Présentation "Mémoires" numéro spécial "Cahiers internationaux de symbolisme"





AVIS D'UTILISATEURS

FIRST:xfirstword - "Présentation "Mémoires" numéro spécial "Cahiers internationaux de symbolisme""
stdClass Object ( [audiences] => [domains] => )

Ceci pourrait également vous intéresser...

Cahiers internationaux de symbolisme - n°152-153-154 - Fiction. Genre.s et art.

Sommaire • INTRODUCTION. De l’âme des objets à la phalloplastie…

Sciences et littérature: de la confrontation au rapprochement – et inversement

Il y a la littérature et il y a les sciences : voilà bien ce que, dès avant l’université, l’enseignement consacre. Entre ces deux options, il faut choisir. Tel élève est réputé doué pour les études littéraires, et tel autre pour les études scientifiques, et l’on célèbre celui ou celle qui excelle tout à la fois dans les unes et dans les autres. Ces deux domaines bien différenciés du savoir ne l’ont pourtant pas toujours été. Il fut un temps où les connaissances humaines étaient beaucoup plus homogènes, nettement moins fragmentées. Ainsi Aristote, savant philosophe à l’esprit encyclopédique qu’aucun domaine de la connaissance humaine ne laissait indifférent, a-t-il creusé bien des questions dans de multiples domaines – phénomènes naturels, éthique, métaphysique, politique. Plus près de nous, il y a cinq siècles, la Renaissance, qui a pourtant vu les connaissances commencer à se spécialiser, en offre encore quelques beaux exemples comme Léonard de Vinci. À ces époques, il aurait été absurde de tenter une confrontation entre disciplines, tout simplement parce que ces disciplines n’existaient pas : la constitution des champs disciplinaires auxquels nos préjugés attribuent parfois un parfum d’éternité, cette constitution date pour l’essentiel du XIXe siècle comme Bourdieu l’a bien montré, et elle va de pair avec l’approfondissement de la division du travail, même si elle a été amorcée plus tôt. On dit souvent – à juste titre, à nos yeux – que Galilée a fondé la physique. Non pas que personne avant lui ne se serait intéressé à la nature et n’aurait tiré de conclusions plus ou moins globalisantes des observations effectuées, mais bien au sens où il invente la pratique de l’expérimentation (pas seulement l’observation), et où il fait appel aux mathématiques pour traiter et interpréter ses résultats : un couplage dont l’épistémologie moderne a fait la pierre de touche d’une discipline nouvelle, la physique. Il est hautement significatif que son œuvre majeure, le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, publié en 1632, soit une œuvre qu’on qualifierait aujourd’hui de littéraire, puisqu’elle se présente sous la forme d’une fiction qui met en scène trois personnages imaginaires débattant avec acharnement. Quelques décennies plus tard, la forme des Principia de Newton (plus précisément, Philosophiæ naturalis principia mathematica) n’a plus rien à voir avec la légèreté et la vivacité du Dialogue galiléen : la discipline est constituée, son exposition codifiée, et les règles de fonctionnement de l’institution scientifique s’imposent à ceux qui entendent en faire partie. Ce découpage en catégories, qui n’a fait que se renforcer depuis lors, n’interdit cependant pas que des créateurs entreprenants placent un pied de chaque côté de la frontière – montrant ainsi que se consacrer à la recherche scientifique n’est pas renoncer à la littérature ou, si l’on préfère le prendre par l’autre bout, que se consacrer à l’œuvre littéraire n’exclut pas de chercher à comprendre rationnellement les mécanismes qui régissent notre univers : grand écart encore relativement fréquent au siècle des Lumières – que l’on pense notamment à Voltaire et à Diderot –, mais beaucoup moins pratiqué par la suite. Et pourtant, ces différents champs de l’activité créatrice s’interpénètrent, se nourrissant l’un l’autre, l’un de l’autre, et l’un par l’autre. Ces domaines du savoir et de la pensée humaines paraissent donc aujourd’hui bien éclatés, et la philosophie qui y jouait le rôle de ciment en interrogeant le monde et la vie semble bien s’être autonomisée et s’être distinguée