tout mais pas à ça, ce ça banal et minable, à savoir que tu étais mort. » Ainsi s’ouvre Rodéo, le premier roman d’Aïko Solovkine : sur la découverte d’un corps déchiqueté dans un accident grotesque, une voiture s’enfonçant dans la fatalité d’un camion transportant des porcs. Si le narrateur invective l’homme de sang et de boue, c’est que ce qu’il a à se reprocher ne peut être pardonné…
Avec Rodéo, Aïko Solovkine, auteure belge, pose un regard acerbe sur un pan de notre société. La rencontre avec une bande de jeunes désabusés, dont le mépris et les fantasmes se changent en méfaits et tragédie.
Jimmy, 15 ans, passe son temps avec une bande peu recommandable. Leur leader, dont l’âge reste un mystère, s’est gratifié du surnom de Lucky Strike. Ensemble, ils zonent le long de la N5 et aiment à parler filles. Jusque-là, rien de bien méchant. Sauf que les pensées insufflées aux esprits du groupe adolescents, les idées qui leur traversent la tête, sont germes de violence. À leur opposé se trouve Joy. Originaire de la même région, elle cherche pour sa part à s’en extraire ; pleine de rêve et d’espoir, elle incarne la battante face à un destin…