Regarder la société par le prisme de la citoyenneté

Laurence Van Goethem :  Pour toi, Sam, qu’évoque le mot diversité ?

Sam Touzani : Je n’ai pas choisi la diversité, c’est la diversité qui m’a choisi. Il faut dépasser le cadre politique pour véritablement parler de la diversité. Au risque de choquer, à la diversité je préfère l’égalité.
C’est parce que nous sommes égaux en droits et devoirs, parce que nous sommes citoyens que vous pouvez me parler de votre différence et que moi je peux vous parler de la mienne. S’il n’y a pas ce postulat de base, on ne peut pas fonctionner et on devient toujours l’objet d’études ou l’enjeu d’un tiers. Je constate ça depuis un quart de siècle. Comme je dis, la diversité m’a mal choisi.
J’ai été le premier jeune issu de l’immigration marocaine à faire de la télévision, donc à être visible à la fois sur les antennes du service public et sur les scènes de théâtre au nord comme au sud du pays. Il y avait des dizaines de Marocains…

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À PROPOS DE L'AUTEUR
Laurence Van Goethem

Auteur de Regarder la société par le prisme de la citoyenneté

Laurence Van Goethem a grandi sur les rives du lac Majeur en Italie avant de déménager, à l’adolescence, dans la bruine du Brabant flamand. Passionnée par tout ce qui relève de la transmission et de la mise en circulation des œuvres, elle a longtemps travaillé dans le domaine de l’édition théâtrale avant de se consacrer à la traduction littéraire, à la recherche, à la rédaction, et à l’enseignement du français langue étrangère. En 2022, elle a cofondé un nouveau média, La Pointe (www.lapointe.be), qui mêle art, culture, et société, dans un esprit de partages de découvertes et de questionnements, où la parole est donnée à toutes celles et ceux qui font exister la vie artistique en Belgique et au-delà. Dans ce cadre, elle a réalisé une série de portraits d’artistes, intitulée « Recto/Verso, la double vie des artistes » qui explore la vie et le travail d’artistes aux doubles métiers. Elle se penche également sur les questions liées à la pratique artistique et la maternité, dans des podcasts nommés « Maman est artiste ». Elle s’intéresse aussi aux surtitrages pour les arts de la scène, et collabore parfois dans ce domaine avec l’Institut italien de la culture, certaines compagnies de théâtre, et La Monnaie/De Munt. Enfin, elle développe un compagnonnage au long cours avec la cie Teatro delle albe (Ravenne) autour de la traduction et avec la cie Likembé (dirigée par Serge Kakudji) comme dramaturge. Une très belle interview sur son parcours est à découvrir sur le site New Italian Books www.newitalianbooks.it/fr/traduire-pour-le-theatre-interview-a-laurence-van-goethem  pour la réalisation des podcasts « Maman est artiste » pour le livre Aristophane dans les banlieues, pratiques de la non-école écrit par Marco Martinelli et traduit par Laurence Van Goethem pour des travaux de de traduction littéraire, d’écriture et de surtitrages pour le théâtre


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« Vive la rigolade ». La frivolité sexuelle dans les «sixties » et les «seventies»