elle-même en différentes branches qui en reflètent le clivage, philosophie des sciences, philosophie morale, logique, esthétique, etc. La complexification des savoirs scientifiques et des techniques artistiques va de pair avec leur spécialisation, séparant entre autres ce qui est du domaine de la rationalité de ce qui relève de celui de la créativité. Des intersections subsistent pourtant, dont celle de l’intuition, qui n’est pas la moindre. Essentielle dans la littérature, elle contribue à sa manière, de loin en loin, conjoncturellement, à débloquer bien des impasses dans lesquelles la rationalité, creusant sans cesse, pouvait se retrouver embourbée ou bloquée : quelle extraordinaire audace intuitive ne fallut-il pas aux explorateurs de la relativité et aux laboureurs des champs quantiques pour s’extraire des impasses où le classicisme newtonien, poussé dans ses derniers retranchements, avait confiné la physique de la fin du XIXe siècle ! Des points de rencontre subsistent donc toujours qui, à défaut d’être obligés, permettent à la littérature et à la science de se retrouver, voire, à défaut de mélanger les genres, ce dont il ne peut être question (cela ferait pour le moins… mauvais genre !), de se comparer, de se jauger, et, pourquoi pas, de s’acoquiner. Cette confrontation des sciences et de la littérature, de la littérature et des sciences, est bien dans l’esprit de l’interdisciplinarité perdue au milieu du sigle de l’association qui édite notre revue ! Elle est aussi une manière de rappeler que le neuf peut surgir d’alliages imprévus avec ces mots cernant des concepts, avec ces images enchantant notre langage – à moins que les mots soient ceux qui tissent les fictions, et les images celles qui sous-tendent les modèles scientifiques : les interactions ne sont décidément pas à sens unique. Encore nous fallait-il, dans cette perspective, éviter un écueil, celui sur lequel bute une certaine littérature qui se contente de cultiver paradoxes et énoncés déconcertants, sans arriver à s’emparer de la substance des idées réellement nouvelles que les sciences contemporaines ont engendrées, de sorte que le croisement est raté. La mécanique quantique fait l’objet d’une exploitation privilégiée dans cette veine spécieuse, sur base d’un sophisme qu’un logicien plus que débutant déconstruirait sans aucune difficulté : « les physiciens nous disent que la mécanique quantique est incapable de nous apprendre quoi que ce soit sur la réalité du monde (notamment parce qu’elle ne nous permet même pas de dire où se trouve une particule à un instant donné) ; or, je suis tout autant incapable d’expliquer tel phénomène difficile à comprendre (au choix, le désir sexuel, la liberté de conscience, la capacité de résister à la maladie, l’efficacité de telle thérapie…, biffez la mention inutile) ; c’est donc que le phénomène en question est quantique » – emballez, c’est pesé ! Cet enchaînement vertigineux n’a même pas besoin d’exporter là où ils n’ont pas cours, à l’échelle macroscopique, celle du monde sensible, les paradoxes dont la physique quantique est incontestablement riche au niveau subatomique : le monde est appréhendé à travers une vision (est-ce celle d’un certain post-modernisme ?) dont la seule cohérence repose sur l’affirmation de l’incapacité à le comprendre – tout est ou peut être son contraire, tout ce qui est matériel peut être ou devenir immatériel, et inversement. Il n’en reste pas moins, ce piège évité, que certains artistes sont fascinés par l’avancée des sciences, qui inspire leur démarche. Parfois très consciemment, lorsque ces avancées accompagnent le processus de création, en amont de l’accouchement, allant même jusqu’à le motiver. D’autres fois ces rapprochements sont le fait d’analystes, qui les découvrent a posteriori, en aval, en repérant des parallèles entre une œuvre et les idées scientifiques qui baignent son époque. La fascination qu’exerce la science sur les artistes s’exprime elle-même de façon polymorphe : elle nourrit les ouvrages de science-fiction, par définition et donc sans surprise, mais aussi l’exploration épistémologique des…

Les Artistes Transgenres de 1990 à nos jours: des corps et des identités en lutte avec la différence sexuelle

Tandis que les mouvements politiques et les études universitaires trans se mettent en place aux États-Unis à partir du milieu des années 1990, une nouvelle approche esthétique du transgenre XX se développe dans les arts plastiques, rompant avec les représentations médiatiques et médicales de la transsexualité (centrées sur la chirurgie de réassignation sexuelle). En effet, des artistes anglo-saxons comme Del LaGrace Volcano ou Loren Cameron enregistrent des performances transgenres (portraits ou autoportraits) grâce à leur appareil photographique, en tant qu’auteurs de leur propre corps, par l’exposition artistique des différentes techniques d’incarnation (pas seulement la chirurgie) qui permettent d’altérer le sexe qui leur a été assigné à la naissance. Les années 2000 et 2010 voient quant à elles apparaître une nouvelle génération d’artistes transgenres anglo-saxons comme Loren Cameron, Kris Grey, Wynne Neilly, Yishay Garbasz, Cassils, Nina Arsenault, Simon Croft ou encore Tobaron Waxman qui s’engagent dans des pratiques performatives, souvent assistées par les technologies médiatiques (photographies, vidéos, enregistrements sonores) XX . Ces plasticien-ne-s transgenres questionnent la naturalité du corps et la conception biologique du genre en démontrant les cadres socio-culturels qui produisent la forme/le design biomorphique du sexe, du genre et de l’identité. Ainsi, nous voudrions nous intéresser aux productions artistiques qui investissent le territoire du transgenre, renouvelant le langage esthétique de l’art corporel et le rapport à l’identification politique du sujet à travers l’ouvrage de son corps. Notre hypothèse est que les artistes transgenres emploient le corps comme un laboratoire, poursuivant les recherches identitaires exploratoires du drag telles qu’elles sont analysées dans les théories du travestissement chez Judith Butler avec Trouble dans le genre (1990). Ce qui confère un nouveau statut au corps qui n’est plus une matière biologique donnée par la nature, mais plutôt le support matériel d’une identité dissidente échappant au biopouvoir de la différence sexuelle. En premier lieu, nous nous intéresserons à ce que produisent les technologies transgenres, dans le dispositif artistique de la performance directe ou médiatisée : les hormones, les prothèses, les opérations chirurgicales et la musculation apparaissent comme de véritables processus de création corporelle. Nous verrons qu’à travers ces nouvelles « techniques du corps » XX , les artistes transgenres interrogent le sexe dans sa capacité à représenter le genre d’un sujet. En second lieu, nous observerons que si la performance est investie en tant que mode d’expression politique par les sujets trans pour problématiser le sexe au regard des « technologies de genre » XX , il nous paraît également important de montrer que la culture artistique elle-même est pointée par les performeur.ses transgenres, comme une technologie de la subjectivité corporelle. En effet, nous verrons que la réappropriation des représentations du corps dans l’histoire de l’art, de l’Antiquité jusqu’à l’art contemporain, permet aux artistes transgenres de questionner la production artistique des genres, des sexualités et des races à travers la recontextualisation politique de ces iconographies corporelles dans des performances critiques. Enfin, nous voudrions proposer l’hypothèse que le langage esthétique utilisé par les artistes transgenres, pour renouveler l’art corporel et repenser la culture visuelle de l’histoire de l’art comme une possible technologie de subjectivité (genre, sexualité, race), s’articule comme une traduction corporelle de la théorie du travestissement (drag) proposée par Judith Butler dans Trouble dans le genre en 1990XX . Nous nous appuierons sur les analyses artistiques de plusieurs œuvres pour soutenir cette proposition théorique, ainsi que sur les concepts de « vêtement incarné » (France Borel) et de « bio-drag » (Beatriz Preciado). Nous parlerons quant à nous de « corps laboratoire » pour qualifier les pratiques artistiques du transgenre qui consistent à problématiser la biophysique du corps pour dénaturaliser le genre et inventer des identités dissidentes qui se désintéressent de la différence sexuelle.   L’ART TRANSGENRE, UNE RUPTURE DES CORPS AVEC LE SYSTÈME SEXE/GENRE Depuis les années 1990, les artistes transgenres apparaissent sur la scène du body art afin de présenter l’expérience de la transition corporelle comme une nouvelle réflexion esthétique possible dans le champ de l’art. La présente étude s’intéressera à ce phénomène relativement récent. Bien que notre article se présente comme une étude esthétique de la performance chez les artistes transgenres, il ne s’agit pas pour nous de la présenter comme une enquête de terrain exhaustive ; nous nous concentrons principalement sur des œuvres produites dans le contexte contemporain anglo-saxon et tentons d’examiner cette tendance artistique actuelle à partir de huit artistes transgenres (cités en introduction) qui sont très présent-e-s sur la scène artistique, dans les textes académiques et sur Internet. Les artistes transgenres font appel à trois procédés artistiques pour capter la performance des corps transformés : ils peuvent présenter leur corps pendant ou au terme de leur processus de transition corporelle, ou alors enregistrer la progression de la transition corporelle dans le temps, ou encore exposer les outils techniques (hormones, bistouris, prothèses, haltères) ou des reliques (poils, organes, seringues usagées) qui attestent de la transformation du corps. Dans les œuvres de notre corpus, la performance du corps en cours de transition (pendant la chirurgie ou l’hormonothérapie) n’est jamais présentée directement, en présence du public : ce dernier n’est jamais convié en salle d’opération, ou invité à voir des injections d’hormones au sein d’un musée par exemple. Les œuvres que nous avons à notre disposition se servent des médias en différé, et notamment de la photographie, pour capter la transformation corporelle qui se joue dans la performance transgenre. Dans une série de trois autoportraits photographiques en noir et blanc (1996) XX , Loren Cameron expose son corps au terme de sa transition female-to-male XX , il est entièrement nu, face à l’objectif de l’appareil photographique qu’il déclenche lui-même à distance. L’artiste présente tous les caractères sexuels d’un corps masculin idéal, sauf qu’il a un vagin, ce détail anatomique vient témoigner de son identité transgenre. Dans chacune des photographies, l’artiste accomplit des actions qu’il met en scène à travers des poses qu’il emprunte à la chorégraphie du body-building et au processus d’une réassignation de genre female-to-male. Dans la première, il simule une injection de testostérone. Dans la deuxième, il joue avec la lame d’un bistouri à l’endroit où l’on distingue les cicatrices de sa mastectomie. Et dans la troisième, il exécute des flexions du bras à l’aide d’un haltère. En somme, il présente les étapes traditionnelles de la transformation d’un corps female-to-male : l’hormonothérapie, les chirurgies et la musculation afin de construire le nouveau genre masculin de son corps. Le sexe féminin, pourtant parfaitement visible, résiste à l’identification féminine du corps de l’artiste car, comme le suggère Josch Hoenes, « pour l’identification masculine, la présence du pénis est beaucoup moins significative qu’une poitrine codée masculine et la prise de poses spécifiques. » XX Dans cette œuvre, la relation ontologique du sexe et du genre est donc remise en cause du fait de la mutation possible du corps au contact des technologies transgenres, comme les hormones synthétiques. Dans une installation multimédia intitulée…