( Traduit du néerlandais par Marcel Harmignies.  Les notes sont du traducteur ) « Ça picolait et ça baisait / l’Europe entière n’était qu’un grand matelas », écrivit dans un poème l’écrivain néerlandais Remco Campert (° 1929) à propos des années d’après-guerre, même si la griserie de cette nouvelle liberté demeura limitée à un petit groupe d’artistes et d’auteurs qui vivaient à la petite semaine dans le lointain Paris. Le reste de l’Europe s’activait au relèvement dans le cadre des valeurs et des normes d’avant-guerre. C’est seulement dans le courant des années 1960 que l’image du matelas associée à la consommation d’alcool commença à sortir de la sphère bohème, pour s’épanouir totalement dans les années 1970. À la base de ce qui est maintenant connu comme «la révolution sexuelle» se trouvent deux éléments: l’argent, autrement dit l’expansion économique, et une contraception fiable (la pilule). Sans ces deux conditions, le concept du matelas n’aurait pas eu l’ombre d’une chance. Beaucoup trop dangereux pour les jeunes filles et les femmes. Née en 1954, j’appartiens moi-même à la fin de la génération du baby-boom, et n’ai jamais connu autre chose que la liberté sexuelle. À dix-sept ans, lorsque je partis étudier et emménageai dans une chambre d’une résidence universitaire, il régnait là une totale liberté. C’était un immeuble qui venait juste de devenir mixte (auparavant ne résidaient là que des garçons) avec un seul WC, un urinoir, une seule douche et une petite cuisine pour seize occupants. Un couple vivait dans une chambre de 3 m sur 3,5 m, des filles se baladaient, qui n’habitaient pas là, mais venaient passer la nuit avec leur petit ami. Rien de tout cela ne me semblait curieux ou déplacé, même si la cohabitation hors mariage et le flirt avec des petits copains ne faisaient certainement pas partie des valeurs inculquées à la maison. Je n’avais moi-même pas franchi le pas durant cette première année d’études, mais je savais que, le moment venu, ce serait en toute liberté. De la révolte étudiante parisienne de mai 1968 on dit parfois que la revendication portait en fait sur l’abolition de la ségrégation sexuelle dans les résidences étudiantes, le libre accès des garçons aux chambres des filles et réciproquement. Évidemment, dans l’ensemble du monde occidental, les étudiants étaient remontés contre les structures de pouvoir autoritaires, ils revendiquaient la participation à tous les niveaux et occupèrent un an plus tard la Maagdenhuis XX à Amsterdam. En Amérique, les contestations émanèrent du civil rights movement et de la fureur suscitée par la guerre du Vietnam, mais, cela mis à part, les étudiants revendiquaient aussi l’abolition de réglementations restrictives relatives à leurs conditions d’hébergement. Une exigence qui fut satisfaite rapidement et sans bruit, car comment continuer à interdire les relations sexuelles à de jeunes adultes qui ont le droit de conduire et de voter, et qui peuvent être mobilisés dans l’armée pour périr à l’autre bout du monde? La mise à disposition de la pilule pour les femmes célibataires (ultérieurement même pour les jeunes filles mineures, sans autorisation parentale) constitua une énorme impulsion pour la libération sexuelle de la femme. Par la simple prise d’une petite pilule quotidienne, une femme pouvait avoir des relations sexuelles, comme les hommes en avaient l’habitude: les avantages, pas les inconvénients. Ce qui, d’ailleurs, ne faisait pas des hommes et des femmes des partenaires équivalents dans le domaine du sexe et des relations. On était encore loin de la modernisation des rapports homme-femme. Je voyais ça dans ma résidence où, chaque jour, l’élément féminin de ce couple en concubinage s’affairait devant ses casseroles, après quoi ils prenaient leur repas ensemble dans leur chambre. Une routine qui m’horrifiait - pas tant le fait de voir la fille à son fourneau, mais le spectacle de ce petit couple étriqué me semblait d’une monotonie étouffante. Comme s’ils reproduisaient la vie de leurs parents! Le féminisme fit son apparition quelques années après la révolution sexuelle. Ce n’est pas une question de hasard si les deux mouvements de libération n’eurent pas lieu en même temps, comme ce fut le cas avec le combat pour les droits civiques des Noirs et la révolte générale de la jeunesse contre les autorités. En plus d’une lutte autonome des femmes pour se dégager des structures patriarcales (discrimination dans l’enseignement et sur le marché du travail), le féminisme était aussi une réaction à cette même révolution sexuelle. La pilule s’était révélée une arme à double tranchant qui certes accordait aux femmes la liberté d’avoir des relations sexuelles quand et avec qui elles voulaient, mais en même temps rendait plus difficile d’éconduire les hommes. La crainte de la grossesse, excuse éprouvée durant des siècles pour parer des avances importunes, ne pouvait soudain plus être invoquée comme argument pour refuser un rapport. Ce n’était plus possible dans le cadre de relations stables, mais pas non plus dans celui des relations amoureuses libres, où toute jeune femme se devait de prendre la pilule, ne serait-ce que par mesure de précaution. Deux tendances du féminisme se dessinèrent dès le début: l’égalitarisme à orientation sociétale, qui tendait à un traitement identique des sexes dans tous les domaines, et le différentialisme qui brandissait le mot d’ordre «ce qui est personnel est politique». Dans l’égalitarisme, les différences biologiques liées au sexe étaient minimisées. Dans le différentialisme qui avait tendance à présenter la femme ou bien comme faible et victime potentielle, ou bien juste comme d’une essence (moralement) supérieure, elles étaient maximisées. Les deux courants de pensée visaient à la libération de la femme et, sans surprise, le sexe était le grand sujet de controverse. La révolution sexuelle, c’était en premier lieu «vive la rigolade». À une allure rapide on se défaisait des entraves sociales et inspirées de la religion. Le sexe pouvait fort bien exister avant et hors mariage sur un mode ludique, il était bien admis qu’avoir une liaison n’était même pas nécessaire, l’homosexualité, la sexualité de groupe, le sadomasochisme et les clubs échangistes avaient leur place - même la pédophilie connut une certaine faveur dans les années 1970. Une piqûre d’idéologie inspirée de la pensée marxiste populaire à l’époque mena à l’expérimentation de communautés dans lesquelles toute propriété privée, y compris les relations personnelles, était bannie. La jalousie et la revendication passaient dans ces cercles pour des inclinations bourgeoises entravant la véritable liberté. Ce furent les féministes du différentialisme qui mirent un coup de frein à la liberté sexuelle sans limites en pointant les différentes situations initiales encore inhérentes aux sexes. «Vive la rigolade», c’était très bien, mais des femmes continuaient à être exploitées dans la pornographie et la prostitution, couraient le risque d’être maltraitées et violées dans et hors le cadre de relations, étaient harcelées, jugées sur leur apparence, confrontées au date rape XX et, si elles disaient «non», elles n’étaient pas prises au sérieux ou traitées de bégueules. Bref, les femmes étaient non seulement reléguées au second plan et victimes de la domination masculine dans la société, mais aussi, précisément, dans leur environnement personnel. La révolution sexuelle servait surtout les appétits masculins démesurés, tandis qu’on méprisait les souhaits des femmes elles-mêmes. Mélancolie La révolution sexuelle est calmée depuis assez longtemps. Le déclin fut amorcé avec l’apparition du virus du sida au milieu des années 1980. Même si les homosexuels et les héroïnomanes…

De l’écrit à la scène. La réécriture dans la dramaturgie belge francophone

1 « Que périssent tous ceux qui se permettent de réécrire ce qui était écrit ! Qu’ils soient châtrés et qu’on leur coupe les oreilles ! » XX En mettant ces paroles dans la bouche de Jacques le Fataliste, Diderot nous rappelle combien la réécriture suscite depuis longtemps des débats passionnés, entre apologie de la nouveauté et exploration du texte traversé. La question de la réécriture n’est pas neuve ; elle ne l’était pas plus au XVIIIᵉ siècle. Les tableaux théâtraux médiévaux mettaient en scène des passages de la Bible, tandis que le théâtre classique français – Britannicus de Racine ou Horace de Corneille par exemple – puise son propos dramaturgique dans les faits historiques de l’Antiquité romaine. La réécriture interroge par ailleurs l’autorité auctoriale depuis l’avènement de notre civilisation : Homère pourrait ne pas être un seul individu mais plutôt une identité collective construite ; les questionnements sur la paternité des œuvres de Shakespeare renvoient eux aussi à la valeur symbolique des appropriations, adaptations et autres emprunts. 2 Le xxᵉ siècle, dans son double mouvement rétrospectif et prospectif, appelle particulièrement l’exploration de la réécriture. Porter son regard sur les œuvres du passé constitue une démarche métathéâtrale qui apparaît comme nécessaire pour interroger et renouveler les codes spectaculaires. Benoît Barut souligne que « La forme du mot réécriture (préférée à récriture) fait état de cette espèce de bégaiement à l’œuvre, qui est appel à une pause et mise en évidence du redoublement hypertextuel : la réécriture déploie une poétique de l’hiatus. » XX 3 Depuis la fin du XXᵉ siècle, on a pu observer une mise en crise plus systématique du texte théâtral, voire de l’idée de répertoire tout court. Le texte a non seulement perdu sa position centrale en tant que yin et yang de la pratique culturelle qu’on appelle en Occident le « théâtre », mais, de plus en plus, les metteurs en scène et les auteurs semblent également ressentir la nécessité de (faire) réécrire les textes, qu’il s’agisse de romans, d’autres textes de théâtre ou, plus rarement, de poésie. Le théâtre postmoderne a introduit la mise en crise de l’idée même du récit tout en continuant à insister sur sa propre spécificité médiale. La pratique de la « réécriture » s’inscrit dans ce développement où l’adaptation ne se limite plus à la simple transposition de la structure narrative d’un médium (le texte) à un autre (la scène), mais où elle se veut un véritable travail de « re-création ». 4 Le présent volume de la revue Textyles entend explorer les pratiques de réécriture et stimuler la réflexion autour du statut du « répertoire » théâtral, en Belgique francophone en particulier. Ce dossier thématique combine une double approche : la réécriture y est abordée à la fois dans une acception étroite, comme un processus au cours duquel le texte source est véritablement réécrit, et dans une acception plus large, renvoyant aux procédés d’adaptation et d’appropriation scéniques de textes théâtraux, d’œuvres littéraires ou de productions cinématographiques. Par l’étude de techniques dramaturgiques variées, les 6 textes qui composent ce volume cristallisent l’enjeu qui semble réunir tous ces spectacles ; ils soulignent en effet particulièrement combien ces gestes de réécriture, totale ou partielle, fidèle ou en filigrane, interrogent l’acte d’écrire pour le théâtre aujourd’hui. La réécriture se pare donc d’une fonction métathéâtrale indéniable que ce numéro tente de mettre au jour. 5 Le premier article qui compose le volume est consacré à la réécriture de King Lear par Jean-Marie Piemme dans King Lear 2.0 Karel Vanhaesebrouck se fixe comme objectif d’explorer les stratégies dramaturgiques mise en place dans ce texte intermédiaire, au statut étrange et fondamentalement provisoire, sans finalité ou déterminisme établis. Pour l’auteur, la réécriture effectuée par Jean-Marie Piemme relève de la novellisation, à la fois en tant que genre littéraire particulier et que pratique culturelle de masse. Dans un deuxième temps, Karel Vanhaesebrouck analyse quelle vision du théâtre shakespearien se dégage de cette réécriture et comment le spectacle se situe par rapport à l’universalité souvent affirmée de Shakespeare. 6 Cette relation du présent avec les œuvres du passé est également centrale dans l’article rédigé par Pierre Piret et consacré à la pièce de Paul Pourveur, Des mondes meilleurs, alors en cours d’écriture. Cette pièce est basée sur Le Bréviaire des politiciens écrit par Mazarin. Si l’on peut s’étonner de ce recours au passé par un dramaturge qui s’oppose fréquemment à la notion de répertoire, l’auteur de l’article nous montre combien son rapport à cette notion n’est pas contradictoire ; Paul Pourveur vise plutôt à déconstruire un certain modèle du théâtre, dans lequel la relation au répertoire est empreinte de fascination pour des œuvres passées qui seraient toujours parlantes ou actualisables pour le public contemporain. La seconde partie de l’article pose la question de la capacité du théâtre, une fois délié du récit, à interroger la structuration politique du temps. 7 Le spectacle L’Amour, la guerre de Selma Alaoui est quant à lui un « spectacle-patchwork », qui puise ses matériaux textuels dans de nombreuses œuvres du répertoire. Dans le troisième article, Karolina Svobodova examine dans quelle mesure ce spectacle peut être qualifié de palimpseste et souligne l’usage utilitariste des emprunts, principalement exploités pour témoigner du rapport que Selma Alaoui entretient avec les œuvres shakespeariennes. Proposant un texte composé d’extraits shakespeariens et de commentaires sur ceux-ci, la réécriture explore particulièrement ses propres fonctions dialectique et métathéâtrale. 8 Claude Schmitz interroge lui aussi ces fonctions dramaturgiques, en recourant notamment à un procédé peu fréquent, à savoir le transfert de l’univers cinématographique – Les Oiseaux d’Alfred Hitchcock – vers la scène. Catherine Bouko met en évidence comment, loin d’une quelconque fidélité à l’œuvre, le dramaturge bruxellois place l’exploration des codes théâtraux au cœur de son propos, dans un spectacle en forme de mise en abyme faisant la part belle aux rapports entre réalité et fiction. Loin d’être des extractions ponctuelles provenant du film hitchcockien devenu mythique, la réécriture prend ici la forme d’une ouverture sémantique des ready-mades et des mystères narratifs empruntés à l’œuvre phare. 9 Le rapport entre réel et fiction active des enjeux politiques dans les spectacles Africare de Lorent Wanson et Mission de David Van Reybrouck. Ces deux spectacles portant sur le Congo sont en effet constitués de témoignages de victimes dans le premier cas et de missionnaires dans le second. Dans le cinquième article, Maëline Le Lay analyse comment le recours à des témoins doit mener à une rupture énonciative qui saisit les spectateurs et dont la force d’impact dépend notamment des modalités de montage des différentes composantes dramaturgiques. La bonne distance d’écriture face à ce matériau authentique sensible devient un enjeu central de la réécriture. 10 Enfin, le volume se clôture par une proposition de Jean-Marie Piemme. Pour le dramaturge, la réécriture résulte de l’action de deux forces contraires, à savoir l’existence inévitable de textes préalables d’une part et notre approche systématiquement actualisée des pièces du passé, d’autre part. L’attribution de sens aux textes constitue un processus, toujours en mouvement, qui se refuse à toute fixité et auquel le spectateur participe activement. Si la réécriture cristallise ainsi le rejet de l’apologie de la nouveauté, Jean-Marie Piemme la conçoit